Enfance & Libertés : chronique d’une psy « De l’urgence de rassurer nos enfants »

mise à jour le 08/06/21

Dépression

Psychologue en cabinet libéral, je reçois un public majoritairement adulte. Après avoir travaillé une dizaine d’années dans le champ de la protection de l’enfance, je me suis essoufflée à porter la parole des enfants face à des institutions sourdes et parfois maltraitantes. Et je dois dire que la période que nous vivons depuis plus d’un an me rappelle étrangement des situations et ressentis déjà vécus dans ce passé professionnel.

Nous sommes le 01 juin 2021. Journée de consultations habituelle à mon cabinet.

Il est 15 heures, je reçois Mathilde, maman de quatre enfants, qui arrive effondrée, me confiant ses inquiétudes face au comportement de son cadet. Ce collégien de 12 ans a développé des tics très importants depuis plusieurs mois, mais aussi et surtout est en proie à des phobies d’impulsion de… faire du mal aux gens qu’il aime. Oui, vous avez bien lu : cet enfant de 12 ans, sans antécédents psychologiques, a aujourd’hui peur de faire du mal à ses proches, la nuit, dans son sommeil, sans s’en rendre compte. Cet enfant a donc développé tout un rituel le soir pour s’endormir : il ferme sa porte, met plusieurs objets devant pour la bloquer et ne pas risquer de sortir. Ce jeune garçon est terrifié à l’idée de devenir fou, de perdre pied et commettre l’irréparable. Bien évidemment, Mathilde est extrêmement inquiète et démunie pour aider son fils.

Nous voyons ici que la désinformation des adultes alimente leurs propres peurs et ne leur permet plus de rester ancrés, raisonnés, et capables de rassurer leurs propres enfants. Les enfants deviennent alors le réceptacle des angoisses des adultes.

Mathilde m’explique que le papa est un homme anxieux par la maladie, convaincu que son fils puisse être vecteur de contamination et se maintient, par protection, à distance de lui depuis un an. Nous voyons ici que la désinformation des adultes alimente leurs propres peurs et ne leur permet plus de rester ancrés, raisonnés, et capables de rassurer leurs propres enfants. Les enfants deviennent alors le réceptacle des angoisses des adultes.

Les phobies d’impulsion sont bien connues chez nous, les psys. Elles sont pour la grande majeure partie du temps des conséquences de traumatismes antérieurs. La peur de passer à l’acte, la peur de faire du mal à l’autre ou à soi-même envahit alors tout l’espace psychique de la personne qui a l’impression de devenir folle.

Quel lien entre les phobies d’impulsion de cet ado et la situation actuelle de crise sanitaire ?

Ce que nous vivons depuis plus d’un an est anormal. Nous vivons dans une société où tous les ingrédients pour concocter un psychotraumatisme sont en place : isolement, confinements, restrictions des libertés, perte de repères, difficulté de se projeter, peur de la mort, peur de soi, peur de l’Autre, culpabilisation, absence d’accès aux sources de plaisir, injonctions paradoxales, infantilisation… tout y est. Absolument tout.

Et que dire de ces messages véhiculés dans les médias, les réseaux sociaux, les affiches dans la rue, le métro, les publicités en tous genres dans lesquels les enfants sont considérés comme potentiellement responsables de la contamination de leurs parents ou grands-parents, et éventuellement de leurs morts ?  Qu’intègrent ces jeunes à travers ces messages effrayants ?

Et que dire de ces messages véhiculés dans les médias, les réseaux sociaux, les affiches dans la rue, le métro, les publicités en tous genres dans lesquels les enfants sont considérés comme potentiellement responsables de la contamination de leurs parents ou grands-parents, et éventuellement de leurs morts ?  Qu’intègrent ces jeunes à travers ces messages effrayants ? Une petite fille de 7 ans que j’accompagne me disait récemment « même si je vais bien, je dois rester loin de mes parents, on ne sait jamais, je pourrais leur donner le Covid et ils pourraient mourir »Les mots de cette enfant, les phobies d’impulsion du fils de Mathilde et tant d’autres témoignages confiés au sein de nos cabinets de psychologues, nous montrent à quel point les enfants souffrent de ce climat.

Depuis plusieurs mois, les services de pédopsychiatrie débordent de demandes de prises en charge pour des enfants et adolescents qui vont très mal. Jamais nous n’avons assisté à une telle situation dans le monde de la santé mentale. Les professionnels libéraux et hospitaliers témoignent de manifestations dépressives, troubles anxieux, troubles obsessionnels compulsifs, troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil, passages à l’acte suicidaires…  chez des enfants et adolescents sans antécédent psychologique.

Pour en revenir à Mathilde : son fils semble en effet aujourd’hui être en proie à des angoisses massives générées par la situation de stress chronique dans laquelle nous maintenons enfermés les enfants. Les communications culpabilisantes, effrayantes, dirigées vers eux sont tout simplement scandaleuses, au regard des études existantes. Les professionnels de la santé ne peuvent ignorer les conséquences que ce type de communication génère chez cette population jeune, vulnérable car en construction.

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