Pr Jean-Michel Claverie : Quelques infos sur le covid-19 et son virus pour animer le repas de Noël

mise à jour le 24/12/21

Un beau-frère qui croit tout savoir participe au repas de Noël ? Pas de panique, nous reproduisons le post Jean-Michel Claverie sur LinkedIn avec les informations scientifiques de base sur la pandémie de covid-19 et des critiques imparables de la politique sanitaire. Il vous prépare à mettre tout le monde d’accord autour du repas de Noël, y compris le beau-frère qui la ramène un peu trop avec son médecin préféré Michel Cymes qui n’a pas croisé un stéthoscope depuis qu’il a dû poser avec en photo, à moitié à poil, pour une vente de calendrier.


Logiquement, avec tous ces arguments, vous devriez tenir de l’apéro jusqu’au dessert. Le beauf fera la tête mais au moins, cette année, il fermera sa gueule !

1) Alpha, Delta, Omicron : c’est quoi un variant ?

Pour exister, pour se propager, pour nous infecter, un virus a besoin de multiplier son génome, son capital génétique.

Dans le cas du coronavirus (SARS-CoV2, pour « severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 »), ce génome est un brin d’acide ribonucléique (ARN) composé d’environ 30 000 ribonucléotides (symbolisés par les lettres A, U, G, C).

La multiplication du génome du virus se fait en le recopiant nucléotide par nucléotide (lettre par lettre). Malheureusement, ce processus s’accompagne d’erreurs faites au hasard, avec une fréquence d’environ 1 erreur pour 1 million de lettres recopiées. Ce taux d’erreur, signifie que 3 % des virus recopiés ont au moins une erreur dans leur génome (30 000/1 000 000)

On estime que chaque cellule infectée par un virus en produit environ 1 000 nouveaux (1). Cela veut dire que chaque cellule va produire 30 « mutants » (3 % x 1000). Et comme la protéine virale Spike (qui permet sa fixation sur le récepteur cellulaire ACE2) est codée par environ 1/30 du génome, on voit que chaque épisode d’infection, va produire un mutant (une variante) de la fameuse protéine Spike (2).

L’émergence de mutants n’est donc pas rare du tout, quand on sait qu’une personne infectée peut fabriquer plusieurs dizaines de milliards de virus durant sa maladie. Il y a donc en fait beaucoup plus de variations « silencieuses » (des mutants) que de ces « variants » dont on nous parle dans les médias. Nous allons voir pourquoi au prochain paragraphe.

2) Comment passe-t-on d’un mutant à un variant ?

Au sortir de la cellule en fin d’infection, le mutant éventuel va ressortir mélangé à une grande majorité des virus « standards » de la souche originale. Il n’aura alors aucune chance de prendre l’avantage sur elle, s’il ne bénéficie pas d’un avantage suite à sa mutation. Ces avantages peuvent être de types très différents :

  • Le mutant peut produire plus de virus que la souche standard à chaque infection (ex : 1100 plutôt que 1000).
  • Le mutant peut avoir une meilleure affinité (être plus collant) pour le récepteur ACE2 (il lui faudra donc moins de tentative pour réaliser l’infection d’une cellule).
  • Il est moins sensible que le virus standard aux « mesures barrières » qu’on lui oppose (masque, distance, gel hydro-alcoolique).
  • Il est moins sensible aux agents environnementaux (UV, température, sécheresse).
  • Il est moins bien détecté ou neutralisé par la réponse immunitaire naturelle.
  • Il est moins bien neutralisé par la réponse immunitaire induite par le vaccin, etc.

L’avantage acquis par un virus mutant pourra d’autant mieux s’exprimer que le virus « standard » (dominant à l’instant T) sera soumis à une sélection, qui en diminue son aptitude (en anglais : « fitness ») à se propager. Petit à petit, le mutant pourra compenser son handicap initial, jusqu’à devenir détectable au plan épidémiologique, et même dominant à son tour. Le mutant (initialement rare et éphémère) s’installe alors dans la population où il est alors reconnu comme un « variant ».

3) Les mesures « barrières » sont des processus de sélection

Avec chaque mesure « barrière », nous installons, sans le vouloir, un processus de sélection. Cela tient au fait que ces mesures ne sont pas efficaces à 100 % (aucune ne l’est, sauf le confinement individuel en isolement absolu). Elles s’apparentent donc à un filet dont les mailles sont fixées par la taille de ce que l’on veut retenir (le virus standard), mais les mutations vont créer, quoique nous fassions, des virus nouveaux capables de passer à travers.

Prenons un mutant dont l’efficacité d’infection serait dix fois plus grande que celle du virus « standard ». Par exemple un postillon contenant 1 000 virus standard est nécessaire à l’infection d’une personne, alors qu’il suffit de 100 virus variants pour déclencher la même infection.

Toutes choses étant égales par ailleurs (la concentration de virus dans le nez, par exemple), la simple distanciation sociale ou le port du masque va diminuer la taille (ou le nombre) des postillons franchissant la « barrière » et faire que seules de plus petites gouttelettes (ou des aérosols) ne véhiculant que 100 virus vont pouvoir être échangées entre les personnes. La transmission ne sera donc plus possible que pour le variant qui ne tardera pas à supplanter le virus initial parmi les nouveaux cas d’infection. Cet exemple (d’une simplicité caricaturale) illustre également une propriété commune à toutes les mesures barrières :

  • Elles sont efficaces à court terme (au début, elles ralentissent la propagation du virus standard).
  • Elles sont dangereuses et inefficaces à long terme, car elles provoquent l’émergence de variants qui les contournent.

Les mesures « barrières » quelles qu’elles soient ne seront donc jamais la solution définitive à la pandémie. Il faut donc trouver un moyen de cohabiter avec le virus tel qu’il est, sans introduire un nouveau processus de sélection.

4) Et les vaccins alors ?

La politique vaccinale généralisée mise en œuvre à l’échelle de la planète souffre exactement des mêmes limitations que celles que nous avons identifiées dans le paragraphe précédent, pour les masques.

  1. Les vaccins actuels (Pfizer, Moderna, Novavax) sont d’une efficacité très inférieure à 100%, car
  2. Ils ne sont dirigés que contre une seule protéine du virus SARS-CoV2 (la « spike »)
  3. Cette protéine a une capacité de mutation importante, qui lui permet de passer à travers les « mailles du filet » sans difficulté
  4. Ces variations sont particulièrement sélectionnées au sein de populations fortement vaccinées qui freinent la circulation du virus standard,
  5. La génération/sélection des variants est fortement favorisée en pleine pandémie où des milliards d’individus sont en cours d’infection engendrant des milliards de milliards de virus mutants (dont 1/1000 sont des mutants de la protéine Spike).

Généraliser la vaccination à des tranches d’âge et de population sans aucun risque (moins de 40 ans par exemple) sous le simple prétexte de « faire diminuer la circulation du virus » est la pire des actions à mener, car elle ne fait que multiplier la pression de sélection sur le virus standard (actuellement Delta) au sein des nouveaux vaccinés sans leur apporter aucun bénéfice individuel.

A (très) court terme la vaccination va faire baisser le nombre de « cas », avant de revoir réapparaître un nouveau variant insensible au vaccin à plus long terme (6 mois ?). On ne se débarrassera jamais du Covid de cette façon. Dans ce même contexte, on ne peut que souligner la dangerosité potentielle de soumettre la population à une troisième dose de vaccins très inefficace (30 %) contre le nouveau variant Omicron, sous prétexte de « booster » la quantité d’anticorps. En effet, les anticorps produits ne sont qu’un mélange (en proportion mal connue) d’anticorps vraiment efficaces (neutralisant) et d’autres qui se fixent sur la protéine Spike, sans en inhiber la fonction. En présence du variant Omicron, la part des anticorps neutralisants ne peut que diminuer, ouvrant la voie à une majorité d’anticorps non-neutralisants qui pourraient avoir une action facilitante, rendant les vaccinés plus sensibles à une infection par le variant (3). La troisième dose pourrait également exacerber la sélection du virus Delta en faveur du variant Omicron.

5) D’autres vaccins sont possibles

Au-delà de leur durée d’efficacité ridiculement faible (et inédite), la plupart des vaccins utilisés actuellement, leur limitation fondamentale est de n’avoir ciblé que la seule protéine Spike, et de n’avoir fondé la mesure de leur efficacité que sur la synthèse immédiate d’anticorps « neutralisants ». Ces anticorps agissent comme une muselière sur le virus.

D’autres vaccins sont possibles (à base de SARS-CoV2 atténués ou inactivés) dont l’utilisation provoque une réponse immunitaire beaucoup plus diversifiée dans ces cibles (d’autres protéines de surface du virus) et dans sa nature (réponse immune cellulaire, dirigée contre la plupart des 30 protéines virales). Plusieurs vaccins à base de SARS-CoV2 inactivés sont utilisés en Chine (Sinopharm) ou en Inde (Covaxin), d’autres sont en cours de test (comme celui de Valneva pour l’Europe) (4).

6) Et l’immunité naturelle ?

Le fait d’attraper le covid et de passer à travers sans problème majeur (ce qui se produit dans plus de 99 %) pour les personnes de moins de 40 ans sans comorbidité particulière, leur confère une immunité acquise (souvent dite « naturelle »). Leur système immunitaire a bien fonctionné et les a équipées d’une panoplie de défense beaucoup plus complète que la seule vaccination avec le vaccin Pfizer ou Moderna, car elle cible de nombreuses protéines du virus en plus de la protéine spike, par l’entremise des deux volets de l’immunité humorale (les anticorps) et cellulaire (les lymphocytes cytotoxiques).

Une des rares études publiées sur l’efficacité et la durée de l’immunité naturelle est très récente (3 décembre 2021) et porte sur une cohorte de plus de 470 000 patients infectés par le variant Delta (5). Cette étude conclut que l’immunité acquise confère une grande protection contre la réinfection (87,5 %) et qu’elle dure au moins 13 mois. Si de tels chiffres sont exacts (ou du moins proches de la réalité), on peut légitimement se demander pour quelle raison la notion d’immunité naturelle reste résolument absente de la conception des politiques actuelles de santé publique.

7) Conclusion

Bien que dans un format très vulgarisé, les informations que j’ai rassemblées dans ce texte forment la base d’une interprétation scientifique consensuelle et éprouvée de la façon dont un virus se comporte et évolue au cours d’une épidémie. La crise que nous traversons représente une des premières expériences d’évolution virale à l’échelle d’une infection planétaire que nous soyons en mesure de suivre et d’analyser avec les moyens de la science moderne. Globalement, elle se déroule en accord avec tous les principes connus de la virologie. Le SARS-CoV2 se répand et évolue selon des réactions parfaitement prévisibles à toutes les mesures « barrières » que l’on cherche à lui opposer.

Le seul but d’un virus étant de continuer à exister, son évolution la plus probable va être de se rendre de plus en plus discret (donc de moins en moins virulent) au sein d’une population qui en échange lèvera progressivement les barrières qui entravent sa dissémination (« ni vu ni connu » est la devise des meilleurs virus). La seule inconnue qui reste est le temps que cette conversion va prendre.

Les pouvoirs publics pourraient néanmoins tenter d’abréger cette crise, plutôt que de la prolonger, en s’inspirant des principes scientifiques de base que j’ai présentés ici, et cesser de provoquer des remous au sein d’une population virale qui n’aspire qu’au statu quo.

En premier lieu cesser de forcer un rappel d’une troisième dose d’un vaccin que l’on sait beaucoup moins efficace contre le variant Omicron (30 % !) que contre le variant Delta, exacerbant ainsi le processus de sélection en faveur du nouveau variant (qui est plus contagieux simplement parce que le Delta est inhibé au sein d’une population majoritairement vaccinée).

Cesser également de proposer la vaccination (anti-Alpha/Delta) au plus jeunes tranches d’âge (adolescents et enfants) qui n’en tirent aucun bénéfice individuel, et qui les transforme en autant de sélectionneurs potentiels de variants futurs (et d’Omicron dans l’immédiat).

Accélérer la mise sur le marché de vaccins inactivés comme solution médicale provisoire pour les plus âges et les personnes à risques en attendant le terme de la pandémie.

Accélérer la mise sur le marché d’antiviraux non mutagènes (ex : Paxlovid de Pfizer, un inhibiteur de protéase), et en faire baisser le coût.


1 Bar-On YM, Flamholz A, Phillips R, Milo R. 2020 SARS-CoV-2 (COVID-19) by the numbers. Elife. 9:e57309. doi: 10.7554/eLife.57309. PMID: 32228860.

2 En fait seulement environ 2/3 des mutations changent la protéine, mais nous ne nous intéressons qu’aux ordres de grandeur

3 Arvin AM, et al. 2020 A perspective on potential antibody-dependent enhancement of SARS-CoV-2. Nature 584:353-363. doi: 10.1038/s41586-020-2538-8. PMID: 32659783

4 https://www.who.int/fr/news-room/feature-stories/detail/the-race-for-a-covid-19-vaccine-explained

5 Kim P, et al. Duration of SARS-CoV-2 Natural Immunity and Protection against the Delta Variant: A Retrospective Cohort Study. Clin Infect Dis. 2021 Dec 3:ciab999. doi: 10.1093/cid/ciab999. PMID: 34864907.

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