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Depuis 2001, les États-Unis et leurs alliés ont largué au moins 326 000 bombes et missiles sur des pays de la région Moyen-Orient élargi/Afrique du Nord. C’est la conclusion des nouvelles recherches de Medea Benjamin et Nicolas J.S. Davies du groupe anti-guerre CODEPINK.
L’Irak, la Syrie, l’Afghanistan et le Yémen sont les pays qui ont le plus souffert de la violence, mais le Liban, la Libye, le Pakistan, la Palestine et la Somalie ont été également visés. En moyenne, 46 bombes ont été larguées par jour au cours des 20 dernières années.
Les chiffres de CODEPINK sont fondés principalement sur les communiqués officiels de l’armée américaine, ainsi que sur les données du bureau of Investigative Journalism, du Yemen Data Project et de la New America Foundation. Aussi frappant que soit le chiffre de 326 000, c’est une sous-estimation, car l’administration Trump a cessé de publier les chiffres de ses campagnes de bombardement en 2020, ce qui signifie qu’il n’y a pas de données pour l’Irak, la Syrie ou l’Afghanistan depuis presque deux ans. Ne sont pas comptés non plus les bombes ou les missiles utilisés dans les frappes d’hélicoptères, les attaques de canonniers AC-130, les actions ponctuelles réalisées à partir de bombardiers américains, ou toute opération de contre-insurrection ou de contre-terrorisme dans d’autres parties du monde.
Une main de fer dans un gant de velours ?
La semaine dernière, le président Joe Biden a donné l’ordre d’attaquer les milices irakiennes en Syrie, larguant 1,75 tonne de bombes sur un village frontalier et tuant 22 personnes, ce qui a suscité des réactions positives de la part des faucons de Washington et autres spécialistes des médias d’affaires. Cette décision aurait été prise à la suite de frappes contre des bases militaires américaines en Irak. Ces bases avaient cependant fait l’objet, l’an passé, d’un vote de fermeture à l’unanimité par le Parlement irakien.
Hier, de manière anonyme, des responsables de l’administration ont affirmé que Biden avait annulé une deuxième frappe en Syrie après avoir été averti que des femmes et des enfants se trouvaient dans la région. Bien qu’aucune preuve n’ait été présentée et que les fonctionnaires aient refusé de le faire, les médias d’affaires se sont diligemment alignés sur la ligne du département d’État, permettant à la nouvelle administration de se présenter comme dure envers ses ennemis mais aussi comme championne des droits de l’homme.
De la guerre, encore de la guerre, et toujours plus de guerre
Les États-Unis ont été en guerre presque chaque année de leur existence en tant que nation indépendante, soit 227 ans sur une histoire longue de 244 ans. Alors que Barack Obama et Donald Trump ont tous deux fait de la rhétorique anti-guerre lorsqu’ils étaient en campagne électorale, tous deux se sont plus ou moins éloignés de cette position une fois au pouvoir. Surtout Obama qui en 2016, bombardait simultanément sept pays et avait mérité le surnom de « Roi des drones ». Pendant ces quatre dernières années, Trump n’a permis que l’intensification de la guerre au Yémen et a juste autorisé l’assassinat ciblé du leader iranien Qassem Soleimani alors qu’il était en Irak pour des pourparlers de paix régionaux. Le 45e président a cependant autorisé l’utilisation de « la mère de toutes les bombes », un explosif de 21 000 livres (9 500 kg) largué sur la province afghane de Nangarhar en avril 2017.
Bon nombre des premières mesures prises par le gouvernement Biden indiquent qu’il y aura plus de continuité que de rupture avec la politique étrangère américaine trumpienne au Moyen-Orient. Alors que M. Biden s’était engagé à mettre fin au rôle des États-Unis au Yémen, le libellé du département d’État indique clairement que les États-Unis ne font que reprendre la position d’Obama sur le conflit. Biden a seulement promis de mettre fin au soutien aux campagnes saoudiennes « offensantes » et de limiter les ventes d’armes « pertinentes ». Pourtant, son gouvernement a immédiatement commencé à souligner et à dénoncer les attaques des Houthis contre l’Arabie saoudite, et à réaffirmer son engagement à aider Riyad à se « défendre » contre l’agression des Houthis. L’envoyé des États-Unis, Timothy Lenderking, est même allé jusqu’à féliciter l’Arabie saoudite pour son « généreux soutien au peuple yéménite au cours des décennies écoulées ». (NDT : généreux soutien via des largages de bombes et blocus alimentaire… hum !!!)
Sur Israël, Biden a pleinement soutenu la décision de Trump de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, une décision controversée approuvant effectivement l’occupation israélienne de la Palestine. Aujourd’hui, la vice-présidente Kamala Harris a rencontré le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour réaffirmer l’« engagement indéfectible » de la Maison-Blanche envers Israël et sa sécurité.
Pendant ce temps, en ce qui concerne l’Iran, M. Biden a traîné les pieds pour lever les sanctions et revenir à la table de négociation pour ramener les États-Unis à l’accord nucléaire que Trump avait dénoncé. Il a également présenté son attaque contre la Syrie comme un « message » pour l’Iran.
En dépit de ses dépenses militaires cumulées représentant presque autant que tous les autres pays de la planète, l’impact des guerres laisse les habitants des États-Unis totalement froids et ignorants des effets engendrés outre-Atlantique. Comme Benjamin et Davies l’écrivent : « Le public américain et le monde entier sont laissés presque complètement dans l’ignorance de la mort et de la destruction que les dirigeants de notre pays continuent de causer en notre nom. » Avec des études comme celle-ci, CODEPINK espère changer ce fait.
– Source : US, Allies Drop 46 Bombs Per Day for 20 Years, New CODEPINK Research Reveals (5 mars 2021)
– Traduit par Tanguy pour Le Média en 4-4-2
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