Dans une république, la composition sociologique de l’assemblée des représentants détermine la véritable répartition des pouvoirs ainsi déconnectée de la composition sociologique du peuple (Incarné par le corps électoral dans une démocratie). Après, se pose La question de la création et de la sélection de ce corps. La mise en place de cursus honorum sans cesse croissants, l’obligation de financer les campagnes électorales créent une barrière à l’entrée.
Les appareils des partis constituent également un filtre dont l’efficacité ne saurait être sous-évaluée, nous en reparlerons.
Le financement public largement basé sur le nombre d’élus obtenus rend ce système cyclique et tend à reproduire les résultats passés. On n’aurait pu faire autrement, autoriser les citoyens à allouer les aides avec leurs déclarations d’impôts sur le revenu : ils reçoivent une feuille où ils choisissent le parti auquel ils attribuent leur quote-part (Les Allemands le font avec l’impôt d’église). Évidemment, une mesure de cet ordre recomposerait la classe politique ce serait donc anti démocratique car non souhaité par nos dirigeants. Aujourd’hui les partis, pour aussi assurer leurs ressources, soutiennent donc les intérêts de leurs gros financeurs et ça n’est pas le peuple. Autant pour le : « pour le peuple ».
Reste le gouvernement du peuple, et là, l’usage des moyens de répression, des impôts qui permettent de diriger une large partie de la richesse publique assurent que le peuple soit effectivement gouverné, mais comme un troupeau de bétail privé de possibilité d’objection sérieuse à moins d’accomplir un effort gigantesque dont il n’existe que peu d’exemples dans l’histoire. Rappelons qu’en France six milliards sont attribués chaque année aux médias choisis par le pouvoir. Comment contrer une telle capacité de propagande ? Et nous n’évoquons pas encore les détournements du fonds Marianne destinés à nous protéger des « FAUSSES » informations. Les choses en sont au point que le pouvoir a pu fermer sans protestation RT France seulement coupable d’être financée par les autorités Russes. Faut-il s’étonner après de voir le monde politique, hormis quelques Francs tireurs remarquables de résistance, à une série de déclinaisons du même projet où seule la couleur de la sauce tente d’accommoder la pauvreté du plat ?
Le contrôle des partis
Une force politique est selon la définition que nous allons utiliser : De l’argent, des hommes et des idées.
En théorie, les gouvernements issus des élections devraient donc pouvoir représenter les idées de l’ensemble de la population. Les budgets des partis pèsent à peine une poignée de millions, une donation, un financement participatif devrait suffire à y pourvoir et la campagne 2016 de Bernie Sanders en fut un bon exemple. Maintenant, constatons les limites de l’exercice : Bernie Sanders présent depuis des décennies en politique et avait eu le temps de monter et structurer son organisation. Malgré cela le parti démocrate l’a mis hors-jeu. Car, fondamentalement, s’il est possible de monter un parti à partir d’idées autour desquelles des hommes s’agrègent, puis de doter cette organisation de ressources propres, c’est un processus long et difficile. Le monument intellectuel du marxisme a exigé un temps considérable pour aboutir.
Et encore, l’œuvre de Marx existe uniquement grâce à la fortune familiale d’Egels dont le généreux financement assurait le quotidien de la famille Marx. Sinon, monsieur Karl aurait dû employer une large partie de sa vie à la gagner au lieu de passer ses jours à la British Library.
Nous sommes donc en présence du facteur inverse, l’argent suffit à créer et vivifier un parti. Il peut permettre d’acheter le temps homme nécessaire pour sortir l’organisation des limbes (qui parle de Mc Kinsey dans En Marche ?) et le talent des auteurs pour justifier n’importe quelle idée. Je me permettrais de renvoyer les sceptiques à la scène de ridicule (Le film, 1996) où l’abbé démontre l’existence de dieu et pour faire un bon mot annonce : « Et lorsqu’il plaira à votre Majesté, je lui démontrerai que dieu n’existe pas !« .
Voila l’exemple type de l’individu mercenaire, talentueux prêt à mettre son intelligence au service de n’importe quelle cause capable de fournir à son mode de vie. Il faut savoir ne pas les sous-estimer. Hors, la vie politique a changé. La croissance de la population, la concentration technique de nombreuses branches, font que les montants que peuvent engager les acteurs économiques ou les grandes fortunes sont bien plus importants qu’autrefois. Financer un parti devient donc une activité mineure et aisée. Certes il existe des lois pour limiter, mais elles se contournent facilement : Micro partis, instituts d’études ou fondations pour fournir le programme.
La fondation Jean Jaurès se finance ainsi :
Et les mécènes sont :
Source : Site de la fondation Jean-Jaurès.
Quand à l’institut Montaigne autre grand nom, voici ce qu’en dit sa propre fiche Wikipedia :
« L’Institut Montaigne est un laboratoire d’idées français qui défend une vision libérale1,2,3. Créé en 2000 par l’homme d’affaires Claude Bébéar, il est financé par plusieurs grandes entreprises4,5. Il a le statut d’association loi de 1901.
L’Institut Montaigne est présidé depuis 2015 par Henri de La Croix de Castries. Depuis la démission de Laurent Bigorne en 2022, Marie-Pierre de Bailliencourt devient directrice de l’Institut. Elle est une proche de Vincent Bolloré6. »
Budget en 2021 : 7,2 millions d’euros d’après la fiche !
Tout mouvement politique désireux de s’opposer aux politiques actuelles doit donc trouver, en bénévoles ou en argent les moyens de contrer entre 2,3 millions et 7,2 millions d’euros de créations de notes, de veille informationnelle. Bonne chance… A cela s’ajoute le poids médiatique une fois de plus un filtre considérable. Un parti a vocation, à analyser la situation, créer des idées puis à les propager. La COVID, la Guerre en Ukraine ont là encore démontré la capacité des médias à étouffer toute parole dissidente. Combien vaut, la couverture de presse (17000 articles) nécessaire pour entre 2016 et 2017 transformer un parfait inconnu en président de la République ? La liberté d’expression existe, en effet, mais la corrélation entre l’exposition médiatique et les résultats électoraux aussi. Il existe au moins un effet de connaissance du nom. L’individu ainsi distingué peut-il être politiquement libre ? Poser la question en ces termes revient à y répondre et cela seul aurait dû suffire à déclencher l’article 68 sur la destitution : Le président avait un mandat impératif.
Pour toutes ces raisons, la vie politique ne saurait être aujourd’hui autre chose qu’un exercice de façade et par là, même, l’abus d’une classe sociale est possible. Alors, ne nous voilons pas la face, cela a toujours été. Marx, était avant tout un bourgeois. Il existait cependant une capacité autrefois à savoir ne pas aller trop loin qui a disparu.
Probablement en raison d’une modification des rapports de forces qui doit être bien comprise :
La capacité d’autonomie des populations a beaucoup diminué. Après la révolution russe, des centaines de milliers d’ouvriers ont regagné ses campagnes. Aujourd’hui, ce serait impossible. Il est donc facile de contrôler l’approvisionnement alimentaire des centres urbains. L’eau, le gaz, l’électricité dépendent là encore de macro-réseaux faciles à couper. Les armes modernes ont connu un gain appréciable de puissance. J’invite ceux qui le désirent et ont le cœur bien accroché à regarder la scène de la servante écarlate où le nouveau pouvoir réprime les manifestations à la mitrailleuse. En Ukraine, après le Maïdan, seule la présence de dépôts d’armes datant de l’ère soviétique et une aide russe ont permis à la résistance locale de résister à l’armée ukrainienne, sans cela, cette dernière aurait écrasé la révolte, comme cela s’est fait à Odessa ou Kharkov.
La population humaine a beaucoup augmenté. Pour peser démocratiquement, il faut des votes et des militants. Avec une population augmentée de 60% par rapport au début du XIXème siècle, organiser un mouvement politique exige des ressources plus importantes, des niveaux hiérarchiques supplémentaires. Cela favorise les manœuvres d’appareil, les apparatchiks. Acheter ces gens est donc facile à réaliser pour les détenteurs du capital et les héritiers et encore plus si vous payez en sinécures financées par le budget de l’état (regardez les mécènes de la fondation Jean-Jaurés, combien sont indépendants ?). Il serait bien évidement immoral de voir les travailleurs ne pas financer leur propre mise en esclavage la répression est un service public maintenu à la perfection (vous voyez, j’ai trouvé un service public fonctionnel !).
Dés, lors, le pouvoir populaire se vide de sa substance et de sa capacité du citoyen à se faire entendre. Une administration kafkaïenne et tentaculaire vient s’y ajouter comme un rideau de fumée pour masquer les véritables centres de décision. S’y ajoutent des facteurs plus conjoncturels comme : l’individualisme, les peuples occidentaux ont appris l’inutilité des luttes communes. Le désenchantement des idéologies et du combat politique après la chute de l’URSS. Une pression psychologique plus intense exercée sur les individus pour leur faire intérioriser leur responsabilité dans leur échec.
Nous assistons d’ailleurs à la mise en place d’un réseau croisé de censure ou de contre information. Les fondations Jean-Jaurès ou l’institut Montaigne se doublent aujourd’hui de fact checkeurs, d’agences de presse et autres groupuscules dont une partie du financement semble être d’origine publique. Devons-nous alors nous demander pourquoi le débat ne produit plus ses effets ? Car il est étouffé, contraint, enfermé dans les étroites limites autorisées par le pouvoir oligarchique. Est-ce là la fameuse démocratie où une farce de mauvais goût ?
Nous pouvons nous entre étriper sur des sujets de société sans importance, où la qualité autorisée pour le papier glacé des photos ministérielles, mais en aucun cas sur le grand hold-up financier en cours. La corruption est là aussi un sujet à éviter car comme chacun sait, seuls les complotistes se préoccupent de tels thèmes.
Alors, on peut proclamer qu’en présence d’élection le pays réserve l’attribut démocratique, mais ce n’est de plus en plus qu’une vieille fille fardée dont le maquillage peine à dissimuler la décrépitude. En l’état actuel du débat, les méthodes utilisées parviennent à éviter la naissance d’un contre-projet, sans réduire l’aspect irritant d’une politique qui vise à la défense des patrimoines et à la culpabilisation de ceux qui vivent de leurs salaires. Ça ne serait pas grave si seulement la méthode accouchait d’une progression telle des niveaux de vie que la société bénéficie du fameux ruissellement. Mais, la guerre sociale absorbe le peu de talent de nos dirigeants. L’organisation politique actuelle maintient surtout l’existant et les héritiers ne sont pas naturellement conduits à faire leurs preuves. Depuis 2008, le système refuse de toucher aux bénéficiaires de la financiarisation malgré ses échecs. Mais à force de continuer dans la même direction, nous avançons dans le brouillard vers le mur.
N’est-ce pas là ce que la démocratie est censée éviter ?
Jules Seyes pour Le Média en 4-4-2