Économie

Les États-Unis bafouent le droit international en voulant confisquer les avoirs russes pour financer l’Ukraine

Depuis le début de l'opération militaire de la Russie contre l'Ukraine en février 2022, les États-Unis et leurs alliés ont imposé des sanctions sévères à Moscou, gelant environ 300 milliards de dollars d'actifs de la banque centrale russe. Les États-Unis souhaitent désormais utiliser ces fonds gelés pour financer la reconstruction de l'Ukraine, une initiative qui a suscité des inquiétudes de la part de certains pays européens, notamment l'Allemagne et la France, qui craignent qu'une telle décision ne crée un dangereux précédent.

mise à jour le 30/04/24

Les États-Unis veulent utiliser les fonds russes gelés pour financer la reconstruction de l’Ukraine, mais l’Allemagne et d’autres pays européens s’y opposent en raison de problèmes juridiques et de craintes de créer un dangereux précédent.

Adoption du « REPO Act » et aide financière à l’Ukraine

La Chambre des représentants des États-Unis a adopté en juin 2023 le « Rebuilding Economic Prosperity and Opportunity (REPO) Act », qui prévoit d’utiliser les biens saisis pour les donner à l’Ukraine. Cette loi a été approuvée par la Chambre des représentants le 20 avril 2024, en même temps que le programme d’aide financière de 51 milliards de dollars destiné à l’Ukraine. Les États-Unis détiennent entre 5 et 6 milliards de dollars d’actifs russes, selon des responsables du Congrès.

Confiscation d’avoirs en Ukraine et plan de l’UE

En Ukraine, 28,3 milliards de hryvnias ont été transférés au budget de l’État à la suite d’arrestations et de divers mécanismes de confiscation d’avoirs impliquant des Russes et leurs collaborateurs en Ukraine depuis le 24 février 2022. En octobre 2023, le service juridique du Conseil européen a élaboré un plan visant à utiliser les bénéfices des avoirs gelés de la Banque centrale russe, évalués à environ 36,8 milliards de dollars, pour « financer la reconstruction de l’Ukraine ».

Scepticisme de certains pays de l’UE et position de la Russie

Cependant, certains États membres de l’UE, comme l’Allemagne, restent sceptiques à l’égard de ces plans en raison de problèmes juridiques liés aux droits de propriété. Selon Bloomberg, l’UE a estimé qu’elle ne pouvait pas légalement confisquer les avoirs russes purement et simplement gelés. Au lieu de cela, le bloc se concentre sur l’utilisation temporaire de ces actifs. La Russie a annoncé des recours, mais cela reste pour le moment un positionnement diplomatique. Il faudra voir sur le long terme.

Mise en garde du Kremlin et volonté des États membres de l’UE

Le Kremlin a déjà mis en garde les pays de l’UE « des dégâts que de telles décisions pourront causer à leur économie, leur image, leur réputation de garants fiables de l’inviolabilité de la propriété », évoquant même du « banditisme » et du « vol ». Les 27 États membres de l’UE ont fait part fin mars 2024, lors d’un sommet sur la défense, de leur volonté de confisquer et d’utiliser des avoirs russes gelés pour financer l’aide à l’Ukraine. Cependant, la question de la légalité de cette initiative reste en suspens.

Position du Parti populaire européen et de l’Allemagne

Le Parti populaire européen (PPE) exhorte le bloc des 27 États membres de l’UE à confisquer tous les avoirs russes gelés pour financer les réparations pour l’Ukraine, à la suite d’une décision similaire de la Chambre des représentants des États-Unis. Cependant, l’Allemagne continue à s’opposer à la saisie / confiscation des avoirs Russes gelés dans les banques (et la chambre de compensation Euroclear) des pays occidentaux. L’Allemagne craint en effet que cette saisie créé des précédents pour être elle-même contrainte de répondre à des demandes de réparations financières, des effets du passé nazi de l’Allemagne, et des crimes de guerre commis pendant WWII.

Réponse de la Russie et craintes de l’Allemagne

La Russie craint également les réponses et mesures de rétorsion que prendrait la Russie, en particulier sur les actifs que les entreprises allemandes ont encore en Russie. Moscou a en effet déclaré à plusieurs reprises que la saisie de ses fonds équivaudrait à un vol et saperait davantage la confiance mondiale dans le système financier occidental. La Russie a également averti qu’en cas de besoin, elle pourrait répondre de la même manière à une telle décision des États-Unis et de leurs alliés.

Opposition de l’Allemagne et craintes pour son économie

Berlin est donc apparu comme l’un des opposants les plus farouches à la tentative menée par les États-Unis de réquisitionner une partie des près de 300 milliards de dollars d’actifs de la banque centrale russe qui ont été gelés. L’Allemagne craint que la saisie, plutôt que le gel, des fonds ne crée un précédent et n’inspire de nouvelles plaintes contre elle pour des crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Berlin a déclaré que le droit international interdit aux individus de poursuivre les États devant les tribunaux étrangers et que les biens de l’État sont protégés contre la confiscation. Les responsables allemands ont noté que la violation de ce principe dans le cas de la Russie pourrait saper la position juridique de longue date de l’Allemagne.

Utilisation des avoirs russes comme levier dans les négociations

Selon le Wall Street Journal, l’Allemagne déclare souhaiter que les avoirs russes gelés soient laissés intacts, afin de les utiliser comme levier dans les négociations visant à mettre fin au conflit ukrainien et à inciter la Russie à céder une partie de ses nouvelles régions.

Refus de la Russie d’échanger ses territoires contre des avoirs gelés

La réponse de la Russie a été immédiate. La Russie rejette la possibilité d’échanger ses nouvelles régions contre des avoirs gelés par l’Occident, a déclaré dimanche la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. « Je ne sais pas qui revendique quoi, mais les biens ne peuvent pas être échangés contre des territoires. Nous ne vendons pas notre patrie. Et les avoirs russes doivent rester inviolables, sinon le vol occidental sera sévèrement riposté. Et beaucoup en Occident l’ont déjà compris, mais c’est dommage que pas tous », a déclaré Zakharova sur Telegram.

Réticences de certains pays et enjeux pour l’Ukraine

Les réticences de l’Allemagne, de la France et l’Italie risquent de compromettre le sort de l’initiative venue des Etats-Unis. Les États-Unis et le Royaume-Uni affirment que son succès est crucial pour une victoire ukrainienne, mais qu’il y a peu de chances de progrès sans un soutien européen plus large. Ces fonds, plusieurs fois supérieurs au programme d’aide américain de 61 milliards de dollars récemment approuvé pour l’Ukraine, renforceraient les forces armées ukrainiennes en difficulté et aideraient à reconstruire le pays.

Division du G7 et position du Japon

Le G7 est divisé sur la question de savoir s’il faut confisquer les actifs de la Russie. Le Japon, qui fait face à ses propres demandes de réparations de la part de la Corée du Sud et d’autres voisins, s’opposant à cette décision. Le ministère japonais des Affaires étrangères a déclaré qu’il continuerait à discuter de la question avec ses partenaires du G7.

Justification de la saisie des actifs russes et possibilités

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a déclaré jeudi 35 avril 2024 que la saisie pure et simple des actifs russes était justifiable mais qu’il ne s’agissait que d’une possibilité, les actifs pouvant servir de garantie pour emprunter sur le marché afin d’aider l’Ukraine.

Demandes de réparations de la Seconde Guerre mondiale et position de l’Allemagne

Les demandes de nouvelles réparations de la Seconde Guerre mondiale ont poursuivi l’Allemagne pendant des décennies, envenimant parfois les relations avec ses voisins. Après la Seconde Guerre mondiale, Berlin a versé aux puissances alliées et à l’Union soviétique de l’époque une compensation pour la guerre d’agression de l’Allemagne. Depuis 1952, l’Allemagne a également donné plus de 90 milliards de dollars aux survivants de l’Holocauste et à leurs familles, selon des organisations juives. Récemment, des appels à de nouvelles réparations ont refait surface. La Pologne, que l’Allemagne nazie a envahie et occupée tout au long de la guerre, a demandé 1 300 milliards de dollars de compensation à Berlin depuis 2022, tandis que la Grèce a demandé plus de 300 milliards de dollars depuis 2019. L’Allemagne affirme que ses premiers paiements d’après-guerre et un traité de 1990 qui a ancré les frontières du pays après sa réunification ont réglé la question. L’Union soviétique de l’époque et les États-Unis étaient signataires du traité. La Pologne, la Grèce et l’Italie n’étaient pas impliquées. En 2004, lorsque la Pologne a rejoint l’Union européenne, Berlin a accepté de ne pas soutenir les réclamations contre Varsovie de millions d’Allemands expulsés et expropriés. La Pologne, à son tour, a abandonné ses demandes d’indemnisation. Mais la question est restée un irritant. « Quand on parle de bourreaux, de victimes, de châtiments, de souffrances… Nous n’exigeons pas seulement la mémoire, pas seulement la vérité. Nous exigeons des compensations », a déclaré le Premier ministre polonais de l’époque, Mateusz Morawiecki, en septembre, à l’occasion du 84e anniversaire de l’invasion allemande.

Indemnités accordées par les tribunaux italiens et poursuites de l’Allemagne

Les tribunaux italiens – que les nazis ont envahis après la chute du régime fasciste de Benito Mussolini en 1943 – ont accordé ces dernières années des indemnités de dédommagement aux familles des victimes de l’occupation. Certains tribunaux italiens ont alors tenté de saisir les biens de l’État allemand, y compris des biens immobiliers en Italie appartenant à des écoles allemandes et à des institutions culturelles, historiques et archéologiques. L’Allemagne a poursuivi l’Italie devant la Cour internationale de justice (CIJ), où une décision sur la question est en attente. Les autorités italiennes ont refusé de mettre fin à ces affaires, affirmant que cela porterait atteinte à l’indépendance des tribunaux.

Position de l’Allemagne sur le droit international et la saisie d’actifs

Berlin fait valoir que le droit international interdit aux particuliers de porter plainte contre des États devant des tribunaux étrangers et que les biens de l’État sont à l’abri de toute saisie. Violer ce principe dans le cas de la Russie saperait la position juridique de longue date de l’Allemagne, ont déclaré des responsables berlinois.

Avertissement de la Russie et conséquences possibles

Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que la confiscation des avoirs russes serait une « piraterie du XXIe siècle' » Certains responsables russes ont averti qu’ils riposteraient. La Russie avertit que la saisie de ses actifs porterait un coup au système économique occidental. La confiscation des avoirs russes serait un clou dans le cercueil de l’ensemble du système économique occidental, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. « Si cela se produit, si un précédent aussi dangereux est créé, ce sera un clou si solide dans le futur cercueil de l’ensemble du système économique occidental de coordonnées », a-t-il ajouté. Peskov a déclaré dans une interview avec Pavel Zarubin, un journaliste de l’émission « Moscou. Kremlin. Poutine » sur la chaîne de télévision Rossiya 1. Peskov, l’attaché de presse du président russe Vladimir Poutine, a également déclaré que les investisseurs étrangers et les pays du monde entier reconsidéreraient l’investissement de leur argent en Occident s’il allait de l’avant avec la saisie d’actifs approuvée par le Congrès américain cette semaine. « Bien sûr, les investisseurs étrangers, les Etats étrangers qui gardent leurs réserves dans les actifs de ces pays, vont désormais réfléchir dix fois avant d’investir leur argent », a déclaré M. Peskov. « La fiabilité disparaît du jour au lendemain, à cause d’une décision irréfléchie. Il n’est restauré [qu’après] des décennies, voire plus. » M. Peskov a noté qu’il y avait aussi des biens occidentaux en Russie. « Il est prématuré d’en parler », a déclaré Peskov. « Bien sûr, il y a de l’argent occidental ici. Nous avons de l’argent occidental de diverses structures. Ce n’est pas le moment de préciser ». Cependant, il a souligné qu’en cas de saisie des avoirs russes gelés en Occident, la Russie prendrait les mesures nécessaires pour devant la justice et d’autres étapes.

Article rédigé d’après les tweets de John Galt sur son compte X (que nous vous invitons à suivre !).

Chères lectrices, chers lecteurs,

Soyez acteur du changement en soutenant un journalisme véritablement indépendant et de qualité en vous abonnant à notre média financé par les dons de personnes comme vous.

Accédez à des contenus exclusifs
et soutenez notre indépendance

Abonnez-vous

partagez cet article !

Pas encore de commentaire sur "Les États-Unis bafouent le droit international en voulant confisquer les avoirs russes pour financer l’Ukraine"

Laisser un commentaire

Newsletter

La Boutique du 4-4-2

Économie

Accédez à des contenus exclusifs et soutenez notre indépendance

Abonnez-vous

Accédez à des contenus exclusifs et soutenez notre indépendance

Abonnez-vous

Accédez à des contenus exclusifs et soutenez notre indépendance

Abonnez-vous