Selon l’organisation caritative Mencap, les personnes vulnérables ont été victimes de « discrimination choquante » pendant la pandémie.
Les personnes ayant des troubles d’apprentissage n’ont pas eu droit à la réanimation au cours de la deuxième vague de la pandémie, en dépit de la condamnation généralisée de cette pratique l’an dernier et d’une enquête menée par un organisme de surveillance.
Mencap a déclaré avoir reçu des rapports en janvier 2021 de personnes ayant des troubles d’apprentissage, selon lesquels on leur avait dit qu’elles ne seraient pas réanimées si elles étaient contaminées par le Covid-19.
La Commission de la qualité des soins a déclaré en décembre que des recommandations inappropriées de « Ne pas tenter de réanimation cardio-respiratoire (DNACPR ou REPOP) » avaient causé des décès qui auraient pu être évités l’an dernier.
Les REPOP sont habituellement conçus pour les personnes trop fragiles pour bénéficier de la réanimation cardio-respiratoire (RCR), mais l’association Mencap affirme que certains semblent avoir été émis pour des personnes simplement parce qu’elles avaient un trouble de l’apprentissage. Le CQC (Commission de la Qualité des Soins) doit publier un rapport sur cette pratique dans quelques semaines.
Cette dénonciation intervient alors que les militants exercent une pression croissante sur les ministres afin qu’ils reconsidèrent la décision de ne pas accorder la priorité pour les vaccinations aux personnes ayant des troubles d’apprentissage. Il est de plus en plus prouvé que même les personnes ayant une incapacité légère risquent davantage de mourir si elles contractent le coronavirus.
Bien que certaines personnes souffrant de troubles d’apprentissage tels que le syndrome de Down (ou trisomie 21) se trouvaient dans l’un des quatre groupes établis par le Comité mixte sur la vaccination et l’immunisation (JCVI) et que le gouvernement ait promis de leur offrir le vaccin d’ici demain, beaucoup ont été classées dans des catégories inférieures de besoins et attendent toujours.
Edel Harris, directeur général de Mencap, a déclaré : « Tout au long de la pandémie, de nombreuses personnes ayant un trouble d’apprentissage ont été confrontées à des discriminations choquantes et à des obstacles aux soins de santé, avec des avis inappropriés de “Ne pas tenter de réanimation cardiorespiratoire” (DNACPR) » ajoutés à leurs dossiers et des coupes dans leur aide sociale. »
Les chiffres de la Sécurité sociale britannique (NHS) publiés la semaine dernière montrent que dans les cinq semaines qui ont suivi le début du troisième confinement, la tranche des personnes ayant des troubles d’apprentissage comptait 65 % de décès contre 39 % dans la population générale. Et ce, bien que les deux statistiques soient tirées de sources différentes.
Selon Public Health England, les jeunes de 18 à 34 ans ayant des troubles d’apprentissage sont 30 fois plus susceptibles de mourir du Covid-19 que les autres personnes du même âge.
« Il est inacceptable qu’au sein d’un groupe de personnes si durement touchées par la pandémie, et qui, même avant le Covid-19, mouraient en moyenne vingt ans plus tôt que la population générale, un grand nombre aient peur et se demandent pourquoi elles ont été laissées pour compte. »
« Le JCVI et le gouvernement doivent agir maintenant pour aider à sauver la vie de certaines des personnes les plus vulnérables de la société en accordant une priorité urgente au vaccin à toutes les personnes ayant un trouble d’apprentissage. »
Plus de 14 millions de personnes ont reçu une première dose de vaccin jusqu’à présent, et les fournisseurs de soins qui ont parlé à l’Observateur ont déclaré que de nombreuses personnes ayant des troubles d’apprentissage avaient été vaccinées au cours de la dernière semaine. Mais certains attendent toujours. Une femme des West Midlands qui souffre d’une forme rare du syndrome de Down a dit à l’Observateur qu’on ne lui avait même pas encore donné de rendez-vous.
« C’est vraiment frustrant — ça a été un combat et il n’aurait pas dû y avoir de combat », a-t-elle déclaré. Son état de santé signifie qu’elle est dans la catégorie quatre – des personnes qui sont cliniquement extrêmement vulnérables – mais son médecin généraliste n’avait pas de détails sur son état dans le dossier – un problème fréquent, selon Mencap.
« J’ai dû les appeler de nombreuses fois », a-t-elle dit. Le médecin a validé la semaine dernière qu’elle devait être vaccinée, mais elle attend toujours. « Des gens dans la même situation que moi, n’ont pas été embêtés autant que moi. »
L’absence de suivi minimal explique en partie pourquoi les personnes ayant des troubles d’apprentissage sont plus susceptibles de mourir du Covid-19 que le reste de la population, selon le Dr Keri-Michèle Lodge, consultante en psychiatrie des troubles d’apprentissage à Leeds.
« Les médecins ne comprennent souvent pas qu’une personne ayant des troubles d’apprentissage peut ne pas être en mesure de communiquer ses symptômes », a-t-elle déclaré. « Parfois, les soignants ne sont pas écoutés — vous pouvez remarquer que quelque chose ne va pas, mais c’est souvent négligé car compris comme un symptôme faisant partie de leur comportement. »
« Les personnes ayant des troubles d’apprentissage sont déjà maltraitées par les services de santé. Moins de deux personnes sur cinq ayant un trouble d’apprentissage vivent jusqu’à 65 ans. »
Une analyse effectuée par le Bureau de la statistique nationale la semaine dernière a révélé que six décès liés au Covid-19 sur dix étaient des personnes handicapées.
« Le principal facteur associé à l’augmentation du taux de décès, selon cette analyse, était le fait de vivre dans des établissements de soins ou des institutions », a déclaré M. Lodge. « Ils donnaient la priorité aux gens dans les établissements de soins pour les vaccinations, mais c’était seulement aux adultes plus âgés. Ils ont complètement oublié les personnes ayant des troubles d’apprentissage vivant dans un contexte très semblable. Je ne sais pas si le gouvernement a été pris de court ou simplement négligent. »
Le Pr Martin Green OBE, directeur général de Care England, a déclaré :
« En tant que plus important organisme représentant les fournisseurs indépendants de soins sociaux aux adultes, Care England reste préoccupé par le fait que le gouvernement n’a pas accordé un niveau de priorité pour le vaccin contre le Covid-19 plus élevé aux personnes ayant un trouble d’apprentissage.
« Nous exhortons le gouvernement à supprimer la distinction arbitraire entre la priorité accordée aux personnes ayant un trouble d’apprentissage grave ou profond et à celles ayant un trouble d’apprentissage léger ou modéré, et d’accorder la priorité à toutes les personnes ayant un trouble d’apprentissage dans le groupe de priorité quatre. Il ne faut jamais négliger les personnes ayant des troubles d’apprentissage. »
Un porte-parole du ministère de la Santé et des Affaires sociales a déclaré :
« Il est tout à fait inacceptable que les décisions de ne pas tenter de RCR soient appliquées de façon générale à n’importe quel groupe de personnes. Cela n’a jamais été une politique et nous avons pris des mesures pour empêcher cela.
« Nous avons demandé à la Commission de la Qualité des Soins d’entreprendre un examen des avis émis pendant la pandémie, examen qui a commencé et qui fera l’objet d’un rapport plus tard cette année. Au fil du temps, nous continuerons de travailler dans l’ensemble du système de santé et de soins de santé à régler le problème. »
– Source : The Guardian (13 février 2021)
– Traduit par Tanguy pour « Le Média en 4-4-2 »