Opération « SpecTor » : Neuf pays démantèlent un réseau de vente de drogues, médicaments et d’armes sur le darknet.

mise à jour le 15/05/23

Cette infographie a été publiée par les autorités policières de l'Union européenne. grafique: europol
Cette infographie a été publiée par les autorités policières de l’Union européenne. grafique: europol

Il y a quelques jours, les enquêtes conjointes entre neuf pays de trois continents, l’Europe, les États-unis et l’Amérique du Sud ont mis à jour un réseau de vente de drogues, de médicaments et d’armes sur le darknet, après plusieurs années d’infiltration et de surveillance.


Un petit rappel, c’est quoi le darknet ?

Le « dark web » est une version parallèle d’Internet où l’anonymat des utilisateurs est garanti — et qui dispose également de sites légaux —, par exemple pour éviter la censure de la presse dans certains pays. Il a fait l’objet de plusieurs opérations internationales ces dernières années. Grâce aux cryptomonnaies telles que le Bitcoin, les opérations de paiement sont également traitées de manière totalement anonyme. Mais ce lieu souterrain n’est pas à proprement parler une zone de non-droit. La police et les États connaissent son existence et savent comment y accéder. Y faire régner la loi n’est pas une mince affaire, si bien que seules les très grosses opérations sont poursuivies et, dans le meilleur des cas, punies.

Des investigations coopératives de plusieurs pays qui se sont faites en deux étapes :

D’abord en avril 2022, le Bundeskriminalamt, l’Office fédéral allemand de la police criminelle et la Drug Enforcement Administration (DEA) ont collaboré ensemble pour monter une opération qui a conclu à la fermeture de la plus lucrative plate-forme de vente sur le dark Net : Hydra Market ouverte depuis 2015 qui opérait en Russie et dont les utilisateurs se trouvaient principalement dans les pays russophones. Les profits furent estimés à 80% de la totalité des transactions du dark web, soit un chiffre d’affaires estimé à 1,23 milliard d’euros au moment de l’enquête. La fermeture de cette plateforme a représenté 25 millions d’euros en cryptomonnaies saisies par les autorités allemandes.

L’enquête a révélé que 17 millions de clients ont utilisé la plate-forme pour des activités criminelles telles que la vente d’outils et de services de piratage, le trafic de drogue, la vente de données volées et de faux documents, à travers plus de 19 000 comptes actifs.

Aucune arrestation n’a pu être faite mais le département de la justice Américaine a annoncé des accusations criminelles contre Dmitry Olegovich Pavlov, 30 ans, un résident de Russie, pour complot en vue de distribuer des stupéfiants et complot en vue de blanchir de l’argent, en relation avec son exploitation et l’administration des serveurs utilisés pour diriger Hydra. Il est maintenant sous le coup d’une accusation de la justice américaine et pourra donc être interpellé s’il quitte la Russie pour se rendre dans un pays disposant d’une convention d’extradition avec les Etats-Unis.

Ces affirmations sont fondées par la découverte de très grosses transactions venant du Mexique, les utilisateurs les plus actifs figuraient douze comptes liés à des cartels dirigés par Ismael el Mayo Zambada et Nemesio Oseguera Cervantes, el Mencho.

Ensuite en 2023, la JCODE (Joint Criminal Opioid and Darknet Enforcement), le centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3), l’agence policière européenne Europol et les services d’investigation Brésiliens ont lancé l’opération SpecTor.

Ce coup de filet inédit a été réalisé en collaboration avec neuf pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Autriche, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne, le Brésil et la Suisse. Alors que 155 des arrestations ont eu lieu aux États-Unis, les autorités ont saisi 53,4 millions de dollars en espèces et en devises numériques, qui est le record de saisies. Également 117 armes à feux et 850 kg de drogue comprenant entre autres, 258 kilogrammes d’amphétamine, 43 kilogrammes de cocaïne, 43 kilogrammes de MDMA, de la matière première pour les comprimés d’ecstasy, et plus de dix kilogrammes de LSD et d’ecstasy, a indiqué Europol.

Le plus grand nombre d’arrestations a eu lieu aux États-Unis, où 153 personnes ont été arrêtées, suivis du Royaume-Uni avec 55, de l’Allemagne avec 52, des Pays-Bas avec 10 personnes, l’Autriche avec 9, la France avec 5, la Suisse avec 2, la Pologne avec 1 le Brésil avec 1.

Toutes ces ventes illégales se situaient sur la plateforme du darknet, Monopoly Market ouvert depuis 2019 et comprenait 288 vendeurs.
Parallèlement, une deuxième opération de même ordre débuta début avril, les enquêteurs avaient déjà bloqué la plateforme Genesis Market dans le cadre de l’opération Cookie Monster et du service de blanchiment d’argent en ligne ChipMixer.

Europol a souligné que le nombre d’individus arrêtés dans le cadre de l’opération SpecTor est supérieur au nombre d’arrestations pour les opérations DisrupTor en 2020, de Dark HunTor en 2021.

L’administratrice de la Drug Enforcement Agency (DEA) américaine, Anne Milgram, a rappelé que les cartels mexicains de Sinaloa et de Jalisco, ainsi que d’autres réseaux mondiaux, « tuent des Américains en envoyant du fentanyl aux États-Unis ».

L’autre face du dark web : le trafic d’être humain et pédocriminalité

Avec la vente de drogue, de fausses monnaies et d’armes il est déjà question de propagation de morts mais il y a un niveau supérieur à l’horreur : la pédocriminalité. Nous voyons beaucoup d’affaires d’hommes arrêtés pour détention d’images pédopornographiques. Cela se passe très souvent sur le dark web. Les peines sont dérisoires, du sursis à quelques mois de prison. Cela est très peu compte tenu de leurs responsabilités. Certes s’ils n’ont pas agressé sexuellement un enfant, on ne peut pas les considérer comme pédocriminels judiciairement parlant. Mais en consultant et téléchargeant ces fichiers, ils alimentent le réseau de trafic sexuel d’enfant, et aussi, c’est insoutenable, des bébés. Ce n’est pas de la fiction mais de vraies petites victimes.

En France, lors de ces enquêtes, on voit très peu de réseaux arrêtés. J’en cite deux importantes : en 1998, il y a eu une vaste opération de démantèlement, c’était le réseau « Wonderland  club » : 120 mises en examen dans 13 pays (dont l’Australie, la Belgique, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis). L’enquête avait été coordonnée durant plusieurs semaines par Interpol, et conduite sous la direction de la National Crime Squad britannique appelé « Cathédrale ».

Sept membres du club ont déjà comparu devant un tribunal en Angleterre, où ils ont admis des accusations de pédopornographie et ont été emprisonnés entre 12 et 30 mois.
Et en mars 2019, quatre Allemands accusés d’avoir géré une telle plate-forme dénommée « Elysium » avaient été condamnés à des peines de prison ferme allant de trois ans et dix mois à neuf ans et neuf mois. Actif pendant six mois et fermé en juin 2017 par les autorités allemandes, le site comptait plus de 111 000 membres dans le monde entier et leur permettait d’échanger des photos et des vidéos pédopornographiques.

Colombe pour Le Média en 4-4-2

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