De la Révolution française au Covid, Petite histoire de manipulation du peuple, de propagande et d’illusion démocratique. Partie 1

mise à jour le 26/06/21

Nous vous proposons avec cette suite d’articles, l’odyssée de la création de notre système. A travers cette petite histoire nous allons voir comment la démocratie s’est imposée progressivement comme une illusion, un mythe, créé pour dissimuler une lutte de classes qui finalement perdure toujours aujourd’hui. Chaque article vous présentera une étape de l’installation de ce mythe et les outils dont la caste dirigeante s’est servie pour manipuler ce qu’elle nomme les masses. Nous remonterons ainsi jusqu’à nos jours pour nous apercevoir, qu’hormis un système de propagande et de manipulation plus efficace qui tente par la falsification historique de nous couper de nos racines et de notre héritage, rien n’a vraiment changé et que les luttes populaires d’aujourd’hui s’inscrivent dans un cycle temporel qui a commencé il y de ça 232 ans.

Partie 1 : Le peuple vs la haute bourgeoisie

Nous commencerons notre odyssée à partir de la Révolution française. Car avec l’abolition progressive du pouvoir religieux et celle de la monarchie, l’aristocratie perd progressivement sa puissance et les rapports de pouvoir changent. La haute bourgeoisie constituée de banquiers et de patrons d’industrie qui instaurent l’ère industrielle, sont bien décidés à étendre leur domination et à prendre la place de l’aristocratie.

Le peuple, alors composé en partie d’artisans, d’agriculteurs et de très petits commerçants, se transforme et la classe ouvrière, dans laquelle hommes, femmes et enfants sont destinés à travailler comme des esclaves, naît et sert à enrichir quelques bourgeois. C’est le début d’une nouvelle lutte de classe, de l’ère d’un travail mécanique et du capitalisme moderne qui s’imposera petit à petit grâce à l’illusion démocratique, tant discutée par Werner Sombart, Max Weber, Carl Marx ou Joseph Proudhon.

L’héritage de la Révolution française

La révolte des prolétaires

La classe prolétaire, elle, ne compte pas se laisser faire. Bien qu’elle n’en a que peu profité, elle a en tête la Révolution française et la Déclaration des droits de l’Homme. Tout le XIXe siècle va être le théâtre de révoltes violentes et de soulèvements populaires. D’abord en Juillet 1830 (trois glorieuses), puis en Juin 1848 (Journées de Juin), jusqu’à aboutir en 1871, aux événements décisifs de La Commune de Paris, que l’on pourrait comparer grossièrement à un mouvement Gilets Jaunes de grande ampleur et beaucoup plus violent.

A la fin du XIXe siècle, dégoûtée par le vol successif de son pouvoir, la mentalité révolutionnaire est nourrie par un courant de pensée appelé le communalisme, qui se rapproche davantage des théories sociales de Proudhon (nommées Anarchie) que de celles de Marx. Le peuple se bat pour avoir une vraie représentation de type libertaire, fondée sur le principe de fédération de communes administrées dans le cadre d’une démocratie directe. Il condamne une démocratie illusoire faite de manipulation au profit des intérêts d’une caste élitiste. Les Communards considèrent déjà les hommes et les femmes comme égaux, et les femmes ont le droit de vote. Leurs revendications sont très actuelles et bien que largement oubliées, leur héritage alimente encore le peuple aujourd’hui avec le référendum d’initiative populaire, ou plus largement avec l’écologie sociale.

Mais à l’époque (comme de nos jours au niveau mondial), ces idées vont totalement à l’encontre d’un système qui se nationalise de plus plus dans son industrie et dans son système bancaire.

Tous ces différents soulèvements sont réprimés dans le sang, et le pouvoir bourgeois ne pouvant plus se réclamer de Dieu, et suivant la philosophie des Lumières, commence à sentir la nécessité de trouver le moyen de contrôler la population pacifiquement afin de garantir ses intérêts.

Aux États-Unis

L’immigration européenne (augmentation de 97 % de la population américaine), attirée par l’illusion du rêve américain, apporte les idées révolutionnaires aux États-Unis. Les ouvriers multiplient les grèves, et des mouvements dits anarchistes (comprenez de souveraineté populaire) sont réprimés. Ça marque le début d’une campagne sans commune mesure de destruction des idéaux révolutionnaires aux États-Unis, qui va durer jusqu’en 1935. Brigades armées, milices et police sont chargées par l’Etat et le patronat de réprimer violemment les grèves et les mouvements révolutionnaires de toutes sortes. Durant toutes ces années de répression, on peut retenir :

Le massacre de Haymarket Square qui aboutira au procès de Chicago en 1886 et eut un retentissement mondial. Une mise en scène visant à liquider le parti révolutionnaire, accusé à tort de violence alors qu’il était infiltré lors les manifestations par des agences de détectives privées pour le stigmatiser comme violent (ça ne vous rappelle rien ?).
Le massacre d’ouvriers dans les usines de Carnegie. Carnegie qui est par ailleurs, le premier industriel à se servir de la philanthropie pour se couvrir.
Le massacre de Ludlow dans les mines Rockefeller où 26 grévistes, leurs femmes et leurs enfants furent assassinés par la garde nationale et des hommes d’agences de détectives privées employées par John D. Rockefeller.

Les militants sont emprisonnés pour leur prise de parole. L’histoire moderne de la contre-subversion commence. Le « Red Scare » (le spectre rouge de la Commune de Paris, et plus largement du natif et du Mexicain) devient un prétexte pour criminaliser les revendications anarchistes et révolutionnaires venues de l’étranger.
Des ouvriers sont exécutés lors de procès. Durant la Première Guerre mondiale, parler ou agir contre la guerre était considéré comme un crime. L’administration des postes mène une campagne de censure contre le parti socialiste, et certains Etats votent des lois interdisant les contestations révolutionnaires pour entraver l’organisation des travailleurs et leur expression politique à grande échelle. La répression du monde ouvrier est plus violente et plus sévère que dans n’importe quel autre pays occidental.

L’essor des sciences sociales et la naissance des sociétés de contrôle

La France à l’avant garde

Les bourgeois et les patrons d’industrie ne sont pas prêts à lâcher leur pouvoir naissant. Dans un système dit démocratique qui rend la violence illégitime, ils cherchent de nouveaux moyens pour contraindre les populations. La nouvelle géométrie des villes, pensée en partie pour limiter le pouvoir populaire et disperser les ouvriers en périphérie, ne suffit pas (voir Haussmann pour Paris, ou La Commune).

C’est alors, en France, que la sociologie et la psychologie sont développées. Des intellectuels, terrorisés par le peuple, nourrissent l’idée de le contraindre directement à partir de son esprit. En réalité les théories socio-psychologiques ne seraient jamais vraiment nées, si la bourgeoisie n’avait pas cherché des outils qui prouveraient le caractère criminel du peuple, qui stigmatiseraient la liberté individuelle, et qui permettraient de manipuler les foules.

A partir 1876 Hippolyte Taine, philosophe et historien français terrifié par les événements de la Commune, publie un travail historique très hostile à la Révolution française intitulé Les Origines de la France contemporaine. Il décrit le peuple comme une foule déchaînée, dirigée seulement par un instinct de brute et qui se livre exclusivement au crime, aux orgies et à l’alcoolisme.

En 1890, Gabriel Tarde, un des fondateurs de la psychologie et de la sociologie sociale, publie Les lois de l’imitation, dans lequel il critique les sociétés qui privilégient l’individu. La description de la foule est réduite à « une collection d’êtres en tant qu’ils sont en train de s’imiter entre eux ». Freud s’inspirera de ses travaux.

En 1892, le juriste italien Scipio Sighele publie La foule Criminelle, tandis que Tarde consacre une communication retentissante aux crimes des foules lors d’un congrès international d’anthropologie criminelle. Et déjà on voit apparaitre chez ce dernier les premières solutions envisagées pour contraindre cette foule. Tarde propose l’hypnose et la suggestion. Il réfléchit à utiliser les nouvelles techniques de communication comme la presse et les loisirs, il conceptualise déjà les notions modernes de public des médias et de nation comme « communauté imaginée »

Et c’est en 1895 que Gustave Le Bon, un vulgarisateur largement influencé par Taine, se présente comme l’inventeur d’une nouvelle science dans son ouvrage La Psychologie des Foules. Il propose d’influencer la foule par le modèle de l’hypnose et de soumettre le peuple à la suggestion d’idées grâce à des « meneurs » qui seraient censés le représenter. Son livre a un grand succès dans le milieu intellectuel. Il influencera la discipline autant en Europe qu’aux États-Unis.

La naissance du mythe américain

Mais les États-Unis s’en sortent mieux qu’en Europe, car leur mythe repose sur d’autres fondements, ceux d’une nouvelle nation libre. Par leur puissance économique et sociale fondée sur la démocratie, ils ont tenu pour évident la « manière de vivre américaine ».

La bourgeoisie et les industriels américains justifient la violence, la diabolisation de l’ennemi et la perpétration de crimes par la défense d’une noble cause, celle de la grandeur nationale. Et c’est autour de cette idée que va se fonder la propagande, autour d’une notion totalement imaginaire, autour d’un mythe de la démocratie créé de toutes pièces. Ce que Jacques Ellul nommera la sub-propagande dans son ouvrage Propagande.

« Nous désignerons ici par mythe une image motrice globale, une espèce de vision des objectifs souhaitables, mais qui ont perdu leur caractère matériel, pratique, pour être devenus une image fortement colorée, maîtrisante, globale, contenant tout le souhaitable. »

En 1890, est créée l’Université de Chicago par John D. Rockefeller. En 1892, va voir le jour l’Ecole de Chicago au sein de cette Université. Un laboratoire expérimental de sociologie qui étudie les relations des individus et les mouvements sociaux des milieux urbains avec comme sujet de prédilection le contrôle social, les masses et le public.

La presse à grand tirage, grâce à l’invention des rotatives, devient le vecteur privilégié de la propagande. Robert E. Park, chercheur au sein de l’Ecole de Chicago et ancien journaliste, s’intéresse particulièrement à son influence sur le milieu ouvrier. John Dewey qui fut le professeur de Park, en lien avec cette Ecole, commence à étudier une manière d’assimiler tous ces étrangers grâce à une idée-nation, un imaginaire collectif, autour duquel les populations pourraient participer. Il appelle ça une « démocratie psychique ».

Le journalisme devient la voix privilégiée pour manipuler l’opinion. La presse ouvrière est censurée, et tout est mis en place pour décrédibiliser et détruire ce qu’on appelle à l’époque les Muckrakers qui dénoncent l’oppression de l’industrie, le capitalisme naissant et les barons voleurs.

La propagande se diffuse rapidement notamment grâce à des journalistes comme Ivy Lee. Sous couvert d’une communication responsable, il invente la relation presse et la communication de crise. Avec son agence de relations publiques, il diffuse l’information « officielle » que la presse doit relayer sous peine de ne plus y avoir accès. C’est le début de notre journalisme contemporain. Bien entendu l’information est déformée et mensongère et les événements sont traités en faveur des industriels et de l’Etat. Lee est appelé pour briser des grèves, Rockefeller s’offre ses services pour participer à la tentative d’étouffement du massacre de Ludlow.

Tout est mis en oeuvre à l’époque donc, pour réussir à casser le mouvement révolutionnaire grâce à la manipulation des masses. Elle se construit autour d’un mythe, d’un imaginaire collectif qui se présente comme un véritable leurre pour cacher une oligarchie dont le peuple était bien conscient au départ.

Et si la classe ouvrière continue de se défendre corps et âme pour tenter d’arracher sa liberté, nous allons voir que l’ingénierie sociale mise en place au début du XXe siècle, va réussir, grâce à d’habiles manipulations, à le tromper et à l’enchaîner à la société capitaliste.

Paul pour Le Média en 4-4-2

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