De la Révolution française au Covid, Petite histoire de manipulation du peuple. Partie 3

mise à jour le 22/08/21

Dans cette troisième partie, de notre petite histoire de manipulation du peuple nous examinons l’essor de l’ingénierie sociale.

Partie 3 : L’essor de l’ingénierie sociale

Après la Première Guerre mondiale, et le succès des méthodes de propagande, la démocratie va se concevoir progressivement comme un leurre alimenté par de fausses représentations afin de cacher au peuple la véritable nature du système oligarchique. Ces méthodes vont être renforcées et vont permettre à la haute bourgeoisie de développer son pouvoir.

Le peuple devient un public

Walter Lippmann et la « fabrique du consentement »

En 1922, Walter Lippmann, publie Public Opinion. Il sera proche du président Wilson et participera au Traité de Versailles. Ce journaliste qui a bénéficié d’une bourse d’étude Rockefeller, impliqué dans la création du Council on Foreign Relations et adepte de la Fabian Society (think tank Anglais d’ingénierie sociale visant à affaiblir le pouvoir de la classe ouvrière), théorise plusieurs concepts qui participent à instaurer le modèle politique démocratique américain.

Pour manipuler et façonner l’opinion publique, il invente d’abord le concept de stéréotype, qu’il présente comme des leviers sur lesquels les médias et le discours politique doivent s’appuyer pour manipuler le peuple. Il conceptualise aussi la notion de « manufacture of consent », littéralement la fabrique du consentement sur laquelle doit reposer tout le système médiatique pour aiguiller l’opinion publique.

Pour lui, il est nécessaire d’éloigner des décisions politiques un peuple jugé ignorant et irrationnel. Il voit alors les nouvelles technologies (voir partie 2) comme de formidables outils d’endoctrinement.

Une conception tordue de la démocratie

Pour Lippmann ni le peuple, trop occupé par son travail et le divertissement, ni les représentants, trop soumis à l’opinion populaire, ne sont capables de diriger l’Etat. On peut dire qu’il théorise ce que l’on appelle aujourd’hui l’Etat profond. La démocratie a besoin, selon lui, de structures externes composées d’experts et de savants qui étudient pour les gouvernants la meilleure manière d’orienter le public et la politique, au bénéfice évidemment des industries et des banques.

La voie est donc toute tracée pour laisser les think tanks en tout genre, les laboratoires expérimentaux et les organisations à but non lucratif généralement créés et financés par les barons de l’industrie, sous couvert de philanthropie, orienter la politique gouvernementale. C’est la conceptualisation d’une ère où l’oligarchie se dissimule derrière l’apparente démocratie vendue au peuple par le biais des médias et utilise des données sociologiques et psychologiques pour convaincre les foules des décisions politiques grâce à un ensemble de mesures « pédagogiques ».

John Dewey et la « Démocratie Psychique »

En 1927, Dewey, qui est proche de l’Ecole de Chicago (voir partie 1), publie Le Public et ses problèmes.

Moins radical que Lippmann, il va conceptualiser la notion de « démocratie psychique ». Pour lui, le peuple doit s’investir dans la vie politique, il doit y participer activement pour sentir que son opinion a un poids dans la société. Mais entre le sentiment d’avoir un poids et avoir une réelle influence, il y un monde.

Et c’est ça qu’il suggère. Un mythe de la démocratie représentative où la croyance du peuple en son pouvoir est bien plus forte que son pouvoir réel. Il recycle d’une certaine manière la théorie de Gustave Le Bon (voir partie 1) selon laquelle, l’opinion de la foule doit être guidée par des leaders, des meneurs, qui vont canaliser et orienter les débats publics. La démocratie s’installe alors comme un véritable spectacle qui occupe les foules.

C’est typiquement ce que préconise actuellement Bill Gates sur les vaccins lorsqu’il est interrogé sur les accusations que le peuple porte à son encontre.

Souvent opposées, la pensée des deux hommes se présente en réalité comme les deux faces d’une même médaille. Si le premier incarne la question « Comment manipuler le peuple en faveur du pouvoir ? » le second incarne la question « Quelle structure doit avoir le pouvoir pour manipuler le peuple? »

Le Peuple devient un Consommateur

Edward Bernays et la psychanalyse

Edward Bernays, employé à la Commission Creel durant la Première Guerre mondiale (voir partie 2), avait déjà connaissance des techniques de manipulation.
Neveu de Freud et proche de lui, il décide d’augmenter leur efficacité en y appliquant les concepts psychologiques de son oncle et de les mettre au service de la logique commerciale et politique en temps de paix. Il décide de monter sa propre entreprise de propagande au service de l’industrie. En d’autres termes, Bernays invente ce qu’on appelle aujourd’hui le marketing.

« Bernays a révolutionné la pratique publicitaire en instaurant un protocole précis fait de sondages d’opinion, de mises en scène, de mensonges pour faire croire au consommateur qu’il désire un produit, que c’est un choix personnel. Ce genre de processus est encore largement utilisé aujourd’hui. » (Source)

Dans les années 20, Bernays dirige des campagnes diverses et souvent avec succès, comme celle visant à rendre la cigarette populaire chez les femmes, effectuée pour l’American Tobacco. Il financera de fausses expertises médicales qui assurent que la cigarette est bonne pour la santé.

Il crée le mythe du petit déjeuner typiquement américain à base de bacon, conçu pour une entreprise de charcuterie industrielle. Le succès est dû, là aussi, au financement d’études scientifiques bidons qui le recommandent. Elles sont ensuite transmises aux médecins pour qu’ils conseillent sur la base de ces études ce type de petit déjeuner à leurs patients.

Ou plus tard, dans les années 50, il sera à l’origine de la campagne de propagande menée pour le compte de la CIA. Elle présente le coup d’État militaire effectué au Guatemala pour le compte de la United Fruit comme une victoire de la liberté et de la démocratie. (Ce véritable bain de sang fera plus de 100 000 morts lors des cinq décennies qui suivirent.) On peut aussi mentionner la campagne de 1939 pour la Compagnie d’aluminium ALCOA, visant à convaincre l’opinion des bienfaits du fluor dans le dentifrice.

Dans son livre publié en 1928, intitulé Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie, largement influencé par Walter Lippmann, considéré comme son mentor, et par les théories de Gustave Lebon (voir partie 1), il explique que pour manipuler le public, il faut agir non pas sur la raison mais au contraire sur l’inconscient, l’irrationnel, l’instinct et selon son mantra, « souffler aux gens les rêves avant qu’ils les aient rêvés ». C’est Bernays qui met en place la consommation comme moyen de calmer les pulsions psychiques des individus et de les conformer au système.

« C’est, bien sûr, l’étonnant succès que [la propagande] a rencontré pendant la guerre qui a ouvert les yeux d’une minorité d’individus intelligents sur les possibilités de mobiliser l’opinion, pour quelque cause que ce soit » E. Bernays.

Bernays et la démocratie

Bernays considère que la propagande est indispensable à la démocratie. Mais comme Lippmann, il vide ce mot de son sens, ce n’est plus qu’un mot creux qui sert à cacher un système oligarchique dans lequel le citoyen n’a que l’illusion d’être libre et de prendre part aux décisions politiques. La fille de Bernays appelle ça du « despotisme éclairé ».

Selon lui, il est indispensable de manipuler les journalistes, en les incitants à l’auto-censure vis à vis des sources d’informations (relations presse) ou des ressources financières (annonceurs), et d’orienter leurs publications vers des sujets précis grâce l’intervention calculée de personnes influentes (hommes politiques) ou vendeuses (célébrités) pour maîtriser l’information.
Ils doivent participer à marginaliser les idées opposées à celles des « minorités intelligentes ». Il encourage à utiliser les œuvres de fiction pour y inclure des messages et des représentations qui servent le pouvoir et à cibler si nécessaire tel ou tel groupe que le pouvoir cherche à atteindre.

On peut dire que c’est Bernays qui est à l’origine de la société de consommation. Apres la crise de 29, Roosevelt est élu et essaye avec le New Deal d’instaurer un semblant de démocratie. Mais cela ne dure qu’un temps car les industries, qui perdent de l’argent avec ce type de gouvernance, embauchent Bernays pour réorienter les citoyens vers le consumérisme. Pour cela, Bernays va mettre sur pied de vastes campagnes de publicité, et sera aux commandes de l’exposition universelle de New York en 1939. Tout ce programme revele déjà à la fin des années 30 le programme consummériste mondialiste que poursuit l’industrie et vise à suggérer au peuple que la démocratie ne va pas sans le capitalisme.

Toutes ces techniques sont indispensables à l’exercice de ce que Bernays appelle « le gouvernement invisible » qui constitue, comme le pense Lippmann, l’essence de ce système qu’ils osent nommer démocratie.

« La minorité a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité dans le sens de ses intérêts. […] Étant donné la structure actuelle de la société, cette pratique est inévitable. De nos jours, la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible. […] Notre démocratie ayant pour vocation de tracer la voie, elle doit être pilotée par la minorité intelligente qui sait enrégimenter les masses pour mieux les guider. »

Dans cet ordre d’idée Noam Chomsky, dira dans son ouvrage Idéologie :

« L’usage actuel du terme “démocratie”, dans la rhétorique des États-Unis, fait référence à un système de gouvernement dans lequel des éléments de l’élite, basés sur le monde des affaires, contrôlent l’État grâce à leur position dominante tandis que la population observe passivement. (…) Corrélativement, la participation populaire dans le processus de décision politique est considérée comme une menace sérieuse. Non pas comme un pas vers la démocratie, mais plutôt comme une “crise de la démocratie”. »

Des lors lorsqu’un homme politique parle de crise de la démocratie, vous pouvez être sûr que c’est le signe d’un éveil populaire qui menace l’ordre établi.

Vers une société consummériste

Les médias s’imposent donc comme l’outil privilégié pour définir les idées conformes à la société. Il servent à dispenser et à amplifier le spectacle artificiel d’un affrontement entre deux camps qui de toute façon servent les mêmes intérêts, ceux du capital, tandis que l’art populaire sert à justifier sans arrêt ce système en abreuvant l’imaginaire collectif de récits créés et façonnés pour le soutenir et le rendre incontournable. Le cinéma, en lien avec le gouvernement depuis le début du siècle, va nouer des relations de plus en plus étroites jusqu’à devenir après la Seconde Guerre mondiale, sous contrôle de la CIA, une arme culturelle de l’impérialisme américain et une propagande de masse extrêmement efficace.

Et c’est donc au tournant des années 30 que les méthodes sociologiques pensées par la haute bourgeoise pour installer un rapport social favorable à sa politique économique, se conçoivent comme indispensables.
A partir de là, nous allons voir que la suite de l’histoire n’est qu’une évolution progressive et toujours plus systématique de ces méthodes pour faire naître la société consumériste que nous connaissons et pour neutraliser définitivement toute alternative à ce système oligarchique nommé démocratie. Mais avant cela, nous ferons un détour, dans nos prochaines parties, pour décrire plus précisément ce qu’on a l’habitude de nommer l’élite mondialiste ou l’oligarchie, afin de mieux pouvoir cerner de qui nous parlons et le projet qui l’anime.

Paul pour Le Média en 4-4-2

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