Madoff : règlements de comptes après la chute de la pyramide de Ponzi

mise à jour le 01/05/21

Avant même la condamnation de Bernard Madoff, la liquidation de la société Bernard L Madoff Investment Securities LLC  est confiée à l’avocat Irving Picard. Il représente les victimes depuis le 15 décembre 2008 et tente de récupérer les milliards envolés.

Des victimes françaises très huppées

René-Thierry Magon de la Villehuchet prend des somnifères, s’ouvre les poignets et le biceps gauche avec un cutter. Son entreprise de conseil en investissement Access International Advisors a perdu 1,4 milliard de dollars dans sa banqueroute. Elle comptait quelques collaborateurs, recrutés plus pour leur carnet d’adresses dans le Gotha mondain et princier, que pour leurs compétences.

Liliane Bettencourt a investi entre 450 et 500 millions d’euros via la structure chargée de gérer ses avoirs dans le groupe de cosmétiques et via la Fondation Bettencourt-Schueller. Méfiante ou bien conseillée elle retire une partie de ses placements et limite ainsi sa perte à une vingtaine de millions d’euros. 

Bernard Arnault, via Financière Agache, ainsi que le groupe Carrefour, ont fait un petit tour par les comptes de Madoff. En toute discrétion. Eux aussi ont préféré limiter la casse.

Informée de l’arnaque, Wall Street a gardé un silence complice

Intrigué par les taux de profit proposés par Madoff, Harry Markopolos, un analyste financier, dès 1990 alerte par écrit la SEC à trois reprises et conclut en 2005 par un rapport au titre sans équivoque : « Le plus grand hedge fund du monde est une escroquerie ». Pourtant ce n’est qu’en 2004, que les inspecteurs de la SEC se rendent dans les bureaux de Madoff. Bernie a réponse à tout et assure que son fonds a moins de 15 clients, sous le seuil qui exige une licence. Affaire classée. En 2006 la SEC contrôle les livres de comptes sans détecter la moindre escroquerie ! Le fait que, en 2007, Shana, nièce de Bernard Madoff, a épousé Eric Swanson, alors directeur adjoint du bureau des inspections et des examens de conformité de la SEC, y est peut-être pour quelque chose…

Premiers investisseurs : premiers complices

« Ne dites rien. Surtout ne parlez pas ! » conseille son avocat à Bernard Madoff. Il tient parole. Il livre le moins de détails et d’explications possibles. Et déclare avoir agi seul. Il tient à la vie ! Il avait pourtant eu le temps de déclarer : « Le président de Banco Santander est venu me voir, puis celui du Credit Suisse et d’UBS. Des milliards ont afflué. »

Certaines banques indemnisent leurs clients

Banco Santander, qui pilotait la stratégie d’investissement vers la société de Madoff, tandis que HSBC administrait et PriceWaterhouseCooper certifiait les comptes, finit par verser une compensation à ses clients lésés. Santander, s’étant octroyé une rémunération de 43 millions de dollars en 2006 et de 52 millions en 2007, récupère donc plus d’argent du système Madoff qu’elle n’en verse à ses clients.

HSBC a dédommagé les clients de sa sicav irlandaise Thema (sans déclarer le montant). Pourtant HSBC tombe des nues : rien ne lui permettait de savoir qu’elle participait à une escroquerie. Innocente, elle paie quand même, pour l’honneur.

Également pour mettre fin aux poursuites, JP Morgan Chase verse 2,6 milliards de dollars en 2014 et PriceWaterhouseCooper 55 millions de dollars en 2016.

UBS échappe aux poursuites grâce à la Cour suprême des États-Unis

La poursuite contre UBS déposée en 2010, devant la Cour américaine des faillites compte 23 chefs d’accusations de fraude et de mauvaise conduite. Dans le cadre d’un procès de 2 milliards de dollars, d’autres plaintes s’y greffent : celles contre le Crédit Suisse, EFG, Lombard Odier, la Banque Cantonale Vaudois et Claudine de la Villehuchet, la veuve de l’homme d’affaires suicidé (ce dernier avait été prévenu de l’escroquerie par Harry Markopolos, mais avait continué à y participer).

Tout cela en vain, car, en 2014, la Cour suprême américaine rejette  toutes ces demandes au motif que « la loi américaine sur les faillites ne s’applique pas aux sociétés financières étrangères ». Circulez !

UBS échappe aux poursuites grâce à la Justice du Luxembourg

Plusieurs Sicav ont été accusées de complicité dans l’escroquerie de Madoff, comme les deux Luxembourgeoises, Luxalpha et Luxinvest, commercialisées par la banque suisse UBS. Mais au Luxembourg, la Justice est clémente envers UBS. Pour prétendre à réparation et engager des actions devant les tribunaux contre une banque dépositaire d’un fonds d’investissement, les victimes doivent montrer qu’elles ont subi un préjudice « personnel et direct », donc différent de celui subi par une sicav (fonds commun de placement). Cela rend quasiment impossible toute action individuelle en réparation pour les investisseurs de produits collectifs. Ouf ! En 2015, UBS, l’ancienne banque dépositaire des fonds LuxAlpha et Luxinvest, s’en sort bien. En toute légalité.

Madoff rapporte encore…

Irving Picard, le liquidateur représentant les victimes, se targue d’avoir récupéré 13 milliards sur les 19 milliards de dollars de pertes provoquées par l’escroc. Ses honoraires : 1 000 dollars de l’heure. Depuis le début de l’affaire, il a empoché plus d’un milliard de dollars. Dans cette saga de la cupidité, il n’y a pas de bons ni de méchants. Certaines victimes savaient et n’ont rien dit. Certains escrocs sont plutôt sympathiques, quoique… La ronde du pognon continue.

Jacqueline pour Le Média en 4-4-2.

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