Le deuxième CHU de France est mis en difficulté

mise à jour le 04/03/21

Deuxième CHU de France après Paris, avec 15 hôpitaux, 22 000 salariés et 1,7 milliard d’euros de budget, les Hospices civils de Lyon étaient le premier propriétaire foncier de Lyon. Et pourtant, depuis 2004, le ministère de la Santé a réussi à les endetter !

Comme tous les hôpitaux, en 2004, les Hospices Civils de Lyon (HCL) ont subi, de plein fouet, le passage à la tarification à l’acte (T2A) qui remplace le budget global. C’est le cadeau de Philippe Douste-Blazy lors de son bref passage au ministère de la Santé. Outre la préférence donnée  aux actes techniques rentables (chirurgie) au détriment de la prévention et de la longue prise en charge (maladies chroniques, psychiatrie, suivi des personnes âgées), la T2A a mis les hôpitaux en faillite.

Victimes de la tarification à l’acte

Un exemple, parmi d’autres, celui des Hospices civils de Lyon, un mastodonte parmi les hôpitaux.
« Quand je suis arrivé à la tête des HCL en 2007, j’ai découvert une situation financière catastrophique, confie Paul Castel. Avec 830 millions d’euros de dettes, c’est le CHU le plus endetté de France. »

Des économies drastiques sont recommandées par la Cour des comptes en 2009.  Au programme : la vente d’une partie du patrimoine  et des licenciements.

Des locaux donnés pour les malades sont finalement vendus

Château des Halles (vendu)

Villa La Croix-Valmier (vendue)

Hôtel-Dieu (vendu)

Au cours des siècles, des familles lyonnaises ont fait des dons immobiliers aux HCL. Une famille d’industriels lyonnais avait donné en 1920 son château des Halles pour en faire une maison de repos pour jeunes filles. En 2004, c’est fini, vendu ! A La Croix-Valmer, la villa de la Fondation Rouyer-Warnier, donnée en 1925 par la famille Sabran pour les enfants des classes modestes, est vendue en 2016 et divisée en plusieurs villas de prestige. L’Hôtel-Dieu, en plein centre de Lyon,  fondé au XIIe siècle et agrandi au XVIIIe siècle, vendu au Crédit Agricole, devient centre commercial de luxe et immeuble d’habitation. L’hôpital de l’Antiquaille, en 2017, sur la colline de Fourvière, est vendu et devient un ensemble de luxe avec restaurant étoilé.

La Cour des comptes est satisfaite :

« Les HCL ont, au cours de la période sous revue, fait preuve d’une politique volontariste en matière de gestion du patrimoine, répondant ainsi à la plupart des recommandations émises par la chambre dans son précédent rapport. Les gains d’efficience susceptibles d’être réalisés aujourd’hui dans ce domaine sont limités par les priorités esquissées par l’établissement en matière de politique des loyers à destination de ses personnels. » 

Traduction : pour la Cour des comptes, il faudra non seulement vendre les biens légués dans un but caritatif, mais également expulser le personnel logeant dans les HCL.

Réformes de destruction massive

Après l’invention de la tarification à l’acte, plusieurs plans et autres machines à gaz viennent proposer des économies (au détriment du personnel). Voyons ce qui se cache derrière ces prétendues réformes.
2007 : la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) est censée rationaliser l’ensemble des services de l’État. Traduisons : rentabilisons ! Ainsi, le non-remplacement des départs à la retraite dans les HCL a permis une économie de 100 millions d’euros en 2009 (sur 400 attendus…).
2009 : l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé (ANAP) poursuit la « modernisation » de la gestion afin, est-il joliment dit, d’accroître les performances et maîtriser les dépenses. Traduisons à nouveau : peu importe les performances, l’essentiel est de réduire les dépenses.
2012 : le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO). On ne vous décrit pas ses objectifs. Ce sont les mêmes que les autres « machins »,  RGPP, ANAP… Depuis 2008, 1 100 emplois ont été supprimés aux HCL et, 600 entre 2016 et 2019.

Conseils en stratégie de destruction : Cap 2013, Horizon 17, Pulsations 2023

Roland Berger, Ineum, McKinsey et l’Eurogroup sont les quatre sociétés de conseil en stratégie choisies en 2009 par les HCL pour appliquer ces plans. Le leitmotiv : réduction des dépenses pour un retour à l’équilibre financier.

Les cabinets de conseil coûtent cher et pour quels gains ?

Quels sont les gains générés par ces différents consultants ? On ne sait pas !Tout ce qu’on sait, c’est qu’ils sont largement inférieurs aux objectifs.  En 2017, Orphoz, cabinet créé par McKinsey, a dressé un « état des lieux » du secteur de la pharmacie avant de proposer « des leviers d’amélioration ». Facture pour les HCL : 520 860 €, pour des résultats « mitigés » selon des pharmaciens des HCL, avec des méthodes « pitoyables » selon d’autres sources internes.

Onze millions d’euros de factures pas claires

Interrogé sur ses factures, McKinsey renvoie aux « contraintes de confidentialité » auxquelles le cabinet est tenu.
Entre 2009 et 2017, les Hospices de Lyon auraient dépensé plus de 11 millions d’euros pour les missions de KPMG, Capgemini et McKinsey. McKinsey est en tête avec 2,8 millions d’euros pour la seule année 2011 sur financement de l’ANAP. « Un foutage de gueule intégral », écrit Le Canard Enchaîné. Pour le « projet médical » la facture est de 1 663 678 euros, dans la poche de McKinsey. Conclusion du Canard : pendant ce temps-là, « le personnel soignant compte les seringues pour cause de restrictions ». Et trente chefs de service démissionnent de leurs fonctions administratives pour manifester leur opposition aux restrictions budgétaires.

Des appels d’offres à la limite de la régularité

Une procédure d’appel d’offres de marché public est censée garantir une égalité de tous les candidats face au cahier des charges et une totale transparence. Ça, c’est la théorie. En fait, si un candidat ne connaît personne au sein de l’administration publique, l’obtention d’un marché public relève du miracle.

Une enquête européenne pour corruption… interrompue

Fin des années 90,  un groupe multidisciplinaire sur la corruption dans les marchés publics, est créé au Conseil de l’Europe (Greco). Il notait que « divers types de subterfuges sont utilisés pour finalement n’adjuger le marché qu’à l’entreprise (ou au groupe d’entreprises) préalablement choisies ». Depuis, l’enquête est en sommeil…

Un grand foutage de gueule

Les HCL annoncent un excédent de 7,6 millions d’euros en 2017. Un excédent ou un effet d’annonce ? Il y a 840 millions d’euros à rembourser ! Une paille ! L’agence de notation Moody’s souligne la bonne gestion…

Réinvestir

Réinvestir, c’est le slogan officiel  pour faire passer la politique d’austérité. Afin d’« améliorer les conditions de travail », la direction promet un million d’euros de crédits supplémentaires pour « pallier l’absentéisme dans les services » avec un élargissement des rémunérations en heures supplémentaires et un accompagnement psychologique. Augmenter les effectifs ? Vous n’y pensez pas ! D’ailleurs, le directeur nommé le 2 juin 2020, Raymond Le Moign, a déjà taillé dans les effectifs du CHU de Toulouse. Il connaît la chanson. C’est un gestionnaire. Pas un médecin.  Il est d’ailleurs tout prêt à lancer la campagne de vaccination

Jacqueline pour « Le Média en 4-4-2 »

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