Pendant la « pénurie » de céréales, les affaires continuent

mise à jour le 10/09/22

Août 2021, sur BFMTV, Emmanuel Lechypre — celui qui voulait chercher les non-vaccinés de force avec les dents — nous prédisait cette catastrophe : avec la pénurie mondiale de céréales, nous allons manquer de pâtes !

Toujours en 2021, France24 nous prédisait des émeutes de la faim, à cause d’une météo catastrophique et de mauvaises moissons dans l’hémisphère Nord, sans compter les perspectives très mauvaises dans les gros pays producteurs de l’hémisphère Sud (Australie, Brésil et Argentine).

Un an plus tard, rebelote ! Août 2022 : le ministre de l’Agriculture (devinez son nom) et la Fnsea s’inquiètent de l’impact de la sécheresse sur la production de céréales en France. Le nom du ministre, vous ne le connaissez pas, bande de mauvais citoyens ! Il s’agit de Marc Fesneau. Élevé au grain au lycée Molière, sciences Po, cabinet de conseil, pratique la chasse à l’arc, fervent défenseur de la chasse à courre. Bon, passons aux choses sérieuses.

Deux accords brisent le carcan des sanctions

Le 22 juillet 2022, la Russie et l’Ukraine ont signé deux accords séparés, validés par la Turquie et les Nations unies. Ces accords permettent l’exportation des 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes et de produits agricoles russes encore bloqués par les sanctions et les mines. Objectif : atténuer la crise alimentaire.

Le tanker Laodicea n’avait pas attendu le moindre accord pour se rendre, le 14 juillet, à Feodosia, port de Crimée occupé par la Russie et fermé à la navigation internationale, pour y prendre 10 000 tonnes de farine et d’orge. Ensuite direction Tripoli au Liban où il arrive le 27 juillet. L’Ukraine proteste : la cargaison lui aurait été volée. Le Syrien propriétaire de la cargaison a nié qu’elle ait été volée par les Russes aux Ukrainiens, après tout la Crimée est russe. Le Liban enterre l’affaire et le navire se dirige ensuite vers la Syrie voisine.

Le 1er août, donc cette fois après accord, c’est au tour du tanker Razoni d’exporter des céréales. Toujours pour atténuer la faim dans le monde, bien entendu. Le navire quitte Odessa avec 26 500 tonnes de maïs pour l’alimentation des poulets. Direction Tripoli au Liban, après une inspection en Turquie. Inspection pour savoir si des armes procurées par les États-Unis ou des pays européens sont exportées avec les céréales ? Sinon pourquoi inspecter ? Le Razoni, c’est pas simple ! Il bat pavillon de Sierra Leone, la société propriétaire est enregistrée au Liberia, quant au capitaine et à l’équipage, ils sont presque tous syriens, le maïs est ukrainien et l’acheteur libanais.
Une cérémonie avait été préparée à Tripoli pour accueillir la cargaison qui devait arriver au moment où le Liban souffre d’une pénurie de blé — des files d’attente se forment pour acheter du pain. Coup de théâtre ! L’acheteur final au Liban refuse la cargaison. Pourquoi ? en raison du retard de livraison (5 mois) ou à cause de la baisse des cours après l’accord ? Bouteilles et guirlandes ont été respectivement rangés et décrochées. En attendant un éventuel acheteur, le navire reste bloqué devant le port turc de Mersin.

La production de céréales est presque stable

Les prévisions de la FAO (Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture) de production céréalière mondiale en 2022 ont augmenté de 7 millions de tonnes en juillet par rapport à juin, soit une baisse de 0,6 % par rapport au chiffre mondial de 2021.  Donc pas de pénurie en prévision.  Selon le Conseil international des céréales, la production mondiale devrait atteindre environ 193 millions de tonnes en 2022 et 2023, soit seulement un million de moins qu’avant la guerre en Ukraine. Pas de pénurie en vue. Les approvisionnements venant des deux pays en guerre sont en grande partie compensés par une hausse des exportations depuis l’Amérique du Nord ou l’Europe.

Une pénurie organisée ?

Selon l’OMS, 828 millions de personnes souffraient de la faim en 2021 – soit 46 millions de plus qu’un an auparavant et 150 millions de plus qu’en 2019. La faim dans le monde est-elle due aux conflits, aux changements climatiques et à la pandémie de covid-19, comme l’affirme l’OMS ? Les exportations maritimes d’Ukraine et de Russie vont-elles faire baisser les cours des céréales et aider ainsi à vaincre la malnutrition ?
En France, la farine manquait en juillet dans plus de 4 % des points de vente, alors que ses ventes hebdomadaires restaient supérieures de 50 % à la normale. « Pour l’instant, la production de blé est assez stable, il n’y a pas de pénurie, estime Arnaud Petit, directeur du Conseil international des céréales (IGC). Le risque de crise est plutôt lié à l’augmentation des tarifs et au dérèglement des chaînes d’approvisionnement. » Autrement dit, la spéculation fait rage sur un marché où la tonne de blé tendre est cotée en Bourse chaque jour. Le prix de la récolte de 2022 a augmenté de 67 % la tonne entre février et mai, battant des records historiques…
Une piste de réflexion : un tiers des terres céréalières ukrainiennes appartient aux américains Vanguard, Blackstone et Blackrock ; Bill Gates est le plus gros propriétaire de terres agricoles aux États-Unis.

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