Pour le douzième épisode de cette série, nous recevons le dessinateur Benoit Flamec. Vous ne le connaissez peut-être pas encore ; par contre, vous êtes forcément tombés au moins une fois sur une de ses illustrations puisqu’il a depuis presque trois ans prêté son coup de crayon à de nombreux acteurs et collectifs engagés. C’est la première fois que Benoit se met en avant et nous sommes ravis de pouvoir vous faire découvrir ce personnage talentueux et attachant.
Le Média en 4-4-2 : Bonjour Benoît, et merci d’avoir accepté l’invitation du Média en 4-4-2. Peux-tu te présenter en 4-4-2, c’est-à-dire de manière concise et efficace ?
Benoît Flamec : En 4-4-2 ? OK ! Benoît Flamec, dessinateur autodidacte et animateur auprès des enfants. Mais je peux vous annoncer que depuis l’année dernière, je suis dessinateur à plein temps ! J’ai la chance d’avoir deux enfants formidables, une femme extraordinaire et des amis sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui. Le dessin est ma manière d’appréhender le monde, d’exprimer des idées positives et de les partager. Alors, quoi de mieux que de l’utiliser pour des causes qui me semblent justes ? Je tiens à souligner que je ne suis attaché à aucune religion particulière, à aucune idéologie politique. En revanche, je pars du principe que notre perception du monde est différente selon l’endroit et l’époque à laquelle on naît, alors autant élargir notre point de vue.
D’une manière générale je ne suis pas anti, je suis plutôt pour ! Si vous me permettez l’expression.
Merci au Média en 4-4-2 de me donner l’occasion de me présenter, je suis resté volontairement dans les coulisses pour une question de discrétion et d’humilité. Mais bon, quand faut y aller, faut y aller !
Le Média en 4-4-2 : Quel est ton parcours artistique ?
Benoît Flamec : A propos de mon parcours, j’ai fait un master de psychologie que j’ai abandonné en cours de route (pour des raisons de santé, sûrement psychosomatiques… elle est pas bonne celle-là ?). Mais j’ai su rebondir et réutiliser ces années d’étude à ma manière. J’ai ensuite été animateur pour les enfants et je me suis ensuite lancé dans le dessin, pour lequel je n’ai aucune formation, sûrement pour garder ma liberté de création et d’expression. Je m’inspire beaucoup d’autres artistes de tous les styles et de toutes les disciplines partout dans le monde et je suis également un grand fan de films, de BD, de jeux vidéo de fantasy et de science fiction.
Pourquoi j’aime tant les univers imaginaires ? Tout d’abord pour l’inspiration, car j’ai toujours été impressionné par l’ingéniosité et à la créativité de l’être humain pour tenter de comprendre le monde, mais surtout parce que ces histoires ont un effet miroir sur notre propre réalité, c’est un feed-back très intéressant, et c’est aussi une bonne manière de comprendre comment le réel peut être détourné et présenté comme une « réalité »par un média, quel qu’il soit. Appréhender le réel en multipliant les visions différentes du monde est une stratégie intéressante, et la curiosité vis-à-vis de différentes cultures du monde (notamment par le voyage, paumé dans la brousse avec son sac à dos) est pour moi un gage d’ouverture d’esprit.
A propos de mes projets, je travaille depuis plus de 10 ans sur un projet de bande dessinée intitulé : Odo Sapiens, une œuvre de science fiction, le projet de ma vie, ma façon de laisser quelque chose de positif dans ce monde devenu fou ! Jamais je n’aurais pensé que les sujets dénoncés dans ce projet en cours de création se réaliseraient sous d’autres formes et de manière aussi risible et dramatique (que ce soit sanitaire, militaire, énergétique et j’en passe). Et, a fortiori, une source d’inspiration phénoménale (la sublimation artistique dirait Freud) une fois la sidération et la colère passée bien évidemment.
Dans le cadre de mes recherches je me suis beaucoup intéressé à de nombreux sujets, de la philosophie des peuples racines (Maasaï, aborigènes, amérindiens,…), en passant par l’éthologie, le chamanisme, la physique quantique, les expériences de morts imminentes, etc…
A mon avis, pour flirter avec ces sujets disons plutôt « hors sol », il faut avoir les pieds ancrés sur Terre, vous ne pensez pas ? La vision matérialiste de la vie ne va pas sans la vision immatérielle de celle-ci, et vice versa. Il s’agit de préférer la complémentarité des disciplines à une forme d’antagonisme simpliste et stéréotypé. La diversité et la différence sont des richesses, non pas des prétextes de séparation. J’essaie donc d’entrevoir le monde de manière holistique, dans toute sa diversité, en me méfiant des vérités absolues, tout en restant humble face au fait que nous sommes tous sujets à des biais cognitifs par rapport à notre propre perception du monde. Tenter de détricoter le monde permet d’en avoir moins peur, et je suis persuadé que l’on n’a surtout peur que de ce que l’on ne connaît pas. Et de la peur, les politiques et les médias nous en abreuve à tort et à travers, ça en dit long sur la qualité de ces contenus ! Raison de plus pour s’en méfier, car il y a d’autres manières de faire, plus respectueuses pour commencer.
En 2019, grâce à une petite pichenette du destin, j’ai eu l’immense opportunité d’illustrer « la mort expliquée aux enfants » de Jean-Jacques Charbonier (Chez la maison d’édition Guy Trédaniel), alors que je travaillais en tant qu’animateur dans une ferme pédagogique au milieu des poules et des vaches ! Puis grâce aux Éditions Guy Trédaniel, j’ai pu continuer cette aventure en tant que dessinateur jusqu’à encore aujourd’hui. Après ce premier livre, J’ai pu par la suite illustrer « la physique de la conscience » de Philippe Guillemant, et plusieurs autres ouvrages (en abordant des sujets très intéressants et très divers).
Ce sont certains de ces auteurs qui m’ont inspiré pour ce projet de bande dessinée, sont aujourd’hui des amis; et j’ai à cœur de rendre accessibles ces sujets souvent incompris du plus grand nombre, grâce au dessin. Car de mon point de vue, élargir sa vision du monde apporte toujours beaucoup de tolérance et un plus grand respect de la vie sous toutes ses formes.
Et puis vint mars 2020… tout comme certains d’entre vous, mon idéalisme naïf et candide a failli basculer.
Le Média en 4-4-2 : Comment as-tu traversé ces trois dernières années complètement folles ?
Benoît Flamec : D’abord de la sidération (les premières semaines), puis rapidement de l’incompréhension, et beaucoup de colère. Je n’ai jamais considéré la Nature comme une ennemie, et d’un coup nous étions en guerre contre un virus ? L’homme étant un animal grégaire, il devrait rester chez lui ? Sans contact physique avec ses proches, sa famille? Combien de drames ont été perpétrés à cause de ces mesures stupides, sous couvert de « protection » de « solidarité » et de « science » ? Bla bla bla… Le problème n’est pas l’existence, l’origine ou la dangerosité potentielle d’un virus, mais il s’agit plutôt de savoir comment l’humanité réagit face à cet évènement. Cette épreuve va-t-elle nous permettre d’être solidaires et d’en sortir renforcés, ou bien que tout le monde panique et se tape dessus ? Bon bah, je crois qu’on a eu un début de réponse.
Bref ! On ne va pas se refaire le film, mais on avait de quoi être indignés, je ne veux pas raviver des souvenirs douloureux. Je vais simplement devoir me confier un peu pour que vous compreniez mon point de vue et vous raconter la raison pour laquelle je me suis positionné. Une anecdote charnière à été pour moi l’annonce de la naissance de mon fils (mi 2020), qui se devait pourtant d’être très heureuse et inoubliable, mais pas comme je l’aurai imaginé. Ce jour-ci, au moment de se prendre dans les bras au sein de notre famille pour fêter l’évènement, nous avons reçu ma femme et moi un : « On ne peut pas se prendre dans les bras, on a pas le droit » Quelque chose s’est brisé ce jour-là ; quelque chose ne va pas.
Comme je l’ai déjà dit à mon ami Erik Skar Baroux, je me suis juré que « plus jamais on ne me volera ce genre de souvenir ».
Cette psychose sanitaire m’a volé le bonheur de l’annonce de la naissance de mon fils. Et je peux vous assurer qu’à partir de ce moment, les beaux souvenirs, je les collectionne, malgré l’actualité plus que mortifère.
Allez, je vide mon sac, voici une seconde anecdote pour étayer mon propos : devenant papa pour la seconde fois, la sérénité de l’arrivée de mon fils à encore été menacée, car en avril 2020 les masques étaient devenus obligatoires pour les femmes enceintes pendant l’accouchement (alors qu’il n’y avait pas de « cas » dans notre région à ce moment, si je reprends la novlangue que l’on nous a imposé). Fort de cette promesse que je m’étais faite avec moi-même, j’ai surtout compris que je ne devais pas me laisser dévorer par ma peur et ma colère, mais plutôt lâcher prise, et prendre les choses avec du recul, tout en sachant rester ferme.
Mon fils est né en Janvier 2021, l’accouchement s’est très bien passé, pas de masques, pas de test, car j’ai mis des mois à me débarrasser de mes peurs et de ma colère, pour ne pas perturber le bien être ma femme et ne pas saboter moi-même cet événement magique. Nous sommes arrivés sereins, nous avons su faire preuve de diplomatie, en exprimant au personnel hospitalier, de par notre attitude, que cet événement ne serait pas gâché par des mesures stupides et délétères pour la naissance de notre fils. J’ai pu soutenir ma femme paisiblement et tout s’est bien déroulé.
Cela peut paraître anodin, voire anecdotique pour certains, mais pour moi on s’attaquait là au sacré de la vie, et je ne pouvais pas laisser faire. J’ai bien conscience qu’il n’y a pas de monopole de la souffrance, disons que ma limite a été franchie très rapidement. Aucun mal n’est JAMAIS nécessaire. Bien sûr je suis toujours empli de doute, et de la peur de me tromper, mais j’ai bien l’impression que le réel reprend ses droits (nous sommes en avril 2023 au moment où j’écris), la vérité s’échappe de tous les côtés, à tous les niveaux.
Et puis après la colère, est arrivé le courage.
« La peur est une réaction, le courage est une décision » disait W. Churchill.
Fin 2020, le jour de l’obligation du port de la muselière pour les enfants, c’en est trop, je commence à faire des dessins pour des collectifs de parents, puis pour Enfance et Liberté, La tournée fantastique, Le café des libertés, Réinfo Covid, Les mamans louves, Le Média en 4-4-2, et plusieurs autres jusqu’à encore aujourd’hui. J’étais plutôt satellisé entre tous ces collectifs, me permettant de les mettre en lien les uns avec les autres. J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage à chacun des membres de ces collectifs pour leur soutien et leur courage, car nous avons pu rester soudés face aux annonces et aux prises de décisions successives plus débiles et plus injustes les unes que les autres pendant ces trois longues années.
J’ai également eu la chance d’illustrer le livre et le film de Louis Fouché et Stéphane Chatry : « Tous résistants dans l’âme ». J’essaye de partager, grâce aux dessins de la joie, de l’humour : une excellente stratégie au devenant, très émancipatrice et libératrice. Et plus les mois passent, plus je suis rassuré et j’accueille chaque nouvelle péripétie comme elle vient, protégeant ma famille de cette vision du monde hygiéniste et paranoïaque que l’on veut nous imposer.
J’ai pris conscience que seul, nous ne pouvions rien accomplir, et cette crise a permis de mettre en lumière un nombre incalculable de dysfonctionnements jusque-là invisibles dans nos sociétés occidentales. Dans ce cas, continuons de mettre des grains de sable dans la machine, et le plus pacifiquement possible, en attendant tranquillement de la voir s’effondrer sur elle-même, car le monde de demain est déjà en gestation, beaucoup plus juste et beaucoup plus radieux.
A propos du courage, Il n’y a rien d’héroïque à faire des dessins subversifs, il n’y a rien de courageux dans le fait de ne pas avoir voulu respecter des mesures abracadabrantesques, de ne pas vouloir recevoir une injection expérimentale dans les veines, ou à être ostracisé et mis au banc socialement ; par contre, perdre son travail, ses liens avec sa famille ou ses amis au nom de ses propres convictions, monter au créneau publiquement, au risque de tout perdre, ça c’est courageux (je pense ici affectueusement à tout le personnel injustement suspendu depuis plus de 500 jours).
J’ai simplement fait partie des petites mains qui ont essayé d’aider là où elles le pouvaient, afin de soutenir celles et ceux qui ont subi d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, les dommages que ces décisions absurdes ont pu engendrer. Il s’agit de rééquilibre, ni plus, ni moins.
Trahir ma bonne conscience était pour moi inenvisageable et impossible. Si je m’étais résigné, j’aurais été au fond du gouffre, croyez-moi.
« Je vais continuer à marcher à contre-courant, car à contrecœur, je n’y arrive pas » à très bien exprimé Samuel Vallée.
Le Média en 4-4-2 : Quelle est ton actualité du moment ?
Benoît Flamec : Le dernier livre récemment sorti a été l’un des livres les plus durs émotionnellement et il est sorti fin mars : Le grand virage de l’humanité illustré, écrit par Philippe Guillemant (notre deuxième collaboration). J’ai dû exorciser ma colère et j’ai pu changer d’état d’esprit petit à petit (merci Philippe) afin de parodier le gros nanar que l’on a tous vécu, qui j’en ai l’impression, apparaît dorénavant sous de nouvelles formes. On a du pain sur la planche !
Le Média en 4-4-2 : Comment vois-tu ton avenir et celui du monde de l’illustration ?
Benoît Flamec : L’art est devenu non essentiel pendant cette période et beaucoup d’artistes ont manqué à leur devoir subversif, et de remise en question du monde. Il doit être émancipateur et libérateur et s’il le faut, dénonciateur. J’ai choisi de le faire pacifiquement et à ma façon, et cet entretien est simplement l’occasion de me présenter, car mon rôle a surtout été de mettre en lumière celles et ceux que je voulais soutenir et qui m’ont apporté du réconfort et de l’espoir.
Concernant l’avenir, je termine des projets en cours, et je me remets sur mon projet de BD, gonflé à bloc !
Je tiens d’ailleurs à remercier chaleureusement toute l’équipe du média en 4 4 2, Yoann, Rudy et Marcel, ainsi que Louis et Carole Fouché, Stéphane Chartry, Philippe Guillemant, Lucie Mandeville, Erik Skar Baroux, Barrueco, Roxane Chafei, Merlin Longuet, Kaiser, Tristan Edelman et pleins d’autres, ainsi que toutes celles et ceux que j’ai pu rencontrer pendant cette étrange période. Merci pour le soutien, l’espoir et l’énergie partagée.
Il reste encore beaucoup à faire, mais je n’ai aucun doute quant à la tournure positive de toute cette actualité.
Le Média en 4-4-2 : Merci Benoit de nous avoir accordé cet entretien. Nous te laissons le mot de la fin.
Benoît Flamec : Si quelqu’un essaye de vous culpabiliser, s’il vous menace, ce ne sera jamais pour votre bien, vous seul savez ce qui est bien pour vous. Écoutez votre petite voix intérieure, écoutez votre Conscience. Rester en lien, il faut être bien entouré quoiqu’il arrive. Et, en guise de mot de la fin, je me permets de citer un dicton Maasaï (d’après le fantastique travail de mon ami Xavier Péron) : « Nous sommes nés pour être heureux »
Et si j’ai pu au travers de mon travail, ne serait-ce que soulager, ou simplement faire sourire, c’est déjà gagné. Et surtout merci d’avoir pris le temps de me lire.
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Le Média en 4-4-2.