Comprendre le concept de « politique » avec Carl Schmitt et « La notion de politique »

mise à jour le 27/01/22

Carl Schmitt : la notion de politique

Bienvenue à tous sur les fiches de lecture du Média en 4-4-2. Si l’on vous demandait « Qu’est-ce qui fait malheureusement défaut à beaucoup d’habitants de notre beau pays ? » que répondriez-vous ? Pour ma part, je répondrais à coup sûr : le manque d’informations ou, du moins, le manque d’informations et de savoirs de qualité. A l’heure du règne de l’(in)culture de masse, de la désinformation et de la censure, cet enjeu est devenu plus que jamais crucial. C’est tout le but de notre travail sur les fiches de lecture : réarmer conceptuellement et intellectuellement les citoyens pour renforcer les convictions des uns et éveiller les consciences des autres. Ces fiches n’auront jamais la prétention de remplacer la lecture d’un livre, mais plutôt l’objectif de transmettre de façon claire et synthétique les idées principales d’ouvrages à notre sens fondamentaux. Pour finir, gardez à l’esprit que la réappropriation d’une culture saine via la lecture est une manière de vous engager personnellement dans la lutte contre le génocide des consciences.

Préambule : par souci de clarté, beaucoup de termes et de formulations ont été repris directement de l’auteur. Vous les trouverez cités entre guillemets.

Bienvenue à tous sur cette première fiche de lecture du Média en 4-4-2. Aujourd’hui, passage o-bli-ga-toire par un auteur incontournable : j’ai nommé le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt. Bon, vu son CV dans les années 30 et particulièrement ses liens avec le parti nazi, on comprend que le fameux Carl Schmitt soit très peu évoqué à l’école ou dans les débats philosophico-politiques, hormis pour condamner son adhésion au nazisme. Mais vous commencez à nous connaître… Chez le Média en 4-4-2, quand on nous dit qu’il ne faut pas parler d’un gars, que fait-on ? On en parle évidemment ! Préalable nécessaire : débarrassez-vous de tous vos aprioris sur le terme de « politique » car vous risqueriez bien d’être surpris…

Étatique et politique

Dans la première partie de La Notion de Politique, Carl Schmitt opère une distinction fondamentale. Selon lui, il ne faut pas confondre l’« étatique » et le « politique ». Pour l’auteur, l’État n’est qu’« un mode d’existence spécifique d’un peuple » et par conséquent une construction historique. En somme, la substance qu’est le politique peut exister en dehors de l’instance qu’est l’État, l’inverse étant impossible. Schmitt constate au XXe siècle l’émergence de ce qu’il nomme « État total », soit un modèle au sein duquel toutes les sphères sont imprégnées par l’influence étatique : l’économie, la culture, la religion, etc. Conséquence de cela : tout peut désormais prendre une dimension politique.

La distinction « ami/ennemi » comme principe du politique

La principale thèse de Schmitt dans cet ouvrage porte sur le critère de distinction propre au politique. De la même manière que la morale distingue le bien du mal, l’économique le rentable du non rentable ou encore l’esthétique qui sépare le beau du laid, le politique opère une distinction selon le critère ami/ennemi. Il faut bien comprendre que cela ne laisse point place à quelconque considération morale ou esthétique : ainsi au sens schmittien l’ennemi n’est pas forcément mauvais ou laid. L’ennemi est public (hostis en latin), il ne peut « pas être un adversaire, un rival personnel ou un concurrent ». Cet ennemi prend la forme d’un regroupement qui en affronte un autre, l’hostilité des deux côtés rendant possible une lutte prenant les traits d’une « négation existentielle », soit la volonté d’anéantissement physique réciproque. Ceci repose sur une nécessité qualifiée de vitale, qui est de « maintenir sa propre forme d’existence » contre une autre cherchant à la détruire. L’antagonisme politique représente pour Schmitt l’antagonisme ultime, dans le sens où celui-ci peut regrouper des Hommes en tant qu’amis/ennemis. L’État est donc une unité politique dans la mesure où il dispose du droit de la guerre (jus belli en latin) et peut donc exiger de ses nationaux qu’ils tuent ou sacrifient leur vie. L’auteur considère que la communauté politique est de ce fait au-dessus des autres car elle dispose de la vie des individus. Par conséquent, dès que l’on retire au peuple la capacité d’opérer la distinction ami/ennemi, il cesse pour Schmitt d’exister politiquement et n’est plus que « le subordonné d’un autre entité politique à qui il a transféré cette capacité ». Cette affirmation n’est pas sans nous faire penser aux dynamiques contemporaines d’aliénation de la France aux diverses instances supranationales : UE, OTAN et ONU grignotent réforme après réforme et traité après traité notre souveraineté économico-monétaire et budgétaire, démographique (par l’immigration massive) mais aussi et par-dessus tout politique. Ne pouvant plus opérer lui-même la distinction ami/ennemi et lutter pour maintenir sa forme d’existence, le peuple français cesse donc par la même occasion dans une perspective schmittienne d’exister politiquement…

Les dynamiques modernes : l’hégémonie du libéralisme

Le développement du libéralisme et sa mutation au XXe siècle ont dénaturé les conceptions politiques. En effet, Schmitt observe une dépolitisation générale due en grande partie à la défiance du libéralisme vis-à-vis de l’État et du politique. En effet la doctrine de la « liberté individuelle et de l’intérêt personnel » promue par le libéralisme exclut d’office le sacrifice personnel pour une cause collective. En effet, le fait qu’autre que soi dispose de sa vie est une aberration pour tout libéral conséquent. Pour Schmitt, le libéralisme trouve ainsi refuge dans deux sphères hétérogènes: la morale et l’économie. L’État se soumet désormais à la «morale individualiste et au droit privé » sous le règne pseudo-régulateur et pseudo-émancipateur du Marché qui ne saurait être bridé ou contrôlé. Tout cela au nom de la nouvelle définition d’une « liberté » désormais bipède reposant d’une part sur le Marché débridé et mondialisé ainsi que sur les Droits de l’Homme. Le Marché et les Droits de l’Homme (qui rappellent étrangement le noachisme talmudique) occupent la place de nouvelles croyances collectives modernes, les rejeter faisant de vous un hérétique de la pire espèce. Schmitt souligne que l’économie est loin d’être une sphère neutre ou uniformatrice : « l’idée d’échange occulte le fait que cet échange puisse être unilatéral, cacher un rapport d’exploitation ou plus largement une domination de l’Homme sur une base économique ». L’ennemi n’est plus simplement désigné comme tel mais il est désormais déshumanisé, autorisant ainsi les pires crimes à son égard. N’est-ce pas ce que l’on retrouve aujourd’hui sous différentes formes telles que les « guerres de pacification », « guerres préventives », « guerres propres » et tant d’autres formules contradictoires pour justifier les ingérences et agressions répétées envers les peuples et les gouvernements qui ne sont pas encore assez soumis ?

Conclusion : l’économie, barbarie contemporaine

Schmitt demeure un penseur clef pour comprendre les enjeux contemporains. Dans un monde d’asservissement par le chômage, le système de la dette et les crises structurelles à répétition, Schmitt avait bien compris que l’économie, loin de faire disparaître le politique ne fait que reconfigurer les hostilités : l’économie est devenue un phénomène politique. Le recours aux armes, bien que n’ayant pas disparu, est complété par un arsenal de nouveaux moyens de violence : embargo, sanctions économiques, crises volontaires, etc. Dans les pays industrialisés le chômage, l’austérité, les subprimes et les délocalisations ont remplacé les mitraillettes, les chars et les bombardements. Un peu moins de sang, toujours autant de violence et de souffrance pour les peuples. Il est plus discret d’assassiner un peuple en le faisant mourir de faim tout en justifiant cela par « une situation économique désastreuse » plutôt qu’en le bombardant directement… hormis pour Israël qui semble bénéficier d’un passe-droit !

Schmitt nous présente un monde au sein duquel les frontières entre guerre et paix sont de plus en plus poreuses. Le libéralisme et la politique des partis qui l’accompagne ont remplacé la guerre par « un état de concurrence perpétuelle et de débat sans fin » : les conflits sont désormais internes. La menace grandissante de guerre civile contribue à fissurer l’unité de la Nation, poursuivant le but ultime du capitalisme tel que défini par Clouscard au début de La Bête Sauvage soit « La Nation réduite au Marché et le Citoyen au client ». Tel est l’état actuel des choses : une paix fictive qui dissimule un état de guerre perpétuelle qui profite encore et toujours aux mêmes.

Vous voulez finir sur une note d’optimisme ? Plus la violence et la répression deviennent visibles, plus cela signifie que l’effondrement du système est proche… Concluons gaiement mes amis en citant Mao Zedong : « De défaite en défaite jusqu’à la victoire finale » !

Je vous remercie de votre lecture et à très bientôt sur le Média en 4-4-2 !

Yanis ([email protected]) pour « Le Média en 4-4-2 »

Les prolongations…
Tu veux aller plus loin ? Tiens, c’est cadeau !

Ouvrages :
– Notre ouvrage du jour est disponible sur Kontre Kulture https://kontrekulture.com/produit/la-notion-de-politique-theorie-du-partisan/
– Psychologie des foules, Gustave Le Bon https://kontrekulture.com/produit/psychologie-des-foules/
– Néofascisme et idéologie du désir, Michel Clouscard https://editionsdelga.fr/produit/neo-fascisme-et-ideologie-du-desir/
– Textes choisis, Georges Sorel (compilation d’écrits en exclusivité https://kontrekulture.com/produit/textes- choisis-3-livres-de-sorel/)

Vidéos :
– Pierre Hillard sur le mondialisme https://www.youtube.com/watch?v=9-XERgYzZVA
– Pierre Hillard sur les relations entre sionisme et nazisme https://www.youtube.com/watch?v=QHexEjIgzTc

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