Renversement des valeurs : le snobisme de la rue

Décryptage

mise à jour le 13/08/22

Autrefois un détail de l’habillement suffisait à distinguer la position sociale. Au XXe siècle, le jean, de vêtement de travail est devenu branché, mais il y a loin entre l’achat d’un jean Diesel bourgeois à 995 € et celui d’un Kiabi de travailleur à 20 €. Du costume de l’homme d’affaires à celui du clochard — de luxe —, il n’y a qu’un pas que le XXIe siècle a franchi.


Depuis plus de vingt ans la mode « streetwear » s’est répandue, avec ses vêtements bien aérés aux coudes et aux genoux, mais, ne nous y trompons pas, des baskets Nike peuvent valoir trois costumes Armani. Le pauvre pourra toujours tenter de s’habiller comme un riche, il sera toujours trahi par un détail. De même, le riche habillé comme un clochard s’en distinguera toujours par un détail révélateur. Son statut social plus élevé se manifestera dans un vêtement parfaitement coupé, un tissu coûteux, une marque, des accessoires (lunettes, montres et chaussures). Le simple pauvre peut-il encore se déguiser en riche à une époque où le riche plein d’humour se déguise en super pauvre ?

Le nouveau snobisme renverse les valeurs

En 2007 des manifestants avaient défilé déguisés en tenue « de bons bourgeois », costume cravate pour les hommes, tailleur, collier de perles et foulard pour les femmes. Ce n’est plus possible. La distinction par la mode entre riches et pauvres n’est plus à la mode. La bourgeoisie provinciale de la manif pour tous et de Saint-Nicolas du Chardonneret a dû céder la place aux branchés LGBT des lieux gay friendly. Les classes sociales n’existent plus dans l’imaginaire de la pensée (ou non-pensée) dominante. Place aux minorités opprimées (Noirs, lesbiennes, trans, etc.) ! Ce sont pourtant les mêmes ? Pas tout-à-fait, presque.
En 2002, le défilé de John Galliano pour Dior avait été inspiré par les superpositions de vêtements des sans-abris. Des manifestants s’étaient indignés contre cette collection « Clochards », jugée méprisante vis-à-vis des SDF. Pourtant, quelques années après, le musée des Arts décoratifs avait exposé ces mêmes vêtements jugés scandaleux.
Pauvres et riches achètent parfois des paires de baskets identiques — ou presque —, mais ceux qui en ont les moyens les portent avec un sac à main qui ressemble en tout point à un sac poubelle, à… 1750 euros (photo de gauche prise devant un court de tennis et non une déchetterie). Un sweat-shirt Balenciaga, volontairement vieilli avec finition déstructurée, est vendu 1 350 €.

Balenciaga vend des sacs Ikea à 1 695 €. Le sac cabas Barbes Balenciaga à 1 490 € ne remplacera jamais un bon vieux sac Tati. La preuve : il est soldé à – 30 %, soit seulement 1 043 €.

Les snobs peuvent montrer à quel point ils sont fortunés en achetant très cher des objets communs. Avant, les riches investissaient dans « du beau », maintenant, ils prouvent qu’ils ont même les moyens d’acheter du commun, voire de l’informe. Une stratégie payante sur le marché asiatique (très sensible au second degré). Tout comme l’exposition Jeff Koons à Versailles. Le nombre des entrées a doublé. Le clash des genres fait vendre, le mauvais goût industriel une fois bien emballé dans un beau décor ancien prend de la valeur sous couvert d’humour, d’irrespect des valeurs traditionnelles. Les maisons de luxe multiplient les collaborations avec des marques de streetwear. En s’adressant aux plus jeunes, ça flatte les plus âgés qui s’identifient à un public branché.

Mais un jour le roi sera nu…

Jacqueline pour Le Média en 4-4-2.

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