Le 22 novembre, des élus de Guadeloupe ont été reçus à Paris. Ils ont eu droit à une réception dans les ors de la République (voir photo). Placé cette année en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire pour abus de confiance, complicité de détournement de fonds publics et financement illégal de campagne électorale, le président de la Région Guadeloupe Ary Chalus était bien entendu présent.
Ils ont parlé avec le Premier ministre, mais via une téléconférence, Jean Castex ayant été testé positif à cause de sa méchante fille de 11 ans. Était-il vraiment nécessaire de se déplacer à Paris pour participer à une vidéoconférence ?
A Paris, les élus de Guadeloupe ont fait allégeance
Le conseil régional a, comme demandé, condamné fermement les violences : « Nous ne pouvons pas cautionner les barrages, les feux, ou le pillage des magasins, a déclaré Jocelyn Sapotille (ex-PS). Il faut arrêter cela immédiatement ! » Cette soumission n’a cependant abouti à rien : Castex a refusé le test PCR toutes les 72 heures (au lieu de 24 heures) et même un délai jusqu’à fin décembre pour permettre une reconversion professionnelle aux soignants refusant la vaccination. Ce n’était pourtant pas des revendications extrêmes. Lorsque les élus ont demandé un autre vaccin sans ARNm, ils ont été mieux entendus : « Sur ce point-là nous avons été entendus et écoutés. » Castex leur a promis de l’AstraZeneca ou du Janssen. Ceux dont la métropole ne veut plus…
Sébastien Lecornu et le Collectif des organisations en Guadeloupe
Le ministre des Outre-mer a mis tant de conditions à une éventuelle rencontre, le 28 novembre en Guadeloupe, avec une délégation du Collectif des organisations, qu’on pourrait croire à de la mauvaise volonté. Les voici :
– pas plus de dix personnes (pour des raisons de taille de salle, convocation envoyée par mail à 23h22),
– les membres du collectif doivent dénoncer les violences (comme les élus à Paris). Tiens, ça rappelle Pujadas faisant la morale à un gréviste de Continental. A voir et revoir là (si cela ne vous donne pas trop la nausée).
De leur côté les membres du collectif ont posé leurs conditions : la présence de tout le collectif, la baisse des carburants, l’arrêt des poursuites contre les manifestants et des sanctions liées à l’application du pass sanitaire, le retrait de suspensions et de fermetures dans le secteur de la santé, des pompiers, etc. Curieusement le problème de l’adduction d’eau (61 % de l’eau sont gâchés) non entretenue par Veolia, puis laissée aux mains de « gestionnaires » incompétents et corrompus (ceux du SIAEAG, liquidé au 1er septembre), n’est pas évoqué.
Et l’ultime condition est : « L’embauche massive des jeunes sur des contrats pérennes ! » (point d’exclamation dans le texte). Le communiqué s’achève par un appel au renforcement des piquets de grève. On sent que l’heure est plus au rapport de forces qu’à la négociation.
Sébastien Lecornu ne négocie pas avec des syndicats non soumis
Le ministre a jugé qu’aucune discussion n’était possible tant que les syndicats « ne veulent pas condamner des tentatives d’assassinat contre des policiers et des gendarmes », un « préalable pourtant évident et indispensable ». Lundi 29 novembre, la rencontre avec quatre représentants syndicaux de l’UGTG et FO s’est donc résumée à une simple remise de « documents de revendication » en dix minutes chrono. A la sortie de la sous-préfecture, Maïté Hubert-M’Toumo, de l’UGTG, l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe, a déclaré : « Contrairement à ce qu’il essaie de faire croire, il [Sébastien Lecornu] n’est pas venu pour négocier. »
Les maires ne sont pas venus au rendez-vous du ministre
Une rencontre devait avoir lieu avec les élus locaux et la préfecture. Des élus ont décidé de ne pas s’y rendre. Sébastien Lecornu a regretté l’absence de ces « grands élus », « un peu plus politisés », mais a souligné que « 16 maires » ont participé à la réunion… par visio-conférence. Pourquoi le ministre s’est-il déplacé pour des « rencontres » par télétransmission ?
La visite ministérielle en Guadeloupe n’a servi qu’à aggraver le mécontentement
Les relations entre Sébastien Lecornu et les élus locaux de Guadeloupe s’étaient brusquement détériorées dès qu’il avait mis sur la table, le 26 novembre, la question de l’autonomie dont manifestants et grévistes ne veulent pas. Le ministre a répété que l’obligation vaccinale, repoussée au 31 décembre, ne serait pas levée, mais a magnanimement proposé de verser les salaires des soignants qui finiront par se faire vacciner ! Les autres « se verront clairement notifier » leur suspension. Rompez !
Pour apaiser la situation et régler les problèmes, rien de tel que d’envoyer 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN en plus des 250 policiers et gendarmes renforçant les 2 000 agents déjà sur place. Effet garanti. Même l’organisation des socioprofessionnels, conciliante, prête à participer aux mesures emplois jeunes, a fini par se joindre aux syndicats mobilisés, face aux élus locaux et au gouvernement.
Que va proposer le ministre à La Martinique en plein marasme ?
Lundi 29 novembre au soir : Sébastien Lecornu arrive à La Martinique, elle aussi placée sous couvre-feu. Il a 24 heures pour apaiser les tensions ou les aviver… Là aussi, derrière un rejet massif de l’obligation vaccinale par la population, s’expriment des revendications sur la vie chère et la pauvreté. Selon le rapport de Véronique Biarnaix-Roche, « tous les produits passant par la France pour arriver en Martinique coûtent beaucoup plus cher, du fait du transport et des taxes d’octroi de mer. Certaines entreprises sont en situation de monopole sur l’île et ne laissent pas de possibilité à la concurrence, ce qui fait monter les prix. Et l’offre de logement n’est pas suffisante… » Difficile de consommer local, puisque la chlordécone a pollué les sols de l’île : 92,5 % des Martiniquais en ont des traces dans le sang. On en arrive à la salade à 5 € et au pack de Cristalline à 7 € !
Rien n’empêche les négociations en Martinique… en principe
Sébastien Lecornu est censé rencontrer en Martinique les élus locaux et l’intersyndicale, qui ont signé samedi 27 novembre avec l’État un « accord de méthode ». « La situation n’est en rien comparable entre la Guadeloupe et la Martinique puisque en Martinique, (les) préalables républicains “aux négociations” ont été remplis », a estimé Sébastien Lecornu. Oui, mais… les leaders syndicaux ont dû consulter leur base et la base a annoncé que les barrages routiers ne seraient pas levés durant les négociations. D’où report des entrevues. Les syndicats ne veulent pas de discussions par ateliers thématiques séparés — une façon de diviser. Ils veulent discuter ensemble chaque point, à commencer par le retrait de l’obligation vaccinale.
L’État français sait comment énerver la Martinique
La préfecture vient de communiquer les nouveaux prix de l’essence et du sans plomb, ainsi que le tarif de la bouteille de gaz applicables au 1er décembre. Supercarburant sans plomb : 1,77 €/l, au lieu de 1,75€/l ; gazole routier : 1,50 €/l au lieu de 1,52 €/l ; bouteille de gaz (de 12,5 kg) : 30,61 € au lieu de 31,87 euros. Pendant ce temps-là les gendarmes ont interpellé vingt personnes aux abords des barrages et de leur domicile. Les barrages se sont durcis dans la nuit du 29 au 30 novembre. La circulation n’est possible que pour les professionnels de santé.
Tandis que la rubrique Violence de FranceInfo s’étoffe, ParisMatch continue à nous informer sur Floriane Bascou, Miss Martinique 2021. La jeune femme de 19 ans fait partie des 29 candidates qui prétendront à la couronne le 11 décembre prochain.
Le ministre des Outre-mer sera de retour à Paris mercredi. Laissons Elie Domota, ancien secrétaire général du principal syndicat guadeloupéen, tirer le bilan de sa mission : « C’était simplement un petit parcours de propagande. […] On espérait voir un ministre ouvert d’esprit, on a eu un ministre hors sol, qui n’a rien compris. Quand même les élus guadeloupéens, que l’on connaît si frileux vis-à-vis du gouvernement, refusent de le rencontrer, c’est qu’il y a un vrai problème. Nous allons poursuivre, évidemment. Nous allons nous réunir pour définir les orientations et mobilisations que nous allons organiser dans les prochains jours. Mais une chose est sûre : nous sommes plus que jamais mobilisés. »
Jacqueline pour Le Média en 4-4-2.