Les dangers du mercure
Le mercure est classé parmi les dix substances les plus préoccupantes au monde par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), juste après l’arsenic et le plomb. Son dérivé, le méthylmercure, est considéré comme possible cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). L’ingestion régulière de cette substance, même à faible dose, peut entraîner des problèmes neuronaux, cardiovasculaires, immunitaires, rénaux et reproductifs. Les femmes enceintes sont particulièrement à risque, car l’exposition au méthylmercure peut affecter le développement du cerveau et du système nerveux de l’enfant.
Comment le mercure se retrouve dans nos assiettes
Le mercure, émis par la combustion du charbon et les activités minières, se dépose dans l’océan et est ingéré par les poissons sous sa forme la plus toxique, le méthylmercure. En tant que superprédateur, le thon accumule les métaux lourds contenus dans ses proies.
Des seuils de contamination incompréhensibles
Pour la plupart des poissons, comme le cabillaud ou les sardines, un seuil maximal de 0,3 milligramme (mg) de mercure par kilo de chair a été fixé. Cependant, pour le thon, ce seuil est de 1 mg/kg lorsqu’il est frais. Bloom dénonce cette incohérence, soulignant que le mercure du thon n’est pas moins toxique que celui d’autres poissons. Ainsi, une conserve de thon sur deux étudiée par Bloom dépasse la limite maximale de 0,3 mg/kg.
Des taux de mercure alarmants
Les teneurs maximales autorisées en mercure s’appliquent au thon frais, mais pas au thon en boîte. La Direction générale de l’alimentation (DGAL) n’a pas pu fournir d’information sur le taux appliqué pour les conserves de thon. Bloom précise que le thon en boîte perd beaucoup d’eau, ce qui concentre le mercure deux à trois fois plus que dans le thon frais. Par conséquent, la DGAL ne peut déterminer si des conserves de thon respectent la législation européenne sur le mercure.
Des recommandations sanitaires non respectées
Les autorités sanitaires européennes ont fixé une dose hebdomadaire tolérable (DHT) de mercure à 1,3 microgramme (µg) de méthylmercure par kilogramme de poids corporel. Un enfant de trois ou quatre ans dépasserait cette dose de 12,5 fois en mangeant 100 grammes de thon en boîte avec un taux de mercure de 2,7 mg/kg. Pour un adulte de 67 kilos, cette dose serait dépassée de 2,9 fois.
Un cas extrême : Petit Navire
Parmi les boîtes de thon testées par Bloom, celle de la marque Petit Navire affiche une teneur record de 3,9 mg/kg. En mangeant cette boîte, un enfant de 40 kg dépasserait la dose hebdomadaire tolérable avec seulement 15 grammes, et un adulte avec 30 grammes. La marque Petit Navire avait fait l’objet d’un boycott de la part de Greenpeace contre ses méthodes de pêche particulièrement destructrices. Sous ce nom bien français se cache l’entreprise 100 % thaïlandaise Thai Union Frozen, laquelle, outre ses méthodes de pêche illégales, a été accusée d’esclavagisme incluant le travail d’enfants.
Les conflits d’intérêts au cœur du problème
Bloom dénonce que les seuils de dangerosité fixés par les pouvoirs publics ne visent pas à protéger la santé des consommateurs, mais à protéger les intérêts de l’industrie thonière. Julie Guterman, chargée de recherche chez Bloom, explique que le Codex Alimentarius de l’ONU, qui fixe les normes alimentaires internationales, est sous l’influence du lobby thonier. En 1985, lorsque ces normes ont été édictées pour le thon, une personne sur trois travaillant pour cet organe était liée à l’industrie thonière.
Une stratégie du doute
Les lobbys de l’industrie thonière pratiquent depuis des décennies une stratégie du doute, en vantant les qualités nutritionnelles du thon, riche en oméga 3. Cependant, Julie Guterman indique qu’il y a dix fois plus d’oméga 3 dans des sardines ou des maquereaux que dans du thon.
Les demandes de Bloom et Foodwatch
Face à ce scandale sanitaire, Bloom et l’ONG de défense des consommateurs Foodwatch réclament l’interdiction de la commercialisation des produits à base de thon dépassant 0,3 mg/kg de mercure, ainsi que tous les produits contenant du thon dans les espaces sensibles comme les cantines scolaires et les crèches. Ils demandent également à la Commission européenne d’aligner le seuil de mercure pour le thon sur celui des autres poissons.
Appel à l’action des consommateurs
Bloom et Foodwatch ont adressé une pétition aux dix plus grands distributeurs européens, dont Carrefour, Intermarché et E.Leclerc, pour qu’ils retirent de leurs rayons les boîtes de thon contaminées au-delà de 0,3 mg/kg. Ils recommandent aux consommateurs de rapporter leurs boîtes dans les supermarchés et de questionner les enseignes sur la teneur en mercure de ces produits.
Lire l’étude de Bloom sur le site de l’ONG.
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