Rapport d’Amnesty International sur Gaza
Après des mois de recherches sur la situation à Gaza, effectuées entre le 7 octobre 2023 et le début du mois de juillet 2024, Amnesty International vient de publier un rapport intitulé « “On a l’impression d’être des sous-humains” – Le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza (1) », dans lequel elle conclut qu’Israël agit « dans l’intention spécifique de détruire physiquement la population palestinienne de Gaza », et ce, en violation du droit international, notamment de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 (2). Pour ce faire, les chercheurs d’Amnesty ont récolté des témoignages, des vidéos, des photos, des images satellites, divers rapports et données, ainsi que des déclarations officielles des hauts responsables et d’organismes officiels israéliens. Ces données ont été rendues accessibles grâce à des consultants locaux, sur le terrain (l’accès ayant été drastiquement restreint par les autorités israéliennes pour tous les intervenants internationaux) et en open source (3).
Amnesty International publie un rapport transmis à la CPI : Israël commet un génocide contre la population palestinienne de Gaza pic.twitter.com/07EE83Kftj
— Paul-Éric Blanrue (@PBlanrue) December 5, 2024
La Convention de 1948 sur le Génocide
La Convention de 1948 prévoit, entre autres, que « les parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir » (article premier), et que « […] le génocide s’entend de l’un quelconque des actes […], commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux […] » (article 2). Cette Convention prévoit de punir « a) le génocide ; b) l’entente en vue de commettre le génocide ; c) l’incitation directe et publique à commettre le génocide ; d) la tentative de génocide ; e) la complicité dans le génocide » (article 3) et affirme que « les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article 3 seront traduites devant les tribunaux compétents de l’État sur le territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction » (article 6). On attend de voir (4).
Bilan des Victimes à Gaza
À ce jour, il n’y a pas de consensus sur le nombre de morts, puisque les chiffres officiels stagnent autour de 44 000, sans compter les disparus, estimés à plus de 100 000. Le colonel Lawrence Wilkerson, retraité de l’armée américaine, et titulaire d’études supérieures dans les relations internationales et les études de sécurité nationale, affirme qu’il est possible d’évaluer le nombre de morts à plus de 200 000 grâce à un modèle de calcul militaire (5). Toute la population y passe : les hommes, les femmes et les enfants (6), ainsi que toute personne intervenant sur le territoire soit pour venir en aide à la population (aide médicale, alimentaire), soit pour couvrir les événements (journalistes). Pendant ce temps, les médias mainstream ne traitent ce sujet que pour soutenir Israël, qui ne fait que « se défendre », et n’évoquent pas le génocide.
🇵🇸💔200 000 morts à Gaza: Wilkerson chiffre les pertes humaines
Selon le colonel Lawrence Wilkerson, plus de 200 000 personnes auraient été tuées à #Gaza par l’armée #israélienne. pic.twitter.com/Bb8vAoXq03
— Monica φ 🇨🇵🇵🇸🖤 ❤️ 💚 (@MANOUCHKYA) December 11, 2024
Réactions et Controverses au Rapport d’Amnesty
Amnesty International atteste que les autorités israéliennes se sont rendues coupables depuis plus d’un an des crimes cités ci-dessus (7). Ces conclusions sont réfutées par la délégation israélienne d’Amnesty (8) qui accuse l’organisation non pas d’antisémitisme, ce qui est une première, mais de partialité. Pour les membres de cette délégation, aucun génocide n’a lieu. Daniil Brodsky considère que ce rapport est « loin d’être le premier rapport établi par des experts juridiques à conclure que le génocide s’est produit, mais c’est de loin l’analyse juridique la plus approfondie sur la question ».
Raisons de la Démission de Daniil Brodsky
« Mais avant même la publication du rapport — une semaine auparavant, pour être précis — j’ai démissionné de mon poste à la présidence du conseil d’administration d’Amnesty Israël. Je n’ai pas démissionné en raison de la controverse imminente sur les conclusions du rapport d’Amnesty International. J’ai démissionné parce que je ne pouvais plus présider une branche qui ne traitait pas les Palestiniens comme des partenaires égaux, et je ne pouvais pas signer une critique du rapport d’Amnesty International qui prétend être une opinion d’experte minoritaire, mais n’est rien d’autre que l’expression d’une vision du monde juive israélienne, à l’exclusion des voix palestiniennes (9) », a-t-il écrit dans Forward le 10 décembre. En ce qui concerne les accusations de partialité de la part d’Amnesty Israël sur les analyses et les conclusions d’Amnesty International, il précise d’ailleurs qu’« aucun Palestinien n’a eu d’influence sur l’analyse du rapport sur le génocide d’Amnesty Israël », ce qui en fait un rapport partial.
Analyse d’Omer Bartov sur le Génocide à Gaza
Omer Bartov, historien juif israélien américain, spécialiste de la Shoah et des génocides du XXe siècle (10), qui a posté sur son compte X (bartov_omer) (11) l’annonce de Daniil Brodsky, qualifiait déjà lui aussi les actions des autorités israéliennes de génocidaires dans une vidéo relayée sur le site de l’UJFP (12) (l’Union Juive Française pour la Paix). Il y explique qu’à Gaza, « il semble […] que la population soit progressivement affaiblie. C’est-à-dire qu’elle est amenée à une situation où sa propre vie, sa propre existence est rendue impossible. Ce sont des conditions qui assurent l’affaiblissement, la mort massive de la population, ce qui l’amènera soit à mourir en grand nombre ou à fuir. Et c’est ce que la Convention des Nations unies sur le génocide appelle un génocide (13)». À la lumière de son analyse sur les soldats d’Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale (14), qu’il compare à ceux de l’armée israélienne aujourd’hui, il dénonce « l’interminable offensive israélienne à Gaza comme coupable de “crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’actions génocidaires systématiques » (15) ». Cependant, pour Bartov, le génocide à Gaza, comme celui de l’Holocauste, n’intervient pas dans le cadre d’un plan, mais résulte plutôt d’une évolution progressive d’une situation qui amène à des actions génocidaires (16).
Contexte Historique du Conflit Israélo-Palestinien
Nombre d’historiens, pourtant, ont étudié et mis en lumière le projet de reprendre la Palestine pour y fonder l’État d’Israël, par des moyens élaborés et anticipés, découlant d’une doctrine sioniste nourrie elle-même par un messianisme juif, et dont les origines remontent au XIIIe siècle (17). Ilan Papp » (18) tenait ces propos lors d’une interview accordée à Radio France : « En regardant les preuves, je voulais savoir qui était responsable de cette catastrophe. À travers mes recherches, reconstituées dans ce livre, j’ai pu identifier un groupe de politiques et généraux israéliens qui ont décidé et organisé l’expulsion massive des Palestiniens en 1948 comme précondition pour la création de l’État d’Israël. Au vu des définitions juridiques et universitaires existantes et de la nature de cette opération, j’ai trouvé que le terme de nettoyage ethnique correspondait véritablement aux évènements de 1948 en Palestine (19).» Une stratégie semble, en effet, avoir été mise en place de façon efficace et particulièrement visible au cours du XXe siècle, et ce, dès la déclaration Balfour de 1917, promesse de la création d’un foyer juif en terre de Palestine.
De nombreux ouvrages sont à disposition pour qui souhaite en savoir plus sur le conflit israélo-palestinien (20). Plus qu’un « conflit », auteurs, historiens, Amnesty… s’accordent sur le fait, impossible à nier, qu’Israël commet aujourd’hui, et depuis plus d’un an à présent, un génocide à Gaza.
Maxine
Notes de l’auteur :
- Le rapport complet d’Amnesty International : https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr/Z1CyeZbqstJ98CpQ_Gazagenocidereport.pdf
- https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-genocide
- https://www.amnesty.fr/actualites/genocide-a-gaza-comment-avons-nous-enquete
- https://lemediaen442.fr/non-benjamin-netanyahou-na-pas-droit-a-une-immunite-contre-la-cpi/
- https://x.com/MANOUCHKYA/status/1866845826355433686
- https://lemediaen442.fr/massacre-a-gaza-93-victimes-dont-30-enfants-dans-un-nouveau-raid-israelien/
- https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/destructions-massives-et-injustifiees-a-gaza-enquete-crime-de-guerre
- https://www.amnesty.org.il/2024/12/05/%D7%90%D7%9E%D7%A0%D7%A1%D7%98%D7%99-%D7%99%D7%A9%D7%A8%D7%90%D7%9C-%D7%90%D7%99%D7%A0%D7%95-
- https://forward.com/opinion/681370/why-i-resigned-as-chairman-of-amnesty-israel/
- BARTOV Omer, Anatomie d’un génocide. Vie et mort dans une ville nommée Buczacz, Paris, Flammarion, 2024.
- https://x.com/bartov_omer/status/1866754094611747166
- https://ujfp.org/omer-bartov-ce-qui-se-passe-a-gaza-est-bien-un-genocide/
- https://www.youtube.com/watch?v=kGHpz8V0n4Q&t=17s
- BARTOV Omer, L’armée d’Hitler. La Wehrmacht, les nazis et la guerre, Paris, Hachette Littératures, 1999.
- https://orientxxi.info/magazine/un-historien-du-genocide-face-a-israel,7577
- https://lundi.am/Chronique-d-une-radicalisation
- HINDI Youssef, Occident & Islam, Sources et genèse messianiques du sionisme de l’Europe médiévale au choc des civilisations, Tome 1, Sigest, 2015.
- PAPPÉ Ilan, Le nettoyage ethnique de la Palestine [« The Ethnic Cleansing of Palestine »] (trad. de l’anglais), Paris, Fayard, 2008.
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/ilan-pappe-un-historien-israelien-contre-netanyahou-3193165
- https://lemediaen442.fr/youssef-hindi-decrypte-le-conflit-israelo-palestinien-avec-marcel-d-onu-poutine-messianisme-iran-liban/
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