Portrait en 4-4-2 – Légende vivante : Clint Eastwood ou le dernier cow-boy de l’Amérique

Né le 31 mai 1930 à San Francisco, Clint Eastwood est devenu un monument dont l’ombre plane sur le cinéma hollywoodien depuis 60 ans ! Acteur, réalisateur, producteur et compositeur, il a touché et maîtrisé tous les différents aspects du cinéma. Sa longévité et sa productivité en tant qu’acteur et réalisateur sont sans égales, mais il n’a jamais pris la grosse tête pour autant et a su éviter les travers et les pièges d’Hollywood.

mise à jour le 05/01/25

On peut résumer le parcours de cet homme infatigable aux multiples casquettes en une phrase : « On ne s’arrête pas parce qu’on vieillit, on vieillit parce qu’on s’arrête ».

Un libertarien à tendance républicaine

L’homme qui a joué pendant longtemps le cow-boy solitaire ou le flic redresseur de torts ne pouvait que soutenir les candidats républicains aux élections présidentielles américaines ; il le fera jusqu’à Donald Trump en 2016. Il se décrit comme un libertarien fiscalement conservateur, mais socialement libéral.

« Sur le plan fiscal et économique, je peux être classé comme conservateur : je ne suis pas pour l’étatisme ; j’ai toujours pensé que les affaires du pays devaient être gérées comme celles d’une entreprise. Mais d’un autre côté, je suis très attaché à la défense des libertés individuelles. » (Les Cahiers du cinéma, 18 juillet 1986).

En 1972, le président Richard Nixon nomme Clint Eastwood au Conseil national pour la culture, poste qu’il garde jusqu’à la démission de Nixon en 1974. Clint s’engage lui-même en politique ; il est élu maire de la ville de Carmel-by-the-Sea (Californie) en 1986 avec 72 % des suffrages, et conserve cette fonction durant 2 ans. Par ailleurs, l’acteur a critiqué l’intervention américaine au Vietnam et reproché au gouvernement d’avoir abandonné les sud-vietnamiens ; il est opposé à l’intervention américaine en Irak mais appelle tout de même à voter pour George W. Bush face au démocrate John Kerry. Clint a eu également un engagement écologique : nommé membre de la commission sur les parcs californiens par l’ex-gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger, il s’oppose en 2009 à la construction d’une autoroute à péage dans le sud de la Californie. Il déclare également être favorable à la peine de mort dans le cas de crimes contre les enfants : « Les crimes contre des enfants sont les plus hideux de tous. Je pense qu’ils seraient en haut de ma liste de justification pour la peine capitale. » Pas totalement conservateur sur le plan des mœurs (il soutient l’avortement et le mariage homosexuel) mais favorable au port d’armes et aux baisses d’impôt, difficile de le catégoriser : « ni vraiment facho, ni vraiment gaucho » pourrait dire un journaliste de Libé.

Du jeune cow-boy au vieux sage

Après avoir joué le rôle d’un cow-boy dans un feuilleton intitulé « Rawhide » diffusé en 1959, Clint Eastwood rencontre le succès grâce à Sergio Leone, l’un de ses réalisateurs fétiches pour lequel il jouera dans 3 westerns spaghettis connus a posteriori comme « La Trilogie du dollar » : « Pour une poignée de dollars » (1964), « Et pour quelques dollars de plus » (1965) et « Le Bon, la Brute et le Truand » (1966). Avec ces trois films, Eastwood consolide sa réputation de cow-boy sans nom, solitaire aux yeux bleus perçants qui incarne la figure de l’antihéros. En 1970, après le décès de son père, Eastwood revêt à nouveau le costume de l’antihéros solitaire, mais cette fois dans le rôle d’un policier, l’inspecteur Harry ; cet inspecteur aux méthodes peu orthodoxes préfère faire justice lui-même, n’hésitant pas à se dresser contre sa hiérarchie. C’est un symbole fort de l’Amérique dans une période où les forces de l’ordre sont contestées et où la guerre au Vietnam tourne au fiasco.

Au fil du temps, ce rôle de justicier viril et macho lui colle un peu à la peau, mais la suite de sa filmographie est beaucoup plus nuancée. On peut citer par exemple « Un frisson dans la nuit » (1971), où Clint, qui joue le rôle d’un disc-jockey, est harcelé par une « fan » qui devient littéralement hystérique et violente à mesure que leur relation s’étiole. Eastwood n’est donc plus le macho tout puissant mais la victime. Clint Eastwood offre le premier rôle à des femmes puissantes dans des films postérieurs comme Maggie Fitzgerald (jouée par Hilary Swank) dans « Million Dollar Baby » (2004), l’histoire d’une serveuse qui décide de quitter sa vie morose pour monter sur le ring ; on peut également mentionner le personnage de Francesca (Meryl Streep) dans « The Bridges of Madison County » (1995), la narratrice du film, qui raconte sa relation adultérine avec Richard (Clint Eastwood), dont elle tombe follement amoureuse, mais dont elle décide finalement de se séparer pour ne pas abandonner son mari et ses enfants.

Un autre aspect méconnu de la filmographie de Clint Eastwood est la musique : grand amateur de jazz, Clint Eastwood réalise un film intitulé « Bird » en 1988 ; il s’agit d’un film biographique consacré au grand saxophoniste de jazz Charlie Parker. Ce film reçoit la même année le prix d’interprétation masculine (Forest Whitaker) et le Grand Prix de la CST pour la qualité de traitement sonore, au festival de Cannes. En parallèle, Eastwood produit un documentaire sur le jazzman Thelonious Monk : « Thelonious Monk: Straight, No Chaser ». Eastwood fonde d’ailleurs en 1995 son propre label, filiale de Warner Bros. Records, Malpaso Records, avec lequel il distribuera toutes les bandes originales de ses films à partir de « Sur la route de Madison ». Également grand amateur de Country, il enregistrera en 1959 son premier album de Country intitulé « Cowboy Favorites ». Il jouera même le rôle d’un musicien country dans le film « Honkytonk Man » (1982), aux côtés de son fils qui deviendra lui-même musicien. Mais ce qui rend Clint Eastwood vraiment unique en son genre, c’est sa longévité : que ce soit dans « Impitoyable » (1992), « Jugé Coupable » (1999), ou encore « Gran Torino » (2008), dans lequel Eastwood a 78 ans, Clint continue de jouer dans des films à un âge avancé et parvient par ce biais à réinventer son personnage ; ce n’est plus le jeune premier intrépide au regard magnétique, mais un homme au visage émacié et ridé, qui porte le poids du temps sur ses épaules et prodigue ses conseils et son expérience à la jeune génération. Son dernier film « Cry Macho » est sorti en salle le 30 octobre dernier : le dernier cow-boy de l’Amérique a fêté ses 94 ans en mai 2024 ! Souvent méprisé par les critiques au début de sa carrière, Clint Eastwood aura réussi à s’imposer comme un incontournable du cinéma américain avec quatre Oscars, cinq Golden Globes, trois Césars et la Palme d’honneur au Festival de Cannes en 2009.

La légende Eastwood a tourné dans plus de 70 longs-métrages et réalisé une quarantaine de films pour le grand et le petit écran ; il en a produit une trentaine et composé lui-même la musique d’une trentaine de ses longs-métrages. Dans « Le Bon, la Brute et le Truand », Clint Eastwood déclare : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. » « Blondin », comme il est surnommé dans ce film, aura fait partie des deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé (les réalisateurs) et ceux qui creusent (les acteurs) et il a formidablement réussi dans les deux catégories !

“Anima sana in corpore sano”

Cette locution latine, « un esprit sain dans un corps sain », convient tout à fait pour décrire Clint Eastwood, qui a toujours évité l’alcool, le tabac, le sucre et les drogues (contrairement à un certain DiCaprio, grand amateur de poudre blanche). Végétarien, il mange sainement avec un régime à base de fruits et de légumes ; il a même étudié la diététique et la médecine à l’Université. C’est aussi un adepte de yoga et de la méditation transcendantale qu’il pratique depuis 1975.

Il est également l’un des rares acteurs hollywoodiens à ne jamais être mentionné dans des scandales sexuels ou pédocriminels. Cet homme, cow-boy à la gâchette facile au début de sa carrière, a su faire évoluer son personnage à chaque étape de sa carrière mais sans jamais verser dans le politiquement correct. Dans son « Gran Torino » (2008) par exemple, il joue un vétéran de la guerre de Corée, vieux, bourru et en proie à ses démons, qui déteste les Asiatiques, les Noirs et les Juifs mais ce vieux Yankee, qui semble au départ antipathique, se sacrifie finalement pour un jeune Coréen du nom de Tao. Eastwood apprécie particulièrement les personnages complexes qui ne sont pas les garants du camp du bien avec une personnalité lisse et conformiste mais plutôt des personnages torturés, des antihéros qui trouvent la rédemption dans un acte héroïque.

L’environnement de travail de Clint Eastwood est également très sain. Dans un documentaire intitulé « Clint Eastwood, le dernier géant d’Hollywood », l’un des intervenants explique que « les tournages de Clint sont des machines bien huilées, tout est très fluide, tout le monde est très calme, très concentré, c’est presque de la magie ». On apprend également que Clint donne très peu d’instructions aux acteurs et cherche à les mettre en confiance. Pour tous ceux qui se destinent aux métiers du cinéma, le grand blond d’1m93 est un modèle à suivre dans son travail et dans sa vie personnelle. On pourrait tenter de récapituler le parcours de cet homme infatigable aux multiples casquettes en une phrase : « On ne s’arrête pas parce qu’on vieillit, on vieillit parce qu’on s’arrête. »

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