Vol de la parole donnée
Égorgée à l’âge de six ans, laissée pour morte, Saada Arbane avait survécu à l’assassinat de toute sa famille par un groupe armé dans un village de la région de Tiaret. Les cordes vocales coupées, elle doit utiliser un appareil afin de pouvoir s’exprimer. Elle se confia à une psychologue pour sortir du traumatisme qu’elle a subi. Or cette psychologue est la deuxième femme d’un journaliste et écrivain, Kamel Daoud. Elle a transmis sans scrupule le dossier médical de sa patiente à son mari. Il en a fait un personnage de roman. Et voilà comment est né Houris, prix Goncourt 2024.
Le prix Goncourt est attribué chaque année à un roman. Mais il ne s’agit pas d’un roman, il ne s’agit pas d’une fiction et Saada Arbane n’a pas donné son accord à l’utilisation de son histoire personnelle. Kamel Daoud lui a demandé s’il était possible de raconter son histoire dans un roman. Elle a refusé et s’explique : « Plus tard, son épouse me disait qu’il écrivait un livre et je lui ai dit que je ne voulais pas que ce soit autour de mon histoire. Elle m’a dit ‘‘Pas du tout… Je suis là pour te protéger’’ ». La découverte que son vécu était devenu un objet de fiction a ravivé des blessures que Saada Arbane pensait avoir cicatrisées. La violation du secret professionnel est une infraction qui pourrait entraîner des poursuites contre l’épouse de Kamel Daoud.
Qui est Kamel Daoud ?
En France, Kamel Daoud avait opéré un détournement. Il avait raconté l’histoire de L’étranger de Camus, vue du côté du frère de l’arabe assassiné par Meursault. Le prix Goncourt 2015 du premier roman, avait couronné Meursault, contre-enquête, paru en Algérie aux éditions Barzakh. Ce livre avait été « inspiré » par Aujourd’hui, Meursault est mort, de Salah Guemriche, publié en 2013… Plagiat sur plagiat !
En 2015, Kamel Daoud avait participé au festival La femme est l’avenir du monde arabe en France, mais la Cour d’Oran rappelle que, le 5 février 2016, « S’est présentée la plaignante E. E. H. Nadjet devant les services de la Sûreté urbaine d’Oran pour déposer plainte contre Daoud Kamel, et déclare qu’elle a subi des coups et blessures de sa part, étant donné qu’elle est divorcée de lui depuis 2016 et qu’elle a reçu un certificat d’incapacité de travail à cause des coups qu’elle a subi par un bâton en bois ». Il a été condamné par le tribunal d’Oran à trois mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 dinars, pour coups et blessures volontaires et usage d’arme prohibée à l’égard de sa première épouse. L’essayiste a fait appel pour être, finalement condamné, le 8 décembre 2019, à du sursis et à une amende de 1800 dinars.
En France, Kamel Daoud se balade avec Boualem Sansal, autre écrivain franco-algérien proche d’Israël et de l’État profond, dans les allées pavées de bonnes intentions pro-sionistes du Figaro. Boualem Sansal voit dans les provocations anti-palestiniennes des Maccabi Fanatics à Amsterdam, un pogrom généré par des Islamistes. Kamel Daoud tient une chronique au Point, au côté de Bernard-Henri Lévy, Alain Duhamel, Jean-Paul Enthoven, Patrick Besson, Nicolas Baverez. Son dernier délire a pour titre : « Donald Trump, un Américain idéal pour la galaxie islamiste ». « Non, je ne suis pas « solidaire » de la Palestine, annonce Kamel Daoud. « Que l’on cesse la jérémiade : le monde dit « arabe » est le poids mort du reste de l’humanité. Comment alors prétendre aider la Palestine avec des pays faibles, corrompus, ignorants, sans capitaux de savoir et de puissance, sans effet sur le monde, sans créateurs ni libertés ? »
Censure en Algérie
Gallimard, éditeur de Kamel Daoud, n’a pas été autorisé à exposer au Salon international du livre d’Alger, contrairement aux années précédentes. Quant à Houris, contrairement à Meursault, contre-enquête, il n’est pas distribué, les médias algériens n’en parlent pas. Rien à voir avec le scandale français du vol d’un secret médical. C’est le retour sur l’histoire de la guerre civile (200 000 morts entre 1992 et 2002) qui est interdit. La charte pour la paix et la réconciliation nationale (Chapitre 6, Art. 46) est formelle :
– Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 250.000 DA à 500 000 DA, quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international.
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