Castex souhaite que le port du masque devienne une habitude occidentale

mise à jour le 21/05/21

Masques

Le lundi 10 mai, le Premier ministre Jean Castex, dans le cadre d’un entretien au journal Le Parisien sur la sortie de l’état d’urgence sanitaire, a tenu les propos suivants au sujet du port du masque : « Le port du masque sera sans doute, à l’avenir, un moyen de protection naturel au-delà de la Covid. Évidemment, pas de façon permanente, obligatoire, partout et tout le temps, comme aujourd’hui. Mais il pourrait entrer dans les habitudes en Occident, notamment en période de grippe hivernale. »

Plusieurs médecins souhaitent imposer leurs rêves hygiénistes à l’ensemble des Français

L’idée que le port du masque puisse survivre à la pandémie actuelle n’est pas défendue que par le Premier ministre. Plusieurs médecins, qui n’en demandaient pas tant pour imposer leurs rêves hygiénistes à l’ensemble des Français, ont également soutenu ce principe sur des plateaux de télévision. Le Dr Fauci, en charge de la cellule de crise sanitaire aux États-Unis, a lui-même défendu l’idée selon laquelle les gens reproduiront dans les prochaines années les « gestes barrières » mis en place depuis le début de la pandémie pour réduire la possibilité de propager les maladies respiratoires, à commencer par le port du masque.

Ironie du calendrier, ces prises de position interviennent alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer l’efficacité du port du masque en extérieur. Dans un article très fouillé, publié le 11 mai, le New York Times (qui n’est pas franchement un adversaire des mesures restrictives contre le Covid-19) a ainsi affirmé que les chiffres avancés par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, c’est-à-dire la principale autorité de santé aux États-Unis, étaient complètement faux. Le chiffre en question : « moins de 10 % des contaminations au Covid avaient lieu en extérieur ». D’après l’enquête du New York Times auprès de plusieurs épidémiologistes, le chiffre réel des contaminations qui ont eu lieu en extérieur se situe sous la barre de 1 %, et pourrait même être inférieur à 0,1 % ! Cela signifie donc que le masque en extérieur n’a aucune efficacité pour lutter contre la propagation du virus, et que nous l’avons porté depuis un an… pour rien.

« Ces prises de position interviennent alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer l’efficacité du port du masque en extérieur. »
Mathieu Slama

La politique n’est plus l’organisation d’une société fondée sur l’intérêt général et les libertés

Cette précision est importante, parce qu’elle indique que la position de Jean Castex et du Dr Fauci s’appuie moins sur des fondements scientifiques que sur une base idéologique. Banaliser la question du port du masque et en faire un outil régulier de lutte contre la propagation des maladies infectieuses, c’est nous faire entrer dans un régime hygiéniste qui privilégie la santé et la prévention du risque à la liberté. C’est donner raison à tous ces médecins médiatiques qui, depuis le début de la pandémie, n’ont de cesse d’appeler à des mesures chaque jour plus restrictives et liberticides, au mépris de nos valeurs démocratiques et fondamentales les plus précieuses. C’est, enfin, acter notre adhésion définitive à la biopolitique managériale qu’a décrite de manière prophétique Michel Foucault il y a un demi-siècle. La politique, dans l’horizon du biopouvoir, n’est plus l’organisation d’une société fondée sur l’intérêt général et les libertés, mais un dispositif de contrôle des corps, des gestes et des visages. La gestion de la vie biologique devient la préoccupation première du pouvoir politique. Voilà de quoi le port du masque généralisé est le nom.

Il faut aussi, sans pour autant tomber dans le complotisme ou la paranoïa, voir dans ces déclarations l’illustration de ce que beaucoup craignaient en voyant les mesures de restrictions se généraliser et devenir la norme : la banalisation de l’arbitraire et des mesures liberticides. Quand on vit sous un régime d’exception aussi drastique que celui que l’on a connu avec la crise sanitaire, il n’y a pas de retour en arrière possible. Le confinement total, le couvre-feu, le port du masque, le pass sanitaire : toutes ces mesures, prises au nom du Bien, constituent des reculades démocratiques immenses qui laisseront une trace durable dans notre société. Chaque recul compte et en prépare un autre. Chaque recul habitue les esprits à l’arbitraire et la servitude. En normalisant des mesures d’une extrême gravité, la crise sanitaire a jeté notre démocratie dans un trouble qui ne va pas se dissiper de sitôt. Qui aurait cru, avant mars 2020, que l’on en serait à discuter d’un passeport sanitaire qui obligerait les gens à se faire vacciner pour accéder à des événements culturels ou festifs ? Qui aurait cru que le chef de l’État évoque, de manière détendue, l’idée d’un frein d’urgence qui lui permettrait, par simple décret, de réduire drastiquement les libertés dans un territoire donné si les chiffres de l’épidémie ne sont pas bons ? Tout cela nous est désormais familier, et ne fait l’objet, par les gens « convenables », d’aucune contestation. Comme l’a écrit Barbara Stiegler :

« On laissa aux provocateurs habituels le soin de défendre les libertés de l’individu contre la « dictature sanitaire », histoire de dire qu’on était encore en démocratie. Mais l’essentiel était sauf : entre personnes civiques et éduquées échangeant dans l’espace public, la conversation politique sur la crise sanitaire était désormais suspendue. »

« En normalisant des mesures d’une extrême gravité, la crise sanitaire a jeté notre démocratie dans un trouble qui ne va pas se dissiper de sitôt. »
Mathieu Slama

Le masque efface les individualités. Il est la manifestation d’un monde impersonnel

Il y a mille raisons de s’inquiéter de cette régression. Le masque n’est pas un simple outil de protection contre la maladie. Il est aussi, plus fondamentalement encore, un objet de dissimulation du visage et donc d’un des fondements de notre démocratie. Citons ici le philosophe italien Giorgio Agamben, si clairvoyant depuis le début de la crise, et pour lequel le masque porte en lui la destruction de notre vie en commun. Pour Agamben :

« Dans cet espace vide soumis à chaque instant à un contrôle sans limites, se meuvent maintenant des individus isolés les uns des autres, qui ont perdu le fondement immédiat et sensible de leur communauté et peuvent seulement échanger des messages adressés à un nom désormais sans visage. »

Le masque efface les individualités. Il est la manifestation d’un monde impersonnel, d’un monde du « sans contact » où les échanges sociaux sont réduits à leur strict minimum. Agamben, encore :

« Le visage est la chose la plus humaine, l’homme a un visage et non simplement un museau et une face, parce qu’il reste dans l’ouvert, parce que dans son visage il s’expose et se communique. C’est pourquoi le visage est le lieu de la politique. Notre temps impolitique ne veut pas voir son propre visage, il le tient à distance, le masque et le couvre. Il ne doit plus y avoir de visages mais seulement des nombres et des chiffres. Le tyran lui aussi est sans visage. »

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