Analyse : Les nouveaux membres des BRICS en 2024 et leurs implications géopolitiques

L'intégration de six nouveaux membres aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à partir de janvier 2024 suscite de vives interrogations sur les critères de sélection et les implications géopolitiques. Dans une interview exclusive, le général Dominique Delawarde analyse cette décision et met en lumière les raisons derrière le choix de ces nouveaux membres. Découvrez les perspectives qui entourent cette expansion des BRICS et leurs répercussions sur l'échiquier mondial.

mise à jour le 04/09/23

Crédit photo : Annonce des résultats du XVe Sommet BRICS par le Président Cyril Ramaphosa lors d’une conférence de presse à Sandton. [Photo : GCIS]

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Les propos du général Dominique Delawarde porte sur l’adhésion de six nouveaux pays aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en 2024. Selon lui, l’Iran était le candidat le plus assuré en raison de son affiliation à l’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) et de son rôle géopolitique. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont été admis en raison de leur réconciliation avec l’Iran, renforcée par leur désir de trouver de nouveaux protecteurs en dehors des États-Unis. L’Argentine et l’Égypte ont été choisis en tant que pays importants pour renforcer la position des BRICS dans le G20. L’adhésion de l’Égypte et de l’Éthiopie est considérée comme un moyen d’apaiser les tensions régionales liées à l’exploitation du Nil. Cependant, l’Algérie devra attendre en raison de l’absence de problèmes pressants. En ce qui concerne les Émirats arabes unis, leur appartenance aux BRICS ne devrait pas menacer les accords d’Abraham avec Israël, car les EAU sont pragmatiques et les accords sont fragiles.

L’interview du général Dominique Delawarde réalisée par le site jazairhope.org :

Jazairhope : Quels sont les critères qui ont permis la sélection des six pays admis aux BRICS, surtout que économiquement, quel que soit le critère, il y a des candidats meilleurs qui n’ont pas été admis?

Dominique Delawarde : Bien sûr, je ne suis pas dans le secret des dieux, mais voici ma lecture du choix des BRICS pour l’adhésion dès le premier janvier 2024.

– A l’analyse, l’Iran était probablement le candidat le plus assuré d’entrer dans les BRICS parce qu’il appartient aussi à l’Organisation de Coopération de Shangaï, comme la Chine, la Russie et l’Inde. Ses diplomates connaissent déjà parfaitement le fonctionnement des diplomaties de ses partenaires de l’OCS. On peut noter que l’Iran a mis 12 ans entre le dépôt de sa candidature à l’OCS et son admission comme membre à part entière. Par ailleurs, l’Iran, gros producteur de gaz et de pétrole, est aussi une pièce maîtresse pour assurer une stabilité géopolitique en Asie de l’Ouest.

– La stabilisation et le retour à la paix entre pays riverains du Golfe passaient par la réconciliation entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Obtenue sous l’égide de la Chine, cette réconciliation qui est dans l’intérêt supérieur des BRICS a probablement fait l’objet d’un deal: réconciliation avec en corollaire entrée au plus tôt dans les BRICS. Les BRICS avaient tout intérêt à stabiliser cette réconciliation pour éviter tout retour en arrière de la part de l’Arabie Saoudite et des EAU. Ces deux pays, dont une forte majorité de la population et des responsables politiques hait les USA depuis fort longtemps, avaient besoin d’un nouveau protecteur pour se substituer aux USA. Les BRICS vont désormais jouer ce rôle. Arabie saoudite et EAU naviguaient dans l’orbite US, contraints et forcés_(« Baises la main que tu ne peux trancher »_). Ces deux pays ont trouvé des parrains et protecteurs qu’ils jugent moins nocifs à leurs intérêts.

Les BRICS ont donc bien joué en admettant simultanément l’Iran, l’Arabie Saoudite et les EAU parmi eux.

Arabie Saoudite et EAU vont pouvoir jouer un rôle de premier plan dans la dédollarisation en vendant leur pétrole aux gros consommateurs que sont l’Inde et la Chine en monnaie nationale et non plus en dollars. Ils vont donc participer à l’affaiblissement de l’hégémonie US.

– S’agissant de l’Argentine et de l’Égypte, ces deux pays sont deux pays importants dans leur continent respectifs, qui ont longtemps eu un pied dans chaque camp. Il est important qu’ils choisissent leur camp et s’y tiennent. L’adhésion au BRICS va les y aider. On notera que, dans les nouveaux arrivants, deux états sont aujourd’hui membres du G20 (l’Argentine et l’Arabie Saoudite). Leur adhésion aux BRICS va renforcer la position des BRICS au sein du G20. Ils seront désormais 7 à défendre, ensemble, une position alternative à celle des USA. Si l’on ajoute le Mexique et l’Indonésie, pays amis des BRICS, et à un certain degré la Turquie, le G20 n’est plus la chasse gardée de l’occident global.

– S’agissant enfin de l’Egypte et de l’Ethiopie, chacun notera que ces deux pays sont en très forte opposition sur le problème de l’exploitation du Nil. Le meilleur moyen d’apaiser les tensions dans la région n’est-il pas de les admettre simultanément au BRICS pour trouver les moyens de gérer le problème de l’exploitation du Nil avec des moyens financiers et humains beaucoup plus importants ? Ceux des BRICS, et d’éviter ainsi qu’une région favorable aux BRICS ne tombe dans la guerre et le chaos, dont les occidentaux tirent toujours profit. Certes l’adhésion de certains pays est repoussée d’un an ou deux.

C’est incontestablement le cas de l’Algérie, allié à la fidélité indéfectible, dont le PIB est supérieur à celui de l’Ethiopie. C’est justement parce qu’elle ne pose pas de problème urgent à résoudre qu’elle peut attendre une ou deux années de plus. Se souvenir que l’Iran a su attendre 12 ans avant d’être finalement admis, d’abord dans l’OCS, puis dans les BRICS. Je ne pense pas que l’Algérie attende aussi longtemps son tour.

Jazairhope : Quelle est votre lecture de l’ admission des émirats, arabie et l’iran étant donné l’antagonisme entre ces pays vis à vis d’israël, n’est ce pas une menace supplémentaire pour les accords d’Abraham d’avoir les emirats dans le même groupe que l’iran?

Dominique Delawarde : Je pense que les EAU sont un pays pragmatique et réaliste. Il connaît sa taille, sa force et ses moyens. S’il peut s’entendre avec l’IRAN dans le cadre des BRICS, il choisira l’IRAN plutôt qu’Israël. Beaucoup d’accords signés par les EAU ont été signés sous les pressions occidentales (US et France). Un accord n’est jamais signé dans le marbre pour l’éternité.

Par ailleurs, les accords d’Abraham ne sont valides que sous réserve qu’Israël cesse d’annexer des territoires palestiniens. Or ce n’est pas le cas et n’a jamais été le cas. En clair, les accords d’Abraham sont fragiles et peuvent être dénoncés par les parties arabes lorsqu’elles le décideront.

Lire la suite de l’interview sur le le site jazairhope.org

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