Qatar connexion : fuite de documents impliquant Carla Bruni-Sarkozy, BHL et Laurent Platini

mise à jour le 22/12/22

Qatar Connexion - RAS RNS

Une fuite de documents au Qatar révèle que des personnalités et une ONG auraient bénéficié de plusieurs millions d’euros de la part du Qatar. Ces liens troubles impliqueraient en France Carla-Bruni Sarkozy, BHL et Laurent Platini sur plusieurs affaires allant de l’assassinat de Kadhafi à la coupe du monde de football de 2022.


Ils sont au nombre de quatre : quatre documents potentiellement explosifs pour des personnalités françaises. Ils nous ont été remis il y a quelques semaines, en février 2021 », explique le site Blast. « Il y a quelques années, nous a expliqué notre source, une fuite massive de documents a eu lieu au Qatar. Publiez ces quatre-là, et vous aurez ensuite d’autres documents. »

Il a d’abord fallu trouver un traducteur. Ces documents sont rédigés en arabe. Puis essayer de vérifier leur authenticité. Ces premières vérifications effectuées semblaient plutôt probantes. Mais pas suffisantes pour écarter la possibilité d’une manipulation, ou même une nouvelle affaire Clearstream 2. Pas d’autre choix par conséquent que de se rapprocher des « services » pour évaluer la crédibilité de ces éléments.

Des services documentés

Première information, les deux traductions aboutissent à des résultats similaires. La suite, notre source l’explique de vive voix :

« Plusieurs services de renseignement, aux Etats-Unis et en Israël, sont informés de l’existence de ces documents. Le Qatar lui-même est au courant qu’ils ont fuité. Apparemment, les informations qu’ils contiennent confirment ce que savent certains services, notamment sur le rôle du Qatar en Libye. »

Si ces quatre documents sont authentiques, ce que semblent confirmer nos vérifications, c’est un véritable tremblement de terre qui pourrait se propager dans le Tout-Paris, compte tenu de l’identité de ceux qu’ils désignent comme récipiendaires des cadeaux distribués par l’émir du Qatar. Et des implications possibles de telles largesses.

Un ordre cash

Le premier, et le plus ancien, date du 24 novembre 2009. Adressé au directeur de la trésorerie, cet ordre de paiement porte la signature du ministre de l’Economie et des Finances, Youssef Hussain Kamal. Montant : 6 millions d’euros. Ce document indique que ces 6 millions d’euros d’argent liquide sont destinés à… Carla Bruni-Sarkozy, l’épouse du président de la République française ! Pourquoi ? Interrogée, via sa maison de disques, Carla Bruni-Sarkozy n’a pas répondu.

Mais rappelons-nous la présidence Sarkozy. À l’époque, le Qatar a table ouverte à Paris, où il obtient notamment la défiscalisation de ses investissements immobiliers en France. Toute la Sarkozie défile par ailleurs régulièrement à Doha, à l’instar de la ministre de la Justice Rachida Dati, qui deviendra une proche du procureur général du Qatar.

Plusieurs livres sur les relations entre la France et le Qatar ont été publiés depuis une dizaine d’années. Les mieux informés sont certainement Christian Chesnot et Georges Malbrunot, qui ont consacré trois ouvrages à ce sujet. Citons « Qatar, les secrets du coffre-fort » :

« À l’automne 2009 la première dame a été invitée à inaugurer un centre médical à Doha. Les autorités qatariennes l’auraient largement remerciée pour sa venue. » La lecture se poursuit par un chapitre donnant de nombreux détails sur cette visite et sur l’intervention de Nicolas Sarkozy, venu chercher sa femme à Doha.

Youssef certifie

Le deuxième document en notre possession concerne à nouveau la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La date qu’il porte est très difficilement lisible. A priori daté du 25 octobre 2011 (avec ces réserves, donc), il est adressé au directeur de la Trésorerie du Qatar. Son auteur ? Toujours Youssef Hussain Kamal. Le ministre qui tient les finances du pays précise qu’un chèque certifié de 40 millions de riyals qataris (environ 9,1 millions d’euros, à la parité actuelle) doit être remis à Bernard-Henri Lévy. Sur ordre de l’émir.

Là encore, la justification d’une telle prodigalité, telle qu’elle est présentée par ce document, à un « philosophe » par ailleurs fortuné, est un mystère. Contacté, BHL n’a d’abord pas donné suite. Avant que son attachée de presse (chez son éditeur, Grasset) ne nous fasse parvenir ce jeudi soir une réponse succincte par mail. Elle tient en deux lignes : « J’ai contacté M. Bernard-Henri Levy. Celui-ci n’a jamais eu le moindre contact, d’aucune sorte, avec le Qatar. Tout document qui prétendrait le contraire ne peut être qu’un faux grossier. »

La clé de cette énigme — et de ce cadeau évoqué par le document qui cite le nom de BHL — se trouve peut-être dans le document qatari. Il faut revenir aux dates, et aux évènements de l’époque. Le soulèvement contre le régime dictatorial du colonel Kadhafi débute le 15 février 2011. Très rapidement, Bernard-Henri Lévy affiche publiquement son soutien aux opposants au régime. Et il va peser de tout son poids pour convaincre le président Sarkozy d’engager la France militairement, sous couvert d’une opération autorisée par l’ONU. Le 20 octobre 2011, après la chute de Syrte, son dernier refuge, le colonel Mouammar Kadhafi est arrêté et tué.

Officiellement démentie

Existe-t-il un lien entre la chute du dictateur et le chèque que ce document présente comme adressé à BHL par le Qatar ? Ce chèque doit-il être considéré comme une pièce de toute première importance pour comprendre les causes réelles de la chute de Kadhafi ? La version officielle, on s’en souvient, avait justifié l’intervention armée de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis au nom d’une urgence : la protection de la population libyenne, notamment les habitants de la ville de Benghazi, menacés d’extermination. Cette version a depuis été démentie.

Les motivations réelles du président Sarkozy ont également été questionnées. Notamment depuis la parution d’une enquête de Mediapart sur les dessous du financement de sa campagne présidentielle de 2007, qui dévoilait l’implication financière possible du « Guide » de la révolution.

Mais depuis des années, une autre version circule dans les milieux du renseignement. En réalité, la chute du colonel Kadhafi aurait été imaginée, préparée et organisée par Doha, la capitale du Qatar. Profitant des Printemps arabes qui se soulèvent alors, et bouleversent la donne en Afrique du Nord, puis en Syrie, le Qatar y aurait vu une opportunité pour étendre sa zone d’influence dans la région. Ainsi, la décision aurait été prise de profiter de ce climat pour installer à Tripoli, au pouvoir, les Frères Musulmans, que l’émir protège et finance depuis des décennies. Les liens entre l’organisation islamiste extrémiste et le Qatar ont été largement décrits par Christian Chesnot et George Malbrunot dans leur livre « Qatar, les secrets du coffre-fort ».

« C’est le frère du numéro 2 d’al-Qaïda qui dirigeait l’organisation en Libye », affirme notre source proche des services de renseignement. Selon cet interlocuteur, le Qatar a utilisé les grands pays occidentaux, à commencer par la France, pour mettre son plan à exécution et faire la sale besogne. Le chèque qui aurait pu être remis à BHL — si on en croit le document — aurait-il pu participer à l’élaboration de ce plan ? Ou est-ce, comme le prétend aujourd’hui BHL, un faux grossier destiné à l’incriminer ? Impossible en l’état de répondre à cette question.

Du terrain de guerre au terrain de jeu

Avec le troisième document, c’est un autre volet qui s’ouvre. Le chèque qui semble y être associé pourrait également être compromettant pour son destinataire. Et faire rebondir l’enquête en cours en France sur l’attribution de la Coupe du monde 2022 de football au Qatar. Il émane comme les deux premiers documents du ministre de l’Economie et des Finances. Et il est adressé également au directeur de la Trésorerie de l’Emirat. Youssef Hussain Kamal demande que 40 millions de riyals qataris (soit environ 9,1 millions d’euros à la parité actuelle) soit versés à Laurent Platini, le fils du célèbre footballeur. Sollicité, Laurent Platini ne nous a pas répondu.

La date de ce cadeau est cruciale. Le 2 décembre 2010, la FIFA désigne par 18 voix contre 6 (pour les Etats-Unis) le Qatar pour organiser la coupe du monde 2022. Mais très rapidement, la presse internationale va enquêter sur les dessous de cette attribution et dévoiler les méthodes corruptives de l’émirat.

Surtout, l’existence d’un déjeuner organisé à l’Elysée avec un représentant du Qatar et Michel Platini quelques jours avant la décision de la FIFA est révélée. Or, avant ce déjeuner, l’ex-Ballon d’or était contre le Qatar. Au moment du vote, il a changé d’avis. Et soutient finalement sa candidature.

De plus, son fils Laurent, alors en poste dans la filiale Sport du groupe Lagardère, est embauché en décembre 2011 par Burrda Sports (Qatar Sports Investment) comme « general manager ». Laurent Platini conservera son poste jusqu’en décembre 2016. Le mois suivant son départ, il retourne dans le groupe Lagardère, dont le Qatar est un important actionnaire.

Human Rights Watch dément

Le quatrième document en notre possession, enfin, est plus récent, mais tout aussi surprenant. Daté de janvier 2018, il mentionne un don de 3 millions d’euros, autorisé par le président du Conseil ministériel qatari suite à une demande du ministre des Affaires étrangères, à l’ONG Human Rights Watch. Contactée, l’organisation dément l’existence d’un tel don, précisant ne recevoir « aucun financement d’aucun gouvernement ou entité gouvernementale afin de garantir son indépendance ».

L’ONG a beaucoup travaillé sur le Qatar. Dans son rapport 2018, elle salue « une série de réformes importantes des droits humains qui, si elles étaient appliquées, introduiraient certaines des normes internationales les plus progressistes en la matière dans la région du Golfe ». Ces éloges avaient, c’est peu de le dire, surpris plus d’un observateur alors que les avancées en matière de droits de l’Homme au pays de la famille Al Thani restaient très modestes et superficielles.

Selon nos informations, les autorités françaises sont informées de l’existence de ces documents. D’après des sources concordantes, aussi bien au ministère de l’Intérieur qu’à la Chancellerie, Gérald Darmanin comme Eric Dupond-Moretti savent qu’ils circulent. Pour autant, aucune enquête n’a été diligentée pour le moment, ne serait-ce que pour en vérifier l’authenticité.

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