Il y a quelques années, sur les conseils de Lucien Cerise, Arthur Sapaudia s’est mis à la lecture de cet intéressant ouvrage, qui, dès le milieu des années 70, prévenait des dangers du transhumanisme, de la programmation mentale ainsi que de la « malléabilité » et du « remodelage » de l’homme.
Extraits de Vance Packard, L’homme remodelé, chapitre X, Le contrôle du comportement par les nouveaux hypnotechniciens (1977) :
Un des plus anciens mystères de l’humanité est en passe d’être utilisé massivement en vue d’induire les gens à se comporter d’une manière différente de la normale. Je veux parler de l’hypnotisme. Il est employé par les policiers, les publicitaires, les médecins, les éducateurs, les juges d’instruction, les entraineurs sportifs, les psychothérapeutes et les militaires. Nombre de ces utilisateurs ont suivi des cours intensifs et sont eux-mêmes des praticiens. Plus fréquemment ils ont entendu quelques conférences sur le sujet et recourent aux services d’hypnotiseurs professionnels.
Le pourquoi et le comment de l’hypnotisme ne sont pas encore parfaitement compris. Mais le fait qu’il soit efficace dans un grand nombre de situations (pas toutes) n’est pratiquement plus mis en doute par les scientifiques. Je connais 11 associations, nationales ou internationales, qui œuvrent en vue d’une utilisation sérieuse de l’hypnose. Le recrutement est généralement limité aux personnes réellement qualifiées. Il existe deux centres internationaux, un à Milan, en Italie, l’autre à Upsal en Suède. De nombreuses universités américaines organisent des cours sur l’hypnotisme. C’est là une promotion considérable pour un art sentant le soufre et qui, il y a encore peu de temps, était abandonné aux amuseurs et aux charlatans. L’origine de l’hypnotisme se perd dans la nuit des temps. Beaucoup de peuples primitifs tombaient dans une sorte d’hypnose au cours des cérémonies prolongées où l’on battait les tambours et où l’on psalmodiait des chants à l’infini.
Vers la fin du XVIIIe siècle, un médecin viennois, Fritz Mesmer, commença à « mesmériser » volontairement ses patients. Il croyait que le comportement hypnotique était créé par une sorte de fluide magnétique. Un demi-siècle plus tard, James Braid, un médecin écossais, écarta l’hypothèse des fluides ou courants magnétiques et décida qu’il s’agissait d’une forme anormale de sommeil, qu’il baptisa « hypnose » — terme grec signifiant sommeil. Il avait tort. Les hypnotiseurs ont coutume de dire aux sujets qu’ils vont dormir. En fait, ils ne dorment pas. Il s’agit d’une transe éveillée. Les ondes cérébrales ne sont pas celles de quelqu’un qui dort mais plutôt celles d’une personne particulièrement détendue. Plusieurs médecins français célèbres conférèrent un moment à l’hypnotisme la respectabilité médicale. Sigmund Freud s’en est servi comme d’un moyen de sonder l’inconscient. Peut-être n’était-il pas très doué. Quoi qu’il en soit, il l’abandonna au profit de l’association libre.
La récente poussée d’intérêt pour l’hypnotisme a démarré autour des années cinquante-huit lorsque l’American Medical Association reconnut formellement l’hypnose comme un moyen médical légitime. Comment l’hypnose peut-elle conduire des gens à faire des choses si étranges ? De quoi s’agit-il? L’hypnose implique une réceptivité accrue à la suggestion. Dans sa forme la plus élémentaire on peut la trouver à l’œuvre, par exemple, dans les publicités télévisées où un personnage admiré répète indéfiniment des mots clés pour inciter certaines personnes à se hâter d’acheter un produit donné. L’orateur charismatique se sert habituellement de la répétition de certaines phrases selon un crescendo. Le puissant discours de Martin Luther King, dans lequel il répétait : « Je fais un rêve… » a sans doute créé un état, au minimum hypnoïde, chez beaucoup des personnes qui l’écoutaient. L’hypnose véritable, toutefois, suppose la transe. Le sujet devient docile parce qu’il a été persuadé de réduire considérablement son activité cérébrale organisée. Les apports des cinq sens sont également sérieusement limités. La conscience est étroitement centrée sur la voix de l’hypnotiseur. Dans une large mesure, le moi du sujet tombe sous le contrôle de l’hypnotiseur. Une personne prédisposée à l’hypnose éprouve, sous hypnose, un fort désir de plaire à l’hypnotiseur.
Erich Fromm, qui est spécialiste du comportement à l’université de Chicago, estime que 10% d’entre nous sommes fortement hypnotisables, 10% fort peu susceptibles de l’être, le reste se situant dans une zone intermédiaire.
Il n’est absolument pas nécessaire que les personnes réceptives à l’hypnose aient le cerveau faible. Ce serait plutôt le contraire Elles ont de grandes capacités d’imagination. Ernest Hilgard, psychologue à l’université de Stanford, cite des données réunies par Josephine Hilgard et qui indiquent que les personnes facilement hypnotisables ont souvent eu, étant enfants, des camarades de jeu imaginaires. Pour déterminer de manière relativement sûre si quelqu’un est aisément hypnotisable, il faut observer dans quelle direction il tourne les yeux lorsqu’on lui pose une question qui exige de la réflexion. Un sujet suggestible les tourne habituellement vers la gauche. Faites le test sur vous-mêmes. Nous retrouvons ici les deux hémisphères cérébraux opposés et la question de savoir lequel est dominant. Une personne ayant une grande aptitude à l’hypnose a suffisamment d’imagination pour accepter des instructions non conventionnelles.
Les bons candidats à l’hypnose ont également tendance à avoir un nombre d’ondes alpha (relativement lentes) supérieur à la moyenne lorsqu’ils sont éveillés. Selon Herbert Spiegel, psychiatre, les meilleurs sujets sont prédisposés à croire et à avoir confiance. Ils peuvent mettre en veilleuse leur sens critique. Ils sont d’un caractère docile et particulièrement doués pour la concentration. Ils font facilement tourner leurs yeux en direction du sommet de leur tête en refermant progressivement les paupières. Différentes techniques sont utilisées. Certains hypnotiseurs comptent lentement en affirmant au sujet qu’il se sent de plus en plus détendu. D’autres, principalement les prestidigitateurs, regardent droit dans les yeux. D’autres encore demandent au sujet de se concentrer sur une lumière située au-dessus du niveau des yeux, ce qui diminue le temps au bout duquel les yeux commencent à paraître lourds et à se fermer. D’autres enfin se servent de la respiration profonde. Aucune de ces techniques, toutefois, n’est nécessaire.
Qu’est-ce qu’il se passe dans l’hypnose ?
De nombreux psychologues estiment que l’hypnose fait appel à un type spécial d’influence sociale et entre dans la même rubrique que le lavage de cerveau. Ils expliquent les réactions en termes de rôle social. Le sujet est désireux de faire ce qu’on lui dit et c’est ce désir qui lui permet d’ignorer la douleur.
Il y a quelques années, Martin Orne, professeur de psychiatrie à l’université de Pennsylvanie et hypnotiseur lui-même, démontra que le rôle social est effectivement une composante de l’hypnose. Il divisa une classe en deux groupes et proposa de faire une démonstration d’hypnotisme. À l’un des deux groupes il expliqua que lorsqu’une personne est véritablement sous hypnose, sa main principale se paralyse. À l’autre groupe, on fournit les mêmes explications sur l’hypnose, mais il ne fut pas fait mention de la paralysie de la main. Chaque élève fut alors hypnotisé par un hypnotiseur étranger à l’expérience et qui ignorait auquel des deux groupes appartenait chacun des élèves. Le résultat fut clair. Tous les élèves auxquels il avait été parlé de paralysie eurent effectivement la main principale paralysée, ce qui n’arriva à aucun des autres.
Les études de Hilgard à Stanford l’ont convaincu toutefois qu’un autre élément que la tenue d’un rôle entrait dans l’hypnose. En vue de déterminer leur niveau de résistance normal à Ia douleur, il demanda à 20 sujets de plonger le bras jusqu’au coude dans de l’eau glacée, il les divisa ensuite en deux groupes. Aux membres du premier groupe il déclara, après les avoir hypnotisés, que la prochaine fois ils ne ressentiraient pas la douleur. La même chose fut dite à l’autre groupe qui n’avait pas été hypnotisé. De fait la suggestion simple éleva le seuil de résistance à la douleur, mais pas à moitié autant que l’hypnose. Hilgard conclut : « Il existe des preuves écrasantes qui montrent que la suggestion hypnotique atténue véritablement la douleur chez certaines personnes. Celles-ci ne se bornent pas à éviter d’en parler simplement pour faire plaisir à l’hypnotiseur. »
Des études ont été menées pour permettre aux astronautes de se tirer d’affaire et de continuer à être actifs dans des cas de chaleur ou de froid extrêmes. Des étudiants furent hypnotisés, puis placés dans des boxes surchauffés. Après quoi, on leur dit de s’employer activement à l’accomplissement d’une tâche donnée. Ils apprirent ainsi à rester en activité une heure durant par des températures de 60°.
En se penchant sur cette étude, le psychologue Perry London trouva significatif le fait que, dans ce cas de résistance aux températures extrêmes, tout ne se passe pas seulement dans la tête. Les résultats semblaient indiquer que l’hypnose affecte les fonctions corporelles. En l’occurrence, elle contribuait à diminuer les effets débilitants des températures glaciales sur les battements du cœur et à éviter les tremblements.
Dans une étude sur la résistance à la douleur, financée par les Instituts nationaux pour la santé, l’hypnose surclassa le valium et l’aspirine et fit légèrement mieux que la morphine et l’acupuncture. L’hypnose est fréquemment utilisée pour atténuer les douleurs de l’enfantement. Dans un petit nombre de cas, elle a permis de pratiquer des césariennes sans recourir à l’anesthésie.
Prenons un autre cas : comment expliquez-vous que des personnes sous hypnose disposent d’une force très supérieure à leur force habituelle ? Cela a été démontré des centaines de fois par des expériences au cours desquelles il fallait soulever un poids ou bien rendre le corps rigide. Il m’est arrivé, une fois, d’être hypnotisé et allongé sur trois chaises. On me dit que je devenais rigide comme une planche. La chaise du milieu fut ôtée. Je demeurai rigide. On invita des gens à s’asseoir ou à sauter sur moi dans la région médiane de mon corps. Je restai toujours aussi rigide. J’ai souvenir d’un sentiment de satisfaction de moi : c’est là assurément une impression inhabituelle dans mon cas, en temps ordinaire…
La suggestion post-hypnotique
Une autre dimension de l’hypnose, dangereuse potentiellement, concerne la capacité qu’a un hypnotiseur expert d’’influer sur les actes d’une personne après que la transe hypnotique a pris fin. Dans la pratique, la suggestion post-hypnotique est utilisée principalement par les thérapeutes pour faciliter au sujet la réalisation de ce qu’il a déjà envie de faire. Par exemple, rester calme à l’occasion d’un oral inquiétant, s’offrir une bonne nuit de sommeil, etc. L’injonction donnée durant la transe fait office de renforcement et produit un réflexe conditionné au futur. Certains de ces renforcements, paraît-il, ont duré des mois. Mais chez les sujets moyens l’effet du renforcement se dissipe en quelques jours.
La régression vers l’enfance
Les personnes très suggestibles se remémorent infiniment mieux leur prime enfance lorsqu’elles sont sous hypnose que dans leur état normal. Elles sont davantage capables de se rappeler le nom de leur premier maître d’école. Souvent, elles sont capables d’ajouter de nouveaux détails au récit d’événements traumatisants et refoulés. Sur un signal donné, certaines personnes profondément hypnotisées semblent pouvoir régresser jusqu’à se comporter et parler comme un enfant de cinq ans. Chez les sujets extrêmement suggestibles, il peut s’agir d’une régression véritable. Pour ce qui est toutefois des sujets normaux, des tests réalisés sur des personnes dont on avait par ailleurs étudié le passé de manière indépendante, amènent à se poser certaines questions. Dans ces tests, les sujets hypnotisés agissaient avec enthousiasme comme des enfants de cinq ans et racontaient en babillant des détails qui n’avaient jamais existé, Un sujet d’origine allemande revécut ainsi en anglais la scène de l’anniversaire de ses six ans quoiqu’il n’eût appris cette langue qu’à l’époque de son adolescence.
L’hypnose à distance
Il n’est pas nécessaire que l’hypnotiseur se trouve dans la même pièce que le sujet. En fait, il peut être à des kilomètres de là.
Un des instruments de l’hypnotisme à distance est la télévision. C’est ce qu’a démontré le psychiatre Herbert Spiegel, dans une expérience réalisée à Columbia. Une personne connue pour être hypnotisable était assise dans une chaise-longue face à un poste de télévision. Spiegel, fui, était assis, quatre étages plus bas, devant une caméra de télévision en circuit ferme. Il parla au sujet comme si tous deux se trouvaient dans la même pièce et réussit à le mettre en transe. Puis il ajouta qu’il allait sortir de son état hypnotique mais que ses mains resteraient jointes jusqu’à ce que lui, Spiegel, lui donne une petite tape sur la tête. Après avoir attendu un instant l’ascenseur, Spiegel pénétra dans la pièce occupée par le sujet et le trouva dans son état normal, mais ses mains étaient solidement jointes. Spiegel lui tapa légèrement sur la tête et les mains se séparèrent.
Spiegel estime que l’hypnose télévisée pourrait recevoir toute une série d’utilisations. Elle pourrait servir dans la thérapie de groupe et l’éducation de masse (il semble que l’apprentissage simple, par cœur, soit facilité par la relaxation mentale qui accompagne l’hypnose). Mais Spiegel lance en même temps un avertissement : pour lui, cette technique est susceptible d’avoir des conséquences dangereuses si elle est mise en œuvre, d’une manière ou d’une autre, dans des émissions publiques. Il plaide en faveur d’un contrôle strict. Cet avertissement est bienvenu. Il y a quelques années, à la radio anglaise, un hypnotiseur a hypnotisé par mégarde une partie de ses auditeurs. Après les réactions de fureur qui y firent suite, toute démonstration hypnotique fut interdite à la radio et à la télévision britanniques. Aux États-Unis, l’Association nationale des diffuseurs de radio et de télévision (qui représente la majorité des diffuseurs) a émis la même interdiction. Mais le danger demeure d’une utilisation incontrôlée.
L’hypnose déguisée
Il est dit fréquemment que personne ne peut être hypnotisé contre son gré. D’un point de vue technique, c’est vrai. Mais un individu, ou un groupe d’individus, peuvent être hypnotisés sans en avoir conscience. Un manuel d’hypnose, destiné aux enquêteurs des affaires criminelles, comporte un chapitre intitulé : « Une technique indirecte (déguisée) pour produire l’hypnose . » Dans nombre de situations où l’hypnose semble indiquée mais où le sujet est nerveux et pourrait refuser, on se sert d’un euphémisme. Certains docteurs et dentistes disent à leurs patients qu’ils vont recourir à la « sédation », ou à la « psychoanalgésie », ou à la « narcosynthèse », ou encore à la relaxation contrôlée. C’est ainsi qu’est obtenu le « consentement » du patient.
Ce qui est employé, en vérité, c’est la forme d’hypnose connue sous le nom de « relaxation progressive ». Harry Arons explique comment procéder. On prend soin de ne pas prononcer les mots « hypnose », « sommeil » ou « assoupissement » (la plupart des gens supposant, à tort, que l’hypnose implique le sommeil). La conversation porte sur les prodiges que quelques minutes de relaxation totale sont susceptibles d’accomplir pour aider à faire face aux difficultés de la vie. Ou bien le médecin met l’accent sur importance de la relaxation pour la bonne marche de l’intervention qu’il va pratiquer. On demande au patient si cela l’intéresserait d’essayer. Généralement il répond par l’affirmative. Le médecin (ou un aide qualifié) suggère alors qu’il se mette dans une position confortable, ferme les yeux et s’assure que sa mâchoire est détendue. Puis il est convié à une exploration verbale de son corps, du cuir chevelu à l’extrémité des orteils. Est-ce que chaque parcelle de son corps est bien détendue ? À la fin de l’excursion le sujet est « complètement immobile ». Le praticien entreprend alors d’approfondir la transe. On affirme au patient qu’il est tellement détendu qu’il ne pourrait pas ouvrir les yeux, même s’il le désirait. Ce qui se passe ensuite dépend de l’objectif poursuivi. Pour réveiller le sujet, explique Arons, il suffit de lui dire que vous allez compter jusqu’à cinq (ou tout autre signal) et qu’à ce moment-là il ouvrira les yeux et sortira de l’état de relaxation progressive. Votre patient ne soupçonnera pas un instant qu’il s’est trouvé en état d’hypnose. (…)
Les utilisations médicales et comportementales de l’hypnose
En dépit des prodiges accomplis par la médecine moderne, 6 000 Américains environ meurent chaque année des suites des anesthésies généralisées pratiquées durant les opérations. Le fait que l’hypnose permet une forme d’anesthésie plus douce a suscité un grand intérêt dans les milieux médicaux. Il faut noter en passant qu’il existe des preuves déconcertantes qui montrent qu’au moins certains patients anesthésiés avec des produits médicamenteux, entendent inconsciemment les conversations tenues autour de la table d’opération, surtout si les propos sont inquiétants pour eux. À la suite d’interventions chirurgicales un certain nombre d’opérés se sont sentis agités et, sous hypnose, ont répété avec précision ce qu’ils avaient entendu.
Les médecins ont expérimenté l’hypnose, à titre de complément des drogues, pour rendre supportable la douleur des cancers ou de l’arthrite. On enseigne l’auto-hypnose aux malades pour les aider à traverser les périodes difficiles. L’argument le plus puissant en faveur de l’utilisation de l’hypnose est peut-être son efficacité dans l’accouchement. (…)
En 1973, on a pu lire le compte rendu d’une utilisation spectaculaire de l’hypnose pour aider à l’extraction des dents de 49 patients hémophiles (Le saignement peut être dangereux chez les hémophiles.) On hypnotisa chacun des patients et on lui dit qu’il avait des cubes de glace dans la bouche. Pouvait-il les sentir? — Oui. Puis on lui affirma que, lorsqu’il se réveillerait à la fin de l’opération, il éprouverait une sensation de froid aux gencives mais qu’il ne saignerait pas ou peu. Et de fait, ils « saignèrent peu ou pas du tout ». Dans aucun des cas il ne fut nécessaire de recourir à l’hospitalisation et à des transfusions sanguines massives, comme cela l’aurait été dans les conditions. ordinaires.
Les thérapeutes du comportement sont encore partagés relativement à l’emploi de l’hypnose sur des personnes perturbées émotionnellement. Certains estiment qu’elle aide à détendre les malades et à renforcer les changements de comportement suggérés. Deux psychologues, auteurs d’un Handbook of Hypnooperant Therapy, citent de nombreux cas dans lesquels l’hypnose semble avoir été bénéfique. Ils indiquent toutefois qu’elle est souvent contre-indiquée et ils recommandent de ne pas s’en servir avec les psychotiques, les homosexuels ou les personnes dont la frigidité résulte d’une mauvaise entente conjugale.
Les utilisations policières, judiciaires et militaires de l’hypnose
En parlant des célèbres procès de Moscou des années trente, l’écrivain Alexandre Soljenitsyne affirme : « On sait de manière sûre que, dans les années trente une école d’hypnotiseurs existait au sein du N.K.V.D. (police secrète russe). »
Aux États-Unis, actuellement, la police se sert de l’hypnose, mais avec précaution et uniquement sur les suspects n°1 des affaires criminelles. La défense pourrait en effet se saisir de la chose lors du procès et en tirer argument. Par ailleurs, si les suspects savent que l’on va pratiquer l’hypnose sur eux, ils résistent le plus souvent, à moins qu’on ne les ait amenés à accepter l’idée de la nécessité d’une « relaxation progressive ».
Au cours de ces dernières années, les services de police ont témoigné d’un intérêt considérable pour l’hypnose considérée comme un outil d’investigation. Elle est utilisée pour aider les témoins, les victimes ou les policiers, à se rappeler avec précision ce qui s’est passé.
Un des principaux formateurs des policiers à l’hypnose est Harry Arons, dont on a déjà parlé. Pendant plusieurs années, il a donné deux séries de cours annuels à des inspecteurs du New Jersey. Lors de ses déplacements, il animait des séminaires réguliers à l’usage des médecins, psychologues et hypnotechniciens, et formait de petits groupes de représentants de la loi dans de nombreuses villes. À ses cours assistaient des commissaires de police, des shérifs, des inspecteurs, des procureurs et plusieurs dizaines d’avocats. À la fin de l’année 1974, le New York Times raconta que l’hypnose avait été essayée sur un policier de Lakewood, New Jersey. Celui-ci avait vu le numéro minéralogique d’une voiture qui avait pris la fuite après avoir provoqué un accident, mais il ne parvenait pas à s’en souvenir. Sous hypnose il réussit à se rappeler quatre des six chiffres, ce qui, ajouté à d’autres informations déjà connues par la police, fut suffisant.
C’est l’hypnose, apparemment, qui joua un rôle déterminant dans l’arrestation de trois suspects d’un kidnapping célèbre, celui des enfants qui se trouvaient dans un bus de ramassage scolaire en Californie, en 1975. On raconta que le chauffeur du bus parvint à se rappeler, sous hypnose, la plupart des chiffres de la plaque minéralogique du camion qui avait servi au kidnapping.
Certains suspects ont préféré avouer plutôt que d’être soumis à l’hypnose. D’autres, qui s’étaient portés volontaires pour l’hypnose, ont été relâchés. Il est possible de mentir sous hypnose mais on peut se trahir en répondant trop lentement. L’hypnose permet un rythme de réponse élevé. Si un sujet n’hésite jamais pour répondre, la police peut émettre l’hypothèse qu’il est innocent. Lorsqu’un hypnotiseur est introduit pour bavarder avec un suspect, il se présente rarement comme tel. On parle de lui comme d’un « docteur », ou d’un expert en mémoire, d’un investigateur psychique ou d’un spécialiste de la relaxation. Les témoignages ou les preuves recueillis grâce à l’hypnose ne sont pas recevables devant les tribunaux. Mais les espions ou les prisonniers de guerre ne sont pas protégés par les mêmes dispositions légales. Certains ont livré des informations utiles après avoir été placés, sans s’en apercevoir, dans un état de transe hypnotique. Les experts militaires s’intéressent depuis longtemps à la possibilité d’obtenir, par le biais d’une forme d’hypnose ou une autre, des guerriers d’une force et d’une résistance exceptionnelles. L’armée américaine a expérimenté avec succès les « messagers hypnotiques ». Le psychologue G. H. Eastabrooks a révélé qu’il s’est occupé de la formation de nombreux messagers de ce type durant la Deuxième Guerre mondiale.
Les messages chiffrés peuvent être déchiffrés. Les messagers capturés peuvent parler sous la torture. Mais un messager hypnotisé est virtuellement d’une sécurité à toute épreuve. La manière typique de procéder consistait à annoncer à un messager hypnotisable qu’on allait l’envoyer chercher des informations et qu’il s’agissait d’une mission de routine. Eastabrooks l’hypnotisait alors et lui disait que seules deux personnes au monde étaient capables de l’hypnotiser : Eastabrooks lui-même et l’homme à qui le messager devait, sans le savoir, transmettre l’information véritable. Appelons cet homme, par exemple, le colonel Brown. Tous deux, Eastabrooks et le colonel Brown, devaient utiliser la même phrase-signal : « La lune est claire », pour déverrouiller l’esprit du messager et pour le rendre hypnotisable à nouveau. Après quoi, Eastabrooks communiquait verbalement l’information secrète au messager. Celle-ci était effacée de la mémoire du messager par la suggestion post-hypnotique. Après avoir contacté le colonel Brown, en Orient ou ailleurs, le messager demandait le message qu’il supposait être venu chercher. Le colonel Brown le lui donnait puis l’hypnotisait après avoir dit « La lune est claire ». Une fois hypnotisé, le messager révélait l’information secrète et recevait la réponse secrète dont la suggestion post-hypnotique lui était tout souvenir. Après quoi on le renvoyait chez lui.
Pendant au moins vingt ans, la C.I.A. a testé et utilisé de nombreux modes de contrôle du comportement. L’hypnose, manifestement, en faisait partie, en combinaison parfois avec des drogues. Le livre de Donald Bain, « The Control of Candy Jones » retrace la manière, dont, théoriquement, la C.I.A. aurait allié drogues et hypnose. Herbert Spiegel a écrit une préface favorable à ce livre. La belle Candy Jones, un ancien mannequin qui est actuellement une célébrité de la radio, semble avoir été utilisée, sans le savoir, comme messager de la C.I.A. dans divers pays et durant de nombreuses années. Spiegel la classe au rang des personnes exceptionnellement hypnotisables, à tel point qu’elle entre en transe hypnotique, sans s’en apercevoir, sur un simple signal, comme le clignotement d’une lumière. Et ses transes peuvent être intenses au point de provoquer l’amnésie. (…)
Les utilisations sportives de l’hypnose
Le psychologue Perry London, de l’University of Southern California, raconte qu’il existe des cas authentifiés de sportifs qui ont été hypnotisés avant des épreuves importantes. L’objectif était d’obtenir de meilleurs résultats et il semble qu’il ait été atteint. Une communication présentée au 14e congrès annuel de « l’Association to Advance Ethical Hypnosis » à La Nouvelle-Orléans, mentionnait l’efficacité de l’hypnose pour améliorer les résultats sportifs. Elle affirmait qu’elle permet d’accroitre la concentration, la coordination et la motivation. Arons soutient qu’elle peut être utilisée de manière bénéfique dans tous les sports. Il rejette la thèse de certains psychiatres selon laquelle existerait un risque de dépassement de certaines limites. Selon Arons nous avons tous des « soupapes de sécurité » profondément ancrées et qui nous empêchent d’aller trop loin. Cela mérite au moins discussion.
Pour l’instant, l’hypnose est encore loin de constituer une science. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un domaine fascinant et certainement riche en possibilités. Son utilisation médicale par des personnes qualifiées semble constituer un progrès réel, à condition que les choses soient clairement expliquées et que l’autorisation soit demandée au patient. À l’inverse, il conviendrait d’interdire son emploi, explicite ou déguisé, sur les suspects des affaires criminelles. La suggestion post-hypnotique devrait être étroitement limitée à la suggestion et ne pas laisser le sujet sous contrôle de l’hypnotiseur. Toute émission de radio ou de télévision susceptible de produire un effet hypnotique devrait être bannie des ondes publiques. Et, en ce qui concerne la télévision en circuit fermé, l’hypnose ne devrait y être autorisée qu’à la suite d’explications et d’avertissements détaillés.
Un article publié sur le site d’Arthur Sapaudia.
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