Société

Dégénérescence de l’occident : Le phénomène des quadrobers

La Douma, la chambre basse de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, travaille actuellement sur un projet de loi visant à encadrer le quadrobing. Chez les Russes, il est associé à la communauté LGBTQ+, coupable selon eux de vouloir pervertir la jeunesse, et est perçu comme un symptôme (de plus) de dégénérescence occidentale. En tant que premier vice-président de la commission de la culture, Denis Maydanov estime que le quadrobing n’est « pas utile pour les enfants et la société ». Mais qui sont les quadrobers et d’où vient ce phénomène ?

mise à jour le 29/10/24

Pour Sergueï Mikheev, philosophe orthodoxe, le quadroping est une pratique « directement liée à la propagande de diverses perversions dans la société occidentale moderne ».

Le quadrobing est apparu récemment chez les jeunes un peu partout dans le monde et de façon relativement simultanée, via les réseaux sociaux. Il s’agit d’adopter le comportement d’un animal – le plus souvent un chien ou un chat. Il ne doit pas être confondu avec le mouvement furry ni avec celui de la thérianthropie, aux côtés desquels émerge cette nouvelle tendance.

Aucun chiffre ne peut être donné à l’heure actuelle concernant les quadrobers, car le phénomène est assez nouveau, même s’il gagne en ampleur aux États-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France, mais également en Ukraine et en Russie. Il se limite actuellement à des petits groupes, voire à des cas isolés, mais est très présent sur les réseaux sociaux. On sait que les furies atteignent environ 1,5 million de personnes dans le monde (il existe d’ailleurs des conventions et des réunions de furies, comme Anthrocon ou Eurofurence). Ils regroupent des gens qui aiment des animaux ayant des caractéristiques humaines et une fourrure, comme ceux que l’on retrouve dans les dessins animés. Généralement, ils se déguisent pour ressembler le plus possible à leur fantasme.

La thérianthropie, quant à elle, tire sa source dans des croyances ancestrales et mythiques. Elle est apparue comme sous-culture dans les années 90 et rassemble encore aujourd’hui des personnes, les thérians, qui s’identifient à des animaux (complets ou hybrides, imaginaires ou réels) ou qui entretiennent une relation spirituelle spéciale avec eux. Notez qu’il est possible d’être furry et thérian à la fois.

Ainsi, on peut voir de jeunes adultes affublés de masques et de postiches (vibrisses, queue, oreilles poilues) déambuler à quatre pattes dans les rues. Dans les cas extrêmes, des individus se considèrent comme un animal de compagnie, dépendant d’un « maître » (peut-être existe-t-il un mot pour cette catégorie) qui prend soin de lui, le nourrit, le caresse, le promène en laisse…
Ces phénomènes rencontrent un certain succès dans le monde occidental. C’est pourtant au Japon que le quadrobing a été créé. Tout a commencé quand Kenicho Ito s’est mis à courir à quatre pattes. Raillé et moqué dans son enfance en raison d’une apparence inhabituelle, il aurait été comparé assez souvent à un singe. Il se serait donc intéressé à l’animal en question, allant jusqu’à l’étudier afin d’en reproduire le comportement.

L’analyse de ses mouvements l’a conduit à élaborer une nouvelle technique sportive grâce à laquelle, en 2015, il a atteint un record mondial de vitesse en parcourant un 100 mètres en 15,71 secondes. Cette performance lui a valu d’entrer dans le Livre Guinness des records. Ce nouveau type d’entraînement, appelé désormais l’« animal flow », a été repris par des entraîneurs américains. C’est ainsi qu’a commencé à se développer la technique du « quad » (pour « quadricycle »).

Le quadrobing découle directement de cette tendance et constitue à présent une sous-culture, certes minoritaire, mais à part entière et de plus en plus populaire. Plus qu’un jeu, les quadrobers poussent l’imitation jusqu’à se déguiser, se travestir pour ressembler à… de grosses peluches. En cela, il se rapproche de la catégorie des furries et des thérians, qui reproduisent également le comportement de l’animal auquel ils s’identifient, ce qui inclut, pour les plus appliqués, l’alimentation ou encore l’imitation des sons émis par l’animal incarné (feulements, aboiements, miaulements…).

Comme de nombreux phénomènes étranges qui touchent et influencent d’abord les jeunes, le quadrobing s’est donc popularisé via les réseaux sociaux, première source d’information et premier vecteur d’influence idéologique de la jeunesse. À cet égard, nous n’insisterons jamais assez : éloignez vos enfants des écrans ! Des vidéos dans lesquelles des quadrobers se mettent en scène et décrivent l’état d’esprit et la pratique du quadrobing rencontrent un succès grandissant tant en nombre de vues qu’en nombre de pays touchés. Elles font bien évidemment aussi débat, soulevant des questions et des inquiétudes, notamment sur les répercussions physiques et psychiques.

La question est de savoir si nous devons considérer le quadrobing comme un simple passe-temps ou comme le signe d’une problématique identitaire et, plus importante à terme, de santé. Finira-t-il par dépasser le simple cadre sportif ?

On peut comprendre que ces sous-cultures soient relativement inquiétantes si l’on porte notre attention sur la construction psychique et le bien-être des enfants. Censés tenir, marcher et courir sur leurs deux jambes, peut-on craindre des problèmes de développement physique des corps en pleine croissance ? Peut-on imaginer que cette imitation poussée à son paroxysme puisse générer des troubles d’identification ?

On peut percevoir chez les quadrobers la volonté, ou le besoin, de se soustraire à la réalité. Est-ce devenu si difficile de s’identifier en tant qu’être humain et d’incarner sa réalité biologique ? Pourquoi certains enfants n’aspirent-ils plus à devenir des hommes, des femmes capables d’accomplir de grandes choses, comme autrefois (enfin, comme hier, en fait) ? Finalement, le danger ne réside-t-il pas dans l’adoption de cette pratique comme un mode de vie à part entière ?

Si l’accueil du quadrobing en Occident, véritable vivier de sous-cultures en tout genre, est le même que celui réservé aux furies et aux thérians (et autres multiples sous-groupes, il en apparaît régulièrement de nouveaux), c’est-à-dire avec bienveillance (et amusement), il rencontre quelques résistances dans les pays plus conservateurs et pour le moins méfiants face à ce type de tendance, comme c’est le cas en Russie.

Pour Sergueï Mikheev, philosophe orthodoxe, le quadroping est une pratique « directement liée à la propagande de diverses perversions dans la société occidentale moderne ». Il pousse encore plus loin quand il affirme que « c’est de la merde sadomasochiste », tandis que Yana Lantratova parle d’une « idéologie destructrice », pressentant une volonté de pervertir les enfants. Au milieu d’autres propos russes assimilés à de l’homophobie, les mots de Nikita Mikhalkov sur Russie 24 : « Saviez-vous que, parmi les quadrobers, il y a dix fois plus de personnes qui s’identifient comme LGBT ? », faisant allusion sans aucune subtilité à la mouvance du rejet presque constant des lois naturelles.

En y regardant de plus près, il existe toute une catégorie d’individus, peu importe le sous-groupe, qui s’identifient peu à peu à des animaux (ou des arbres, et certainement d’autres choses encore), en s’appropriant une nouvelle identité, en adoptant des caractéristiques parfois incompatibles avec ce qu’ils sont physiologiquement et biologiquement. S’agit-il d’incarner, par un effet de miroir, l’image que l’on pense voir dans le regard des autres ? Avons-nous affaire à une forme d’auto humiliation à caractère masochiste ? Ou à une simple fuite du réel perçu comme anxiogène ? Tout cela à la fois ? Difficile de se prononcer sans pousser plus loin l’analyse qui, à n’en pas douter, ne saurait tarder.

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