L’action se situe en 1983. Deux ans après avoir commis 5 meurtres, « Joker », de son vrai nom Arthur Fleck, est interné dans l’asile psychiatrique d’Arkham, dans l’attente de son procès. Il y rencontre une femme, Lee Quinzel, fascinée par le personnage du Joker au point qu’elle s’est fait interner pour pouvoir le rencontrer. Tiraillé entre son amour pour cette femme et son alter ego Joker, Arthur Fleck va tout faire pour gagner son procès et vivre heureux avec Lee.
C’était un pari risqué de réaliser ce deuxième opus après le premier qui avait dépassé le milliard d’entrées au box-office mondial ; le film avait d’ailleurs connu un succès époustouflant en France, avec plus de 5 millions d’entrées. Rien d’étonnant me direz-vous, étant donné que le personnage du Joker captive autant qu’il effraie. Toutefois, avec « Joker : Folie à deux », la némésis de Batman ne réussit pas à convaincre à nouveau les spectateurs.
Un thriller, une comédie musicale, un film comique : trop de mélanges des genres tue le genre
Difficile de définir véritablement le genre auquel appartient « Joker : Folie à deux » car il n’y a pas vraiment de cohérence formelle dans ce long métrage. Au commencement du film, on entend la célèbre musique du générique de Bugs Bunny et des Looney Tunes qui m’a immédiatement fait retomber en enfance ! Toutefois, l’on comprend vite que ce film n’est en rien un cartoon enfantin puisque l’ombre du Joker, qui enferme le vrai Joker dans une commode, embrasse de force une femme, tue des vigiles qui lui barrent le chemin pour finalement se faire tabasser par des policiers.
Ensuite, le film transporte le spectateur dans « le monde réel » de Gotham City et l’on retrouve Arthur Fleck en détention dans l’asile d’Arkham. Ce dernier est obligé de prendre des médicaments et se fait malmener par les gardes en attendant son procès. Toutefois, le film va prendre une tournure musicale à partir du moment où Fleck rencontre Lee Quinzel, incarnée par la célèbre et excentrique chanteuse rock Lady Gaga ; la rencontre se déroule dans un atelier de musicothérapie organisé pour les détenus. La suite du film sera donc ponctuée de plusieurs scènes qui semblent sorties d’une comédie musicale, dans lesquelles Lee chante en duo avec Arthur qui se confond de plus en plus avec le Joker. Commence donc une histoire d’amour passionnée entre les deux détenus.
En tout, plus de 10 passages de type comédie musicale ponctuent le film mais l’on ne comprend pas la pertinence d’autant de scènes musicales qui, à mesure que le film avance, déconcertent et brouillent le spectateur plus qu’autre chose. J’ai personnellement eu l’impression que le réalisateur n’était pas parvenu à vraiment choisir quel genre donner à son film et qu’il avait par conséquent cherché à construire un patchwork, un mélange de scènes de genres différents : psychologique, tragique, comique, musical, etc. La profusion de scènes musicales s’explique aussi par la présence de Lady Gaga qui d’ailleurs chante extrêmement bien, en duo avec Joaquin Phoenix. Néanmoins, le fait que l’on n’arrive pas à déterminer le genre et le message du film explique peut-être en partie son échec au box-office (seulement 602 000 spectateurs la première semaine).
Arthur Fleck plus vraiment Joker et Lee Quinzel pas vraiment Harley Queen
Un autre problème pour moi est le fait que le film n’a plus grand-chose à voir avec l’univers DC et que les deux protagonistes ne sont pas vraiment ceux qu’ils prétendent être. En effet, dans le premier opus, on sentait vraiment le basculement d’Arthur Fleck en psychopathe meurtrier qui se complaît dans le chaos et le meurtre, notamment au moment où il abat à bout portant Murray Franklin, le présentateur vedette, en direct dans son talk-show. Cependant, dans ce deuxième opus, l’on comprend plutôt que Fleck ne deviendra pas l’ennemi juré de Batman (qui n’apparaît pas une seule fois dans le film).
Tout d’abord, Arthur Fleck est brutalisé par les gardes mais il ne réagit pas et se laisse martyriser par eux, ce qui tranche vraiment avec le personnage traditionnel du Joker, qui est fier et orgueilleux. Par ailleurs, on sent toujours la part d’humanité poindre chez Arthur et d’ailleurs il prendra complètement ses distances avec le personnage du Joker vers la fin du film. En outre, on découvre un Joker transi d’amour pour Lee Quinzel ; il est véritablement obsédé par elle, au point qu’il insiste auprès de son avocate pour qu’elle soit assise au premier rang lors de son procès. Cet amour béat pour Lee est totalement inenvisageable de la part du méchant Joker qui ne se sert d’Harley Queen que pour parvenir à ses fins et tuer Batman, ou pour des relations purement sexuelles, mais qui n’hésite pas à la jeter quand il n’a plus besoin d’elle. En définitive, ce film aura réussi à faire ce que Batman a toujours échoué à réaliser : rendre le Joker pathétique.
Par ailleurs, lors de sa première apparition en 1992 dans la série animée « Batman », Harley Queen s’appelle en réalité Harleen Quinzel et non pas Lee Quinzel. De plus, elle est censée travailler comme psychiatre, ce qui tranche avec le personnage incarné par Lady Gaga qui, comme on l’a vu, choisit de se faire interner pour rencontrer celui qu’elle pense être le Joker.
Des scènes aux paysages magnifiques dans un film qui banalise le mal
Ce qui sauve le film, ce sont tout de même quelques scènes magnifiques, notamment lorsque l’on a des plans larges du pont sur lequel roule la voiture de police amenant Arthur Fleck au tribunal, ou encore lorsque l’on voit la foule se pressant pour soutenir le prétendu Joker. J’aime également beaucoup la scène où Arthur Fleck monte sur la table en chantant dans la cantine de l’asile et que les autres prisonniers suivent son exemple et commencent à se déchaîner en chantant et en dansant. Néanmoins, l’absence de cohérence scénaristique nuit beaucoup au film : on observe surtout des allers-retours de l’asile d’Arkham au tribunal, sans aucune scène vraiment palpitante. Par ailleurs, je suis toujours assez mal à l’aise quand je vois des films qui cherchent à réhabiliter des meurtriers, à les rendre humains et poussent presque le spectateur à les plaindre. C’est notamment le cas lors de la scène au tribunal, quand Arthur Fleck décide contre toute attente de se grimer en Joker pendant le procès et d’assurer sa propre défense. Le meurtrier au cœur d’or abandonné par tous est présenté comme un héros dans un monde livré au chaos qui a perdu tout repère moral, toute notion de bien et de mal, un univers pas si différent du nôtre si l’on y réfléchit bien. Le sentiment de malaise que peut ressentir le spectateur atteint son apogée dans la scène finale du film qui se termine brutalement de manière particulièrement morbide.
En conclusion, je dirais que le premier film « Joker » se suffisait à lui-même et n’avait pas besoin d’une suite qui se trouve être un échec total au box-office. Seulement 602 000 spectateurs comme nous l’avons vu sur sa première semaine d’exploitation, bien loin des 1,6 millions de spectateurs pour la première semaine de « Joker », en octobre 2019. Il a reçu la note de 2,4 sur AlloCiné et chose très rare : le film a obtenu la note D sur CinemaScore, ce qui est une note extrêmement mauvaise, rarement attribuée. Néanmoins, si ma critique ne vous a pas fait renoncer à aller voir ce film et que vous êtes un(e) fan invétéré(e) de Lady Gaga, « Joker : Folie à deux » passe toujours au cinéma !
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