Bilan du CAC 40 : et la crise dans tout ça ?

mise à jour le 29/01/21

CAC40

Le bilan publié par l’observatoire des multinationales en novembre 2020, sur les activités des entreprises du CAC 40, est saisissant. Résumé de ce bilan que nous vous encourageons à lire.

L’évolution et la structure du CAC 40

La finance en quelques chiffres

Les données ci-dessus représentent les augmentations du CAC 40 entre 2000 et 2020. Inutile de le préciser, les entreprises du CAC 40 travaillent pour leurs bénéfices et pour celui de leurs actionnaires.

Pourtant elles sont présentées comme les symboles et les représentants de la nation tout entière. D’ailleurs elles bénéficient d’un soutien actif dans le cadre des plans de relance proposés par l’Etat. Mais lorsqu’on les regarde de plus près, ces prétendus fleurons de la nation ne sont pas vraiment français.

Pour prendre l’exemple le plus extrême, ST Microelectronics localise la majeure partie ses revenus aux Pays-Bas et à Singapour. Son chiffre d’affaires déclaré en France représente à peine plus de 1 % de son chiffre d’affaires global, alors qu’elle bénéficie d’aides publiques locales et nationales.

Plus globalement, selon l’Observatoire, le CAC 40 ne réalise qu’un tiers de son chiffre d’affaires en France en 2019.

« Au final, comme nous l’expliquions dans la première édition de ce “véritable bilan du CAC 40, c’est principalement à travers leurs dirigeants que les groupes de l’indice boursier parisien sont français. »

« Le CAC 40, ce sont donc des groupes qui restent très majoritairement dirigés par des Français, mais dont l’activité est largement internationalisée et qui tendent à réduire progressivement leurs effectifs en France. »

Des dirigeants alignés sur le marché financier

Les actionnaires tiennent complètement les patrons du CAC. Il y a quelques décennies, le patron d’une grande entreprise touchait son salaire fixe auquel s’ajoutait souvent une rémunération variable en fonction d’objectifs précis. Ce mode de rémunération garantissait, en théorie, l’alignement des intérêts du patron directement à celui de son entreprise et de ses salariés et évitait ainsi qu’il soit soumis aux pressions d’actionnaires trop gourmands.

Aujourd’hui, les sommes empochées collent étroitement à la rémunération des actionnaires, c’est-à-dire aux dividendes et aux rachats d’action. Depuis 2000, les versements aux actionnaires ont augmenté de 70 % et les rémunérations patronales de 60 %. A titre de comparaison les salariés, eux, n’ont vu leur salaire augmenter que de 20 %.

En 2000, les onze membres du comité exécutif de Carrefour touchaient au total 6,11 millions d’euros. En 2019, Alexandre Bompard, le P-DG, touchait à lui seul 7 millions d’euros. Désormais le « vrai » salaire d’un patron (sa rémunération fixe) ne représente plus que moins d’un quart de ses revenus (21 %).

Pour Dassault Systèmes et Kering, la rémunération en actions représente plus de 80 %. Cette proportion est de 74 % chez Sanofi et de 64 % à Teleperformance.

Généralement, il y a aussi un bonus caché à côté des rémunérations « officielles ». Comme les patrons du CAC sont presque tous également actionnaires de leur entreprise, cela signifie qu’eux-mêmes touchent aussi… des dividendes. L’alignement de leurs intérêts avec ceux des marchés financiers est alors total.

« Au titre de l’exercice 2019, un patron du CAC 40 va toucher en moyenne la bagatelle de 543 236 euros de dividendes – soit 30 Smic annuels – qui s’ajoutent aux 5,49 millions de sa rémunération officielle moyenne. »

La présence dans les paradis fiscaux

Pour continuer à faire grossir les bénéfices, les dividendes et les actions sans payer trop d’impôts, les entreprises ont recours à l’évasion ou l’optimisation fiscale.

Pour évaluer la proportion des filiales du CAC40 basées dans des paradis fiscaux, on peut se référer à trois listes distinctes.

– La première est la liste officielle (très restrictive) établie par le gouvernement français,

– La deuxième liste, établie en 2009 par le Tax Justice Network, largement utilisée par la société civile, comprend à la fois les paradis fiscaux classiques, les centres financiers et les pays comme les Pays-Bas ou l’Irlande, soit une soixantaine de juridictions,

– La troisième liste, également établie par le Tax Justice Network, ne comprend que les 15 pays les plus opaques du point de vue financier. Elle fait le choix d’inclure des nations entières : États-Unis, Allemagne et Royaume-Uni. On y trouve près de la moitié des filiales des grands groupes français à l’étranger.

L’influence par le lobbying

Par ailleurs, dans l’objectif d’obtenir des avantages précis en termes de régulation, d’approbation de projets ou de fiscalité, les entreprises exercent une activité de lobbying.
En chiffres cumulés, Airbus et Sanofi sont les champions avec 6 et 6,9 millions d’euros de dépenses déclarées en 2019, principalement en raison de leur forte présence à Washington.

L’influence par la politique

L’influence des grands groupes ne passe pas seulement par le lobbying au sens classique du terme. De manière plus discrète et probablement plus efficace, elle s’exerce également à travers les relations que tissent les dirigeants politiques et économiques au gré de leurs carrières ou dans les instances où ils se retrouvent. Cette situation devient courante, si bien que régulateurs et régulés se confondent de plus en plus.

Quelques exemples :

  • Édouard Philippe, passé du privé (Areva) au gouvernement, a réintégré le secteur privé, au conseil d’administration d’un groupe du CAC 40 : Atos. Groupe que le P-DG Thierry Breton, ancien ministre des Finances, avait quitté en 2019 pour prendre le poste de commissaire européen.

  • Emmanuel Macron, issu de l’Inspection générale des finances, est passé par la banque d’affaires Rothschild.

  • Muriel Pénicaud est venue de Danone et Élisabeth Borne de la firme Eiffage et de la RATP.

Toutes deux sont issues de la haute fonction publique. Sans parler des dizaines de secrétaires d’Etat, de députés et de conseillers ministériels issus des rangs d’Axa, de Total, de Veolia ou de Saint-Gobain.

« Sur les 56 P-DG, présidents de conseil d’administrations ou directeurs généraux (ou assimilés) du CAC 40 en 2019, 22 sont issus de la haute fonction publique. Ils sont 22 sur 49, soit 45%, si l’on excepte les dirigeants de nationalité étrangère. »

« Les dirigeants des grandes banques françaises et des lobbys chargés de défendre les intérêts du secteur financier sont dans leur grande majorité issus du ministère des Finances (en particulier de la direction du Trésor), de la Représentation de la France à Bruxelles et des organismes de régulation comme l’Autorité des marchés financiers. »

Une gestion de la crise du Covid en faveur des multinationales

Étant donné les relations intimes qu’entretient l’Etat avec les entreprises et les banques, il n’est pas étonnant de constater que les plans de relance et les décisions de l’Etat ont largement favorisé les entreprises du CAC 40.

« Toutes les firmes du CAC40 ont bénéficié de plusieurs formes d’aides au moins indirectes dans le cadre de la crise sanitaire. En plus du chômage partiel, des prêts garantis par l’État et des reports de charges, il y a aussi eu les plans de sauvetage et de relance sectoriels, les achats d’obligations par la Banque centrale européenne, les apports en capitaux pour protéger des entreprises stratégiques”, et la baisse de 20 milliards d’euros d’impôts de production. »

« Le gouvernement a beaucoup communiqué sur le fait que ces aides massives étaient assorties de “contrepartiesen matière de partage des richesses, de protection de l’emploi ou d’écologie. Le présent rapport montre que ces promesses n’ont pas été tenues. Malgré des appels à la modération”, de nombreuses firmes ont maintenu le versement de dividendes tout en bénéficiant d’aides indirectes, comme Total, Sanofi ou Danone. »

Rappelons l’ampleur des chiffres :

  • Près de 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (qui aident les banques avant tout),
  • Plan d’urgence de 110 milliards d’euros dont 7 milliards d’euros pour Air France et 5 milliards pour Renault, plan tourisme, plan automobile, plan aéronautique, relocalisation industrielle, baisses d’impôts,
  • 100 milliards pour le plan de relance, chômage partiel pour 31 milliards, reports ou annulations de charge sociales et fiscales (76 milliards)…

Ces aides profitent largement aux grands groupes et à leurs actionnaires, malgré d’importantes liquidités disponibles et les dividendes records versés ces dernières années.

« Au-delà des formes d’aides directes, il y en a beaucoup d’autres, indirectes ou très techniques, que les entreprises évitent d’évoquer. Les achats d’obligation par la BCE en sont un bon exemple (voir tableau ci-dessous). »

« Autour de tous ces soutiens publics règne une grande opacité à laquelle conspirent à la fois l’État et les entreprises, invoquant le secret fiscal ou le secret des affaires. La BCE a ainsi acheté (via la Banque de France) des obligations de plusieurs dizaines de groupes français. »

De ce fait certaines entreprises qui annoncent ne pas avoir bénéficié de l’aide de l’Etat, en réalité en reçoivent par d’autres biais.

« Soyez exemplaires : si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes. »

Ces annonces publiques de Bruno Lemaire ne sont que de fausses déclarations visant à endormir le peuple.

L’avantage des banques

Au nom de l’urgence, des lois et des réglementations sont adoptées sans débat public. Des choix importants sont faits sans transparence. Le tête-à-tête entre secteur public et secteur privé a été la règle. Le dispositif des prêts garantis par l’État a été conçu par Bercy et la Fédération bancaire française, lobby du secteur financier.

Les banques ont obtenu la suspension ou le relâchement de règles mises en place suite à la crise financière de 2008. La Banque centrale européenne leur a permis d’emprunter 1 300 milliards d’euros à taux négatif.

« Les banques prennent en charge les prêts garantis par l’État “à prix coûtant”, mais seulement dans un premier temps, et surtout elles sont autorisées à les revendre ou les titriser. »

« Les personnes en charge de réguler le secteur bancaire, comme le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau (ex-BNP Paribas), en appellent aujourd’hui ouvertement à davantage de fusions et de concentrations entre banques européennes pour faire face à la crise. Autrement dit, les régulateurs veulent des banques encore plus grosses, encore plus systémiques et encore plus “too big to fail”. »

Les réelles conséquences de la crise

Le trompe-l’œil du chômage partiel

Le gouvernement a retourné la situation. Le chômage partiel, alors qu’il est une aide publique aux entreprises, a très rapidement été présenté comme un « bouclier anti-licenciement » profitable aux salariés et visant à empêcher les plans sociaux.

« Résultat : l’État a couvert le chômage partiel de près de 12,9 millions de salariés d’entreprises privées alors que, dans le même temps, une partie d’entre elles ont versé de généreux dividendes. »

« L’un des patrons les plus influents de la place de Paris, Laurent Burelle, président de Plastic Omnium et de l’AFEP (Association française des entreprises privées, le lobby qui regroupe les plus grandes entreprises françaises) n’a pas hésité une seconde : 90 % de ses salariés ont été mis au chômage partiel, mais son entreprise a versé un généreux dividende de 73 millions d’euros, dont lui et son entourage sont les principaux bénéficiaires. »

Le chômage partiel n’est pas une aide apportée aux salariés, c’est une nationalisation sans précédant des salaires qui profite aux entreprises du CAC 40 car elles n’ont plus à payer une partie de leurs salariés tout en continuant à faire des bénéfices.

« Le groupe Veolia, qui a versé 284 millions d’euros de dividendes et qui est aujourd’hui prêt à débloquer 10 milliards d’euros ou plus pour racheter son concurrent Suez, a pu compter sur l’argent public pour plus de 20 000 de ses salariés pris en charge par le chômage partiel. »

Alors que Sanofi a annoncé 1 700 suppressions d’emploi, dont 1 000 en France, il affiche un bénéfice record de 9,28 milliards d’euros pour le premier semestre 2020. Soit des bénéfices multipliés par neuf par rapport au premier semestre de 2019.

Et le gouvernement ne s’arrête pas en si bon chemin. Il a décidé de proposer un nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée, l’APLD, doté de 7 milliards d’euros, qui permettra aux entreprises de réduire le temps de travail de leurs salariés jusqu’à 40 %, en couvrant 85 à 100 % de leurs salaires.

« Le CAC 40 a déjà annoncé près de 60 000 suppressions d’emplois, dont le quart en France. »

La question légitime qui se pose est : qui va payer pour ces aides financières massives ?

« Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il ne reviendrait pas sur la baisse programmée du taux de l’impôt sur les sociétés et a même annoncé 20 milliards d’exonérations supplémentaires sur les impôts de production”. Pas plus qu’il ne mettra à contribution les plus riches du pays ou qu’il œuvre à une annulation de tout ou partie de la dette publique. Il apparaît donc inévitable que ce seront les autres, c’est-à-dire les citoyennes et citoyens, qui paieront au final d’une manière ou d’une autre la facture de la crise et des aides publiques aux entreprises. »

L’influence des entreprises sur la relance

Les aides publiques ne sont pas au bénéfice des salariés. Le milieu des affaires cherche avant tout à protéger ses intérêts. A ce titre une pluie de mesures ont été mises en place sous l’action du lobbying.

« Le premier aspect de cette “épidémie de lobbying” a été de demander le report, la suspension, l’allègement ou la suppression de régulations sociales et environnementales. »

« L’AFEP a également souhaité une suspension des efforts actuels de transparence et de justice fiscale, ainsi que des projets d’instaurer un dispositif de responsabilisation juridique des multinationales à l’échelle européenne. Les lobbys patronaux ont enfin obtenu gain de cause dans le cadre du plan de relance sur l’une de leurs revendications phares depuis des années, la baisse des “impôts de production” qui s’ajoutera à la baisse déjà programmée de l’impôt sur les sociétés. »

« Le deuxième grand objectif du lobbying en temps de Covid est de capter les aides publiques directes et indirectes mobilisées par les gouvernements dans le cadre de leurs plans de sauvetage et de relance, et d’imposer leur agenda technologique afin de sortir gagnant dans le “monde d’après”. […] De nombreuses entreprises ont adapté leur stratégie et leur communication pour se tailler la part du lion dans les dépenses publiques massives en train d’être engagées. »

Le formule pour cacher tout ça : « la souveraineté économique »

Au nom de la « souveraineté économique », nouvelle formule démagogique pour endormir le peuple, souvent invoquée par Macron et Bruno Lemaire, le gouvernement va donner davantage d’argent et de soutien politique aux grands groupes.

« Premièrement, la référence à la souveraineté vient à la place de toute référence au “public” : secteur public, services publics, action publique. On veut faire comme si la seule cause des problèmes rencontrés dans la gestion de la pandémie tenait à des chaînes de production trop internationalisées et à notre dépendance envers la Chine. »

« L’affaiblissement de l’expertise publique, le manque de ressources de notre système de santé, la soumission de l’État à une logique managériale à courte vue, la dépendance envers un petit nombre de firmes en situation d’oligopole, l’absence d’alternatives pour la production d’équipements et de biens essentiels : autant de facteurs qui ont joué un rôle encore plus important. Cet oubli du public suggère qu’au nom de la “souveraineté”, on va surtout donner encore davantage d’argent et de soutien politique à des grandes entreprises privées pour essayer de s’acheter leur allégeance. »

Paul pour « Le Média en 4-4-2 »

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