Les dérives techno-sanitaires envahissent la Chine. Le récit d’un Français à Pékin

mise à jour le 08/03/21

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Le passeport sanitaire se généralise en Chine dans tous les lieux de vie. Il est dormais presque impossible d’accéder à un lieu ou un service sans une appli sur son téléphone.

La Chine est probablement le pays qui va le plus loin et le plus vite dans les excès de contrôle qu’induit la crise du covid. Après le dépistage anal du covid, la Chine impose une appli comme un rituel de la vie courante et répend la surveillance généralisée. Un français nous en parle.

La génaralisation du QRcode

Pékin – C’est le rituel dont en Chine il est désormais difficile de s’affranchir: scanner un code-barres avec son téléphone et montrer patte blanche, avec une appli qui délivre un laissez-passer “vert”, synonyme de bonne santé.

A l’entrée d’un immeuble, d’un commerce ou d’un parc; pour prendre l’avion, le train ou un taxi; ou tout simplement pour rentrer chez soi, mieux vaut ne pas avoir sa batterie déchargée. Les applis de traçage n’ont jamais été aussi envahissantes, dans une Chine pourtant largement remise du Covid depuis le printemps dernier. 

Les nouveaux cas recensés chaque jour s’y comptent désormais sur les doigts de la main. Mais le nombre de contrôles des « codes santé » atteint lui un niveau sans précédent.
Combien de fois par jour dois-je me plier à l’exercice?  Je ne les compte plus, tant les codes QR et leurs mosaïques à scanner sont omniprésents.

Réservations de billets ou d’hôtels, géolocalisation, lieux de paiement: le téléphone portable s’avère un redoutable mouchard sanitaire, qui peut virer au rouge s’il borne près d’un foyer de contamination. Le gouvernement central peut ainsi disposer de données collectées sur l’ensemble des lieux visités, par quartiers, sur 14 jours. 

L’application calcule mon statut en fonction des lieux où je me suis rendu. Le fait par exemple d’avoir été près d’un foyer de contamination peut faire de moi une persona non grata. Elle a mille usages. On peut y consulter un historique des tests de dépistage. Si le dernier résultat est positif, mon QR code sera donc rouge. L’application mentionne aussi une éventuelle vaccination contre le Covid-19. 

Un QRcode à accrocher autour du coup

Scanner un code QR à l’entrée d’un immeuble n’est pas sans conséquences: à Pékin, l’appli est directement associée à mon numéro d’identité. Et chaque fois que je scanne, je laisse une trace numérique de mon passage. 

En Chine, chaque résidence est surveillée et fait en principe l’objet de contrôles sanitaires (prise de température et parfois formulaire à remplir). Mes déplacements, les plus anodins soient-ils comme le fait de rendre visite à un ami, sont donc connus.

Personne ne me force à avoir une appli de traçage. Mais dans les faits, il est devenu impossible de vivre sans. J’en ai fait l’expérience un jour à l’entrée de l’immeuble qui abrite les bureaux de l’AFP à Pékin. Avec un brin de mauvaise foi à un point de contrôle, j’ai dégainé mon vieux téléphone Nokia 3210, vestige d’une époque où l’internet sans fil et les selfies n’existaient pas.

Décontenancé, le gardien a tenu à vérifier par lui-même qu’il n’était pas possible de scanner un code QR avec un téléphone ne disposant pas d’appareil photo.  Et pendant cinq longues minutes, ce vigile et ses collègues ne sauront que faire de “l’étranger avec son portable trop vieux”.

Mais comment ferait une personne âgée sans smartphone?”, me demandais-je, tout en tentant de garder mon sérieux devant une telle scène. Profitant de la confusion, je suis entré dans l’immeuble. Cinq minutes plus tard, le bureau recevait un appel pour signaler l’incident et m’ordonner de fournir un code santé valide. Au nouvel aéroport international de Pékin un panneau invite désormais les passagers sans portable ni code santé à prendre contact avec une hôtesse d’accueil.

En Chine, les (rares) personnes qui ne disposent pas de téléphone ou les enfants en bas âge se voient remettre un code QR… à accrocher autour du cou. Il contient toutes les informations sur leur identité ainsi que leur adresse.

Voyager devient un vrai calvaire

Avant d’embarquer sur un vol intérieur, les compagnies aériennes exigent un code santé spécifique. Lors d’un transit, il faut parfois en présenter un autre et à l’arrivée un troisième code est demandé. A chaque fois, il faut remplir sur son téléphone un formulaire électronique. 

Après l’apparition d’un foyer à Pékin l’été dernier, je suis immédiatement devenu un suspect à 1.800 km de là dans le sud-ouest de la Chine. Pour éviter une quarantaine forcée, j’ai dû rentrer en catastrophe à Pékin et renoncer à mes vacances.

Pour quitter Pékin, il fallait présenter un test PCR négatif. Et deux autres étaient exigés au retour dans la capitale… avec le risque de devoir en plus effectuer une quarantaine obligatoire à la maison.

Voyager en Chine est désormais un “casse-tête administratif”, peste un expatrié. Un clic sur mon code santé et les autorités peuvent déterminer avec une relative précision les endroits que j’ai fréquentés au cours des 14 derniers jours.
Comme tout bon Français il m’arrive de pester intérieurement contre un énième contrôle de code santé “qui entrave ma liberté”.

Mais la plupart des Chinois se prêtent volontiers au jeu du traçage. Pendant la fête du Nouvel an lunaire, j’étais surpris de voir que tous sans exception scannaient un code à l’entrée d’un centre commercial de Pékin, alors qu’il n’y avait aucun vigile pour leur imposer de le faire. 

Conformer la population grâce à la surveillance généralisée

Les applis de traçage sont “le prix à payer pour retrouver une liberté” face au virus et un semblant de vie normale, estime l’un de mes amis chinois. Et c’est aussi “un geste simple pour se protéger”, m’explique-t-il.

Sous couvert de lutte contre le virus, les applis de traçage couplées au tentaculaire réseau de caméras du pays peuvent devenir pour le pouvoir un redoutable outil de surveillance.  

Au printemps dernier, la presse avait rapporté le cas d’un homme en fuite depuis 24 ans et qui avait fini par se rendre aux autorités : sans smartphone ni appli de traçage, il lui était devenu impossible de se déplacer, d’entrer dans un magasin ou d’être embauché sur des chantiers.

Elles peuvent aussi s’avérer un instrument de discrimination. A Wuhan, un temps épicentre de l’épidémie et aujourd’hui ville qualifiée de “plus sûre du monde” par ses habitants, je n’ai pu entrer en discothèque. Pas à cause de ma tenue ou de mon âge. Mais de mon code santé: il indiquait pour origine Pékin où – à plus de 1.000 km – un foyer de contagion venait d’être signalé.

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