La propagande : manipulation de la bienveillance humaine

L’homme est bon, telle fut l’affirmation de Rousseau, puisque l’homme dans l’état de nature serait réputé bon et la société le rendrait mauvais. Il s’agit comme toujours d’une vision naïve de l’homme, si l’homme dans son quotidien se montre plutôt gentil cela vient-il d’une nature favorable ou d’une contrainte sociale ? Posez-vous la question, comment sont vus les gens agressifs dans leur quartier ? Les voisins les évitent gênés. Cela limite leur progression professionnelle et les avantages de la communauté. Or, nous sommes dépendants les uns des autres sauf à être capables de cultiver notre champ et préparer notre viande.

mise à jour le 22/06/23

C’était le cas au moyen âge et la société se montrait plus violente (sans être insupportable). Nos sociétés modernes sont beaucoup plus pacifiées, même si les explosions de violence peuvent y être brutales et parfois utiliser les formidables énergies dont nous disposons.


Donc, je vais me permettre l’affirmation suivante : L’homme en l’état de nature est un primate conçu pour survivre en petits groupes dans la savane. Il est capable de violence et d’une empathie limitée. La société par toute une série d’incitatifs limite cette violence et nous intériorisons ce comportement, elle privilégie aussi certaines formes d’empathie ou de vivre ensemble. Moins inclusif dans des sociétés modernes, mais sur une aire plus large.

La propagande (la chose à propager) joue sur cela, elle détourne les incitatifs sociaux pour canaliser la bienveillance intériorisée par les citoyens. La société induit la peur de la violence pour légitimer la violence d’état et associe toute brutalité aux déclassés de la société. La volonté de s’identifier aux classes sociales au-dessus de la sienne est aussi utilisée. Ces procédés mériteraient un article, mais simplifions à ce stade, la propagande se base sur la bienveillance des citoyens dans la société. Le camp choisi par l’appareil d’information est donc la victime (forcément innocente point un et deux de la propagande de guerre) d’agression brutale et barbare (le point cinq de la propagande de guerre, on se rappellera des couveuses du Koweit). Le second instrument est la peur. Dans des sociétés où les citoyens sont désarmés, sidérés par la moindre agression et habitués à sous-traiter leur protection, il devient facile d’obtenir leur adhésion émotionnelle.

Il s’agit là du premier étage de la fusée. Une fois le point d’accroche émotionnel obtenu, on rationalisera. Passons aux travaux pratiques, le cas du conflit ukrainien. Comment l’adhésion fut-elle obtenue ? Par plusieurs éléments introduits petit à petit :

En 2014 : Le Maïdan est une révolution démocratique contre un dirigeant corrompu. Pour optimiser l’effet, personne n’évoquera les snipers qui ont provoqué les mouvements de foules ni l’opposition d’une large partie de la population ukrainienne aux options défendues par le Maïdan.

Drapeau de l’État ukrainien derrière un mur de manifestants anonymes à Kiev, Ukraine. Événements du 18 février 2014

Durant cette phase, on évoque à peine la situation en Ukraine, l’important est de préparer la scène. Les affaires Navalny, Skripal permettent de qualifier le russe comme l’ennemi (le fut-il alors que la recette du produit utilisé est connue de tous ?) et on l’incarnera sous les traits de Vladimir Poutine (point trois de la propagande de guerre : le chef ennemi est l’affreux de service ) : personnaliser l’ennemi permettra de fixer l’approche. Qu’importe que jamais la culpabilité russe n’ait pu être prouvée, désormais tout le monde sait que l’on risque sa vie à s’opposer à V. Poutine. Vous reste-t-il un doute ? Pas de soucis, on passe au point cinq et le vol du MH17 en fournira l’occasion. Qu’importent les rumeurs sur le fait qu’il s’agit peut-être d’un appareil ukrainien envoyé pour tenter d’abattre l’avion de V.Poutine de passage dans la région et qui se serait trompé de cible. Les Russes avaient commis le crime d’armer les séparatistes, on n’allait pas se priver d’une telle occasion de leur imputer une atrocité. Alors, glissons sur le fait que l’aviation ukrainienne trouvait amusant de bombarder les zones résidentielles des séparatistes, c’est sans intérêt. Les rebelles disposaient d’armes lourdes et s’en servaient pour commettre des atrocités. Et puis cela permettait d’accréditer l’idée que les séparatistes étaient en réalité un mouvement aux mains des Russes. Chose utile à nombre d’égards, d’abord, ainsi, on pouvait accuser les Russes de violation de l’Ukraine puisque des armes russes se trouvaient en Ukraine, les mobiles étant sans intérêts, on négligera d’informer l’opinion publique de ces détails.

La manœuvre avait l’avantage d’éviter toute question sur le pourquoi d’un mouvement séparatiste alors que le Maïdan venait de plonger l’Ukraine dans les délices de la démocratie (et de la vente des actifs au Conglomérats US, gage de démocratie, les Chiliens le savent bien). Là, au contraire, le peuple ukranien venait de manière unanime de se débarrasser d’un horrible dictateur pro russe (qu’importe qu’il ait été élu en 2010) et donc les Russes se vengeaient en envoyant leur troupes (pourquoi nous déranger avec les événements d’Odessa, ou de maintes autres villes ukrainiennes ? ).
Après MH 17, le travail de base était fait, les concepts essentiels se trouvaient placés dans les esprits.
– Poutine est un dictateur sanguinaire et on risque sa vie à s’opposer à lui.
– Poutine et les Russes, mécontents de perdre leur influence face à la volonté démocratique des Ukrainiens envoient leurs soudards.
– Lesdits soudards commettent des atrocités car, comprenez bien, ce sont des Russes à peine sortis de leurs steppes (un peu de racisme ne saurait nuire).

La guerre en Syrie, avec ses scènes d’atrocités fournira l’occasion de répéter la leçon pour les mauvais élèves (Duchmol vous me copierez 100 fois : « Poutine est l’ami d’Assad donc il est méchant ! »). Là, encore passons sur le fait que nous avons armé l’opposition « démocratique » syrienne si proche des gens de Daesch, ignorions-nous que les armes passaient d’un groupe à l’autre ? Oui, car nous étions occupés à écrire nos lignes. De la même manière, personne ne relèvera que nos lignes rouges sur les armes chimiques étaient une véritable incitation pour les djihadistes à commettre des attentats sous faux drapeau. L’hystérie sera utile pour ancrer un peu plus le Assad est un monstre et donc son ami V.Poutine.

Crédit : Kremlin – Vladimir Poutine et Bashar al-Assad le 21 novembre 2017

Arrive la Covid, deux ans de pause, on doit scalper Raoult, il suffit d’entretenir un peu l’histoire et de la faire vivre. Laisser mijoter une affaire comme ça, le goût ne se perd pas, au contraire, lorsque vous la ressortez, plus personne ne se souvient de comment vous avez versé les ingrédients. Donc, en plein Covid, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein (Duchmol ne regardez pas le ciel) la Russie passe à l’action contre l’Ukraine, forcément démocratique (elle vend ses terres à Blackrock et Monsanto), si fragile et si faible (ce pays en faillite dépensait à peine 5% de son PIB pour préparer la guerre) on passera là encore sur l’interview d’Arestevich qui montre la préméditation ukrainienne. De toutes les façons, c’est inutile, une victime de V.Poutine le tyran sanguinaire ne peut-être qu’innocente, non ? Donc inutile de perdre le public avec les détails, la Covid étant passée par là, on peut relancer l’affaire comme si elle surgissait de nulle part. Et voilà Duchmol, vous aurez désormais un argument pour justifier la méchanceté de Poutine : Il attaque de pauvres pays innocents (bien oui, avant il y avait la COVID donc il ne se passait rien en Ukraine ou dans le Donbass). L’intermède médical a permis à l’Ukraine de se refaire une vertu sans le moindre effort.

Et voilà, le travail préparatoire avait fonctionné, maintenant, l’heure de la récolte est venue. On ajoutera les gémissements des polonais et des Baltes, Poutine va aussi nous envahir, puis il viendra pour vous. Cela doit-il être réaliste ? Non, les occidentaux sortent d’une épidémie où on leur a dit qu’ils allaient mourir. Ils ont survécu par miracle (le malade imaginaire aussi, cela dit, dans notre version, je vous conseille de marier votre fille à un médecin, s’il travaille pour les labos, le poste sera bon dans les prochaines années. Bon évidement, assurez-vous que votre enfant n’aime pas trop l’honnêteté, les divorces sont si rapides de nos jours), donc nos occidentaux survivants du Covid se découvrent un nouvel ennemi et risquent de nouveau de mourir. Décidément, heureusement que le gouvernement nous protège de tant de périls, que deviendrions-nous sans lui ?

L’hystérie fut bien utile pour entrainer les peuples et éviter toute contestation, car figurez-vous que Duchmol a mal copié ses lignes et que certains vilains occidentaux osent rappeler le rôle de nos gouvernements dans la prise de pouvoir de la clique de Kiev. Certains réinforment même et se mettent en devoir de contester la thèse officielle. Quelle indignité ! Heureusement un narratif était en place : Les influences russes. Les Russes auraient tenté d’influencer les fragiles opinions publiques occidentales (elles ne le sont que parce que nos gouvernements, au bord de la ruine ne cessent de nous mentir). Leur presse, comme RT ou Sputnik, acquière une crédibilité auprès d’une fraction croissante de la population. Il faut dire que pour saper l’influence de nos dirigeants, c’est simple, il suffit de dire la vérité et cela suffit. Alors, nous avons tout eu, l’influence russe responsable de l’élection de Trump. Dommage, les fuites qui ont révélé que madame Clinton avait intrigué avec le parti démocrate pour frauder les primaires contre Sanders, non seulement les faits se sont avérés fondés, mais le piratage était interne. Peut-être un support de Sanders mécontent du sort fait à son champion. Pas grave, les services orienteront l’enquête et pendant des années le complot russe sera répété en boucle. Ceux qui remettent en cause le narratif seront combattus : chacun le sait, sont donc des traitres (Le miraculeux point 10 de la propagande de guerre). D’ailleurs la police de la pensée s’est doté d’une nouvelle arme pour traquer les esprits, forts, les Duchmols qui refusent de copier leurs lignes : les fact checkeurs. Financés par de riches mécènes, puis par les services publics d’information et enfin directement sur fonds publics, eux se chargent d’organiser la ruine des réputations des opposants.

Enfin se chargeaient, car modernisation oblige tout doit être amélioré et le site ukrainien Myrotvorets représente une amélioration certaine du procédé. Gageons que si le professeur Raoult échappe à sa dernière salve le procédé pourra être importé. D’ailleurs, la méthode fact checkeur prépare le terrain. Basée sur les adjectifs, les jugements de valeurs et les amalgames, elle ne vise pas à dégager la vérité de sa gangue par la confrontation des arguments mais à désigner des boucs émissaires, indignes en raison de leurs péchés d’informer la population. La « Character Assassination » méthode d’exécution moderne présente un inconvénient : elle rejette de plus en plus de gens dans l’opposition. Pour cette raison le soutient des opinions publiques à l’exécution des politiques engagées par nos dirigeants.

Et oui, à force de décaler du réel, la propagande bien que faite avec talent, devient de plus en plus difficile à avaler. Reste alors l’ultime solution : ceux qui résistent au narratif sont des traitres ou des agents ennemis et c’est devenu l’ultima ratio des agents étrangers. Pas Russes : Américains !

Jules Seyes pour Le Média en 4-4-2

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