On aurait pu penser que Bolloré, l’ex-mentor de Zemmour, ou plutôt le mentor de l’ex-Zemmour tant celui-ci est sorti du jeu, avait enfin réussi avec Ciotti à imposer « l’union des droites » pour donner à la France un gouvernement, piloté par le RN, enfin conforme à l’aspiration majoritaire des électeurs du pays.
Aspiration que les votes du second tour ont confirmée, malgré l’opération « report républicain », puisque le RN est plus que jamais le premier parti de France, y compris à la Chambre, en votes et en sièges…
Puis vint, insufflé par un Glucksmann qui a réussi le prodige de ressusciter le cadavre du PS aux européennes, la proposition morale, face à la « menace fasciste », de ressusciter aussi l’« arc républicain ».
Proposition très vite acceptée par tous, y compris à droite, malgré Ciotti et un Bolloré renvoyé dans les cordes.
On connaît la suite : le RN, qui menaçait d’obtenir la majorité absolue à lui seul avec un Bardella Premier ministre, se retrouve loin de cet objectif, du fait de l’action conjuguée de l’arc républicain et du Nouveau Front populaire (sorte de NUPES encore élargie).
Nous voilà donc, dans ce pays de la tradition bipartite gauche/droite, déjà écornée par Sarkozy, dans un jeu à trois tiers : droite (RN), centre (Républicains libéraux), gauche (PS – LFI) avec, de fait, un pouvoir au centre qu’on avait interdit à Bayrou, puisque contraire à la tradition de la Ve, mais miraculeusement accompli par Macron depuis 2017.
En d’autres termes : après le coup de la dissolution qui ne s’imposait pas, sachant ce que représentent en France les élections européennes, Macron, qu’on donnait pour fou, se retrouve plus que jamais au pouvoir bien qu’encore plus minoritaire. Au pouvoir déjà du fait de ses pouvoirs régaliens inchangés de président, mais au pouvoir de surcroît par la stérilisation de toute opposition de droite comme de gauche pour cause de report républicain, puisque – et c’est son argument légitime – non seulement aucun parti n’a la majorité à la Chambre pour pouvoir exiger le poste de Premier ministre, mais pire encore, aucun élu, candidat au poste, ne peut prétendre qu’il l’a été sur son programme, les voix qui l’ont porté à la chambre venant tout autant du camp et du programme adverse pour faire barrage au méchant RN !
Et c’est là que le piège se referme sur tous.
Macron – à la fois Mitterrand de la cohabitation et de Gaulle contre les impasses de la IVe – reste non seulement l’arbitre raisonnable au-dessus des partis face à ce grotesque et répugnant marchandage. Il peut tranquillement attendre que tous ces excités s’entendent pour lui proposer un premier ministrable issu d’une coalition introuvable. Et en attendant, il garde son Premier ministre et son gouvernement tout en demandant, au nom de l’image internationale de la France, que tous se calment au moins jusqu’à la fin des Jeux olympiques.
Comprenons bien maintenant que dans ce jeu de dupes, le perdant n’est pas du tout le RN soi-disant battu, pas plus que Mélenchon n’en est le vainqueur, malgré les apparences…
Mélenchon, qui face à une victoire du RN aurait pu continuer à jouer le chef de l’opposition, nécessairement radicale face à la « menace fasciste », se retrouve, la menace RN écartée, dans la peau de l’autre extrémiste à liquider symétriquement si la gauche veut à nouveau accéder au pouvoir. Ce à quoi ne vont pas manquer de s’atteler ses partenaires et alliés, Glucksmann en tête, épaulé par Hollande ressuscité avec le PS, sans oublier Ruffin, très lié à Macron par Amiens et les harpies féministes Autain, Rousseau et consœurs, fatiguées du népotisme du macho à beurettes.
Quant au RN, en plus d’engranger élus et pognon comme jamais (de 89 à 126 sièges, plus 19 millions dans les caisses), il échappe à la catastrophe qu’aurait été pour lui la gestion d’un pays dont tous les leviers lui échappent, il représente plus que jamais l’alternative pas encore essayée à un système décidément bloqué – soit l’éternel « nous y sommes presque : rendez-vous à la prochaine présidentielle ! » chanté depuis 1985 –, alors que Marine a donné en douce tous les gages au pouvoir profond, ce qui en fait, tandis que Mélenchon est déjà sur le siège éjectable, la roue de secours du pouvoir macronien si besoin.
Conclusion : pendant que les gesticulations politiciennes achèvent de discréditer la classe politique, que le RN continue d’incarner frauduleusement la seule et vraie alternative et que la gauche s’occupe elle-même de liquider Mélenchon, Macron continue de régner sans majorité ni parti.
Quant à la France, pieds et poings liés par l’UE et l’OTAN, elle continue de disparaître derrière ce théâtre, passant à la fois sous la tutelle économique du FMI pour sa dette – soit un avenir à la grecque – pendant que l’OTAN s’apprête à la jeter dans une guerre contre la Russie où, en tant que seul État de l’UE à posséder la bombe, nous sommes déjà en première ligne !
Le rôle de Macron ayant toujours été, en bon acteur pervers et jouisseur des forces mondialistes qui l’ont mis en place, de nous mener à cette situation supranationale, d’où, dès 2018, son prix Charlemagne…
Un article d’Alain SORAL sur le site d’Égalité & Réconciliation
Le 12 juillet 2024
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