A l’OMS comme si vous y étiez ! – Episode 2

mise à jour le 01/04/22

L'OMS comme si vous y étiez !

Notre informateur a travaillé huit ans à l’OMS. Il a commencé en 2005 par de petits contrats en tant que chauffeur de directeurs régionaux lors des Conférences mondiales de la Santé (WHA : Word Health Assembly) et de conseils d’administration (EB : Extraordinary Board). Après ces contrats très temporaires, il a été embauché par Roll Back Malaria (RBM, un partenariat hébergé par l’OMS, en concurrence directe avec le département Malaria de la maison mère) et y est resté plus de deux ans. Il a voyagé en Afrique pour son compte. Il est ensuite parti travailler pour ONUSIDA (autre partenariat hébergé par l’OMS) au sein des RH. Il a terminé à RHR (Reproductive Health & Research) pour la santé péri et post-natale, en lien avec le département Vaccines.

Il a plein de belles choses à nous raconter et va, après nous avoir expliqué les conditions de travail au sein de cette organisation, nous parler du fonctionnement de cette grosse machine.

L’OMS n’est pas un organisme médical mais de santé. Là réside toute la nuance : elle n’a pas autorité à prendre des décisions sanitaires sinon faire des recommandations. Elle est par conséquent et inéluctablement à la merci des pressions politiques. L’OMS, en tant qu’énorme machine administrative, se caractérise par une inertie, un morcellement du travail et des méandres administratifs qui ne font que ralentir son objectif premier. Il faut comprendre que chaque poste important (P ou D, voir l’explication lors du premier épisode) est le résultat d’un placement politique d’un ressortissant d’un pays X ou Y qui fera avancer (ou non, suivant les intérêts du pays…) une thématique.

Par exemple : le Japon place un de ses ressortissants au sein de l’OMS dans le département du Tabac. Il serait mal venu pour le Japon de combattre le tabac, en tout cas ce serait très mal vu par JTI (Japan Tobacco International) qui de surcroît (tiens donc) a son siège à Genève à cinq minutes de l’OMS. Le Japon a donc fait pression sur l’OMS pour y placer un de ses ressortissants qui luttera non pas contre le tabac, mais en faveur de JTI ! Autre exemple: comme nous vous l’expliquions, notre informateur a travaillé pour les services de la Malaria et du Sida. Il ne travaillait pas pour les départements de la Malaria et du Sida de l’OMS mais pour des partenariats hébergés par l’OMS (hébergés physiquement et adoptant les règles de fonctionnement de l’Organisation). Mais pourquoi donc avoir ainsi de tels doublons ? En plus ce ne sont pas les seuls : Tuberculose, Polio, etc. Tout simplement pour justifier les dépenses administratives de fonctionnement de l’OMS (des millions de dollars par an juste pour les voyages officiels, sans parler des réunions incessantes) qui sont, en réalité, son talon d’Achille. Un exemple personnel : quand il travaillait pour la malaria et qu’il est parti en Éthiopie, on lui a INTERDIT de prendre un vol éco car les dix-sept personnes de son service partaient toutes en Business et cela aurait fait tache sur le reste du service.

Autre exemple flagrant de la non-utilité de tels doublons. La malaria avait disparu d’Égypte dans la fin des années 60. La résurgence du fléau début des années 80 a surpris beaucoup de gens. Ce qu’il faut comprendre, c’est que vingt ans plus tard (lorsqu’il était au sein de ce service), le seul obstacle qui ralentit tout le processus d’accès aux soins et prévention est stoppé net depuis des années pour la seule raison que l’organisation n’arrive pas à négocier un coût de fabrication décent des médicaments tels que le Malarone. En gros et pour résumer, il s’agit de déterminer quelle sera la marge de gain de BigPharma sur la molécule.

Lorsque il est entré dans l’organisation, ils étaient 1 800 « staff OMS ». Quand il est parti en 2014, il restait moins de 800 staff. L’organisation a très vite compris qu’elle ne pourrait pas continuer de justifier de tels frais de fonctionnement. Elle a donc choisi de « terminer » les contrats de la majorité de son staff. Pour certains, l’OMS a dû débourser des millions de dollars (par cas et par personne), car elle brisait certains contrats à vie (contrats appelés CONTINUUM) ouvrant ainsi la voie à des demandes en justice faramineuses. L’exemple le plus amusant : le chauffeur personnel de l’ex-directrice de l’OMS (le Dr Margaret Chan) se voit signifier son renvoi trois semaines avant sa retraite ! Le résultat : des millions de dollars lui ont été versés pour compensation du non-respect de son contrat. Aujourd’hui, Patrick (l’ex-chauffeur, un ami qui a fait entrer notre informateur à l’OMS) a un ULM, un voilier, voyage six mois par an et n’a aucun souci financier pour lui, ses enfants et ses petits-enfants. Le plus amusant, c’est que la directrice — celle qui a signé sa lettre de renvoi — l’appelle trois jours plus tard pour savoir pourquoi il n’est pas à l’heure pour la conduire au travail. Véridique et raconté par l’intéressé lui-même…

Le problème résultant de ces renvois massifs est le suivant : les staffs OMS sont peu à peu remplacés par des free lance dont l’organisation n’a pas à prendre en charge la pension de retraite ni l’assurance maladie. De plus il est plus facile de se défaire d’un free lance que d’un staff, protégé par la signature d’un contrat de travail OMS. Le revers de la médaille est énorme : tous ces free lance sont, pour la plupart, des étudiants qui sortent d’un PhD (équivalent licence) qui a été financé (dans 90% des cas) par des fondations caritatives (John Hopkins University, Gates Foundation, etc). Lorsqu’ils terminent leur contrat free lance, ils repartent avec une quantité astronomique de données médicales (pour beaucoup personnelles) qui feront le bonheur de Big Pharma, qui a la plupart de ses sièges sociaux à quelques kilomètres de l’OMS, à Nyon. Ce n’est pas un cas isolé : l’OMS est l’organe des Nations unies qui a le plus de procédures en cours au Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail  (ILOAT). Bien entendu, il y a en plus des dysfonctionnements et des situations beaucoup plus graves qui relèvent de comportements déplacés, d’abus de position de force, etc., qui viennent s’ajouter au versant administratif de ce mauvais fonctionnement.

On retrouve notre informateur très prochainement, et il a encore des infos croustillantes à nous faire parvenir.

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