Pour se tenir au courant de l’actualité de façon la façon plus drôle, disons la moins déprimante, internet recèle quelques beaux bouffons au sens noble du terme : les clips dévastateurs de Yoyo et Vendettactus, les coups de fouet de Marcel D. (trop rare), les chroniques faussement tranquilles du Juste Milieu, les J’suipascontent de Greg Tabibian, les coups de colère de Kareem de RagnaRock et la mauvaise humeur de Maxime de JeSuisTerreau.
J’en oublie qui ne m’en voudront pas, car leur talent les met au-dessus des mesquineries. Ils portent la voix des manants qui n’ont plus que le droit de se taire.
Il fut un temps — sans internet — où les chroniques étaient écrites. Cela fait partie de l’histoire de la presse libre, disons de la liberté tout court et même de l’Histoire. Les anciens se souviennent, mais les jeunes n’ont pas lu Cavanna et Delfeil de Ton dans Hara-Kiri, Charlie Hebdo (le vrai, pas celui de Philippe Val). Voilà ce que nous dit son éditeur, à propos du premier volume des chroniques de DDT (1975-1977) : il « nous transporte dans les années Giscard, quand la peine de mort existait encore ou quand le mobilier urbain Decaux faisait son apparition. Rien dans la presse nationale n’a eu la véhémence et le panache stylistique de ce monument littéraire et politique dont l’édition en un premier volume est un événement ».
À partir de 1975, Le Nouvel Observateur a hébergé Delfeil et lui a laissé la bride sur le cou pour sa chronique du lundi. Sous prétexte de chiens écrasés, il mettait sournoisement le doigt là où ça fait mal… jusqu’à ce que, en 2008, patatras ! le millionnaire Denis Olivennes mette la main sur le conseil d’administration. Le Nouvel Observateur s’est réduit à un tout petit Obs. Le ballet des brosses à reluire de Laurent Joffrin (de son vrai nom Mouchard) et Cie a balayé toute pensée non autorisée. Or l’humour ne peut être que libre, sinon ce n’est plus de l’humour. Cherchez-le maintenant dans la presse ! Vous ne le trouvez pas ? Alors, plongez-vous dans les « Lundis » de Delfeil de Ton des années 1978-1979. Les faits sont datés (Giscard-Peyrefitte, assassinat de Mesrine, fuite du Shah d’Iran…), l’humour et l’intelligence sont intemporels.
Quant à Delfeil de Ton, il déclare à la veille de la parution de ses Chroniques 1978-1979 : « Les chroniques du Nouvel Obs, c’est pas ce que j’ai fait de mieux. Les éditeurs, que voulez-vous, ne me demandent pas ce que j’ai écrit dans Hara-Kiri. » Delfeil oublie qu’il avait du talent au Nouvel Obs comme dans ses chroniques de Histoires littéraires qu’il ne mentionne même pas. C’est un grand modeste et surtout pas le roi de la com’.
Les Lundis de D.D.T., tome 2, chroniques de 1978 et 1979, éditions L’apocalypse — 352 pages : ils ne se foutent pas de vous ! Dans toutes les bonnes librairies à partir du 21 octobre. Régalez-vous !
Les lundis de D.D.T. 1972, 1973 (t. 1 et 2) et 1975-1977 sont encore trouvables.
Le Média en 4-4-2.
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