AstraZeneca publiera les résultats à jour de son important essai de vaccin contre le Covid-19 aux États-Unis dans les 48 heures. En effet, les officiels de la santé américains ont publiquement critiqué le laboratoire pour avoir utilisé des « renseignements obsolètes » en ce qui concerne le mécanisme de l’immunisation.
Cet exceptionnel blâme public marque le dernier revers en date du vaccin, considéré comme une étape importante dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, mise en cause depuis par des doutes quant à son efficacité et ses possibles effets secondaires.
AstraZeneca a déclaré mardi que les résultats publiés dans lesquels le vaccin avait démontré une efficacité de 79 % étaient fondés sur une analyse préliminaire des données jusqu’au 17 février. Le laboratoire va « immédiatement s’engager » avec le groupe indépendant chargé de surveiller l’essai pour partager son analyse complète.
Le laboratoire britannique a déclaré mardi qu’il avait examiné l’évaluation préliminaire de son analyse complète, et qu’elle était conforme au rapport intérimaire publié.
Mais le Washington Post a signalé que le comité de surveillance des données a dit aux fonctionnaires fédéraux qu’ils avaient travaillé avec l’entreprise jusqu’en mars. Pendant cette période, ils avaient vu des données qui montraient que le vaccin pourrait n’être efficace qu’entre 69 % à 74 %. Leur « forte recommandation » était donc d’inclure cette information dans son communiqué.
Les actions AstraZeneca ont chuté de 1,8 % à Londres.
Le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) des États-Unis a déclaré lundi que le comité de surveillance indépendant avait exprimé des préoccupations quant à la société qui aurait pu inclure des « données périmées » donnant une vision incomplète de l’efficacité de la thérapie.
Le directeur du NIAID, le Dr Anthony Fauci, a qualifié toute cette question d’erreur non intentionnelle et particulièrement regrettable.
« Ce genre de pratique ne fait rien d’autre que jeter un doute sur les vaccins et peut engendrer une hésitation à se faire vacciner », a-t-il déclaré à ABC « Good Morning America ».
« Les données sont vraiment très bonnes, mais lorsqu’elles ont été communiquées à la presse, elles n’étaient pas tout à fait exactes », a-t-il dit.
En plus de l’efficacité affichée de 79 % pour arrêter les symptômes de la maladie dans l’essai mené aux États-Unis, au Chili et au Pérou, les données rapportées lundi ont également montré que la thérapie était efficace à 100 % contre les formes graves et critiques de la maladie et ne posait aucun risque accru d’apparition de caillots sanguins (élément déclencheur de thrombose).
Le Dr Larry Corey, co-dirigeant du Coronavirus Vaccine Prevention Network des États-Unis, qui participé à la conception de l’essai d’AstraZeneca aux États-Unis, a déclaré que le rappel à l’ordre du groupe de surveillance était quelque chose qu’il n’avait jamais vu auparavant. Le virologiste du Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle a félicité le comité d’avoir pris la parole, affirmant que cela montrait que le système de contrôles et de contrepoids fonctionnait.
Un enquêteur américain qui n’était pas autorisé à parler publiquement a déclaré qu’AstraZeneca n’avait pas eu tort de publier une analyse qu’il avait décrite comme provisoire mais s’est dit préoccupé par la controverse publique engendrée.
« C’est un peu comme se tirer une balle dans le pied, parce que les données sont OK », a-t-il déclaré.
« RAPPORTS NÉGATIFS »
Ces nouvelles interrogations sur l’efficacité de la thérapie coïncident avec son déploiement dans des dizaines de pays. Par conséquent, le calendrier de son autorisation d’utilisation d’urgence potentielle aux États-Unis s’obscurcit.
« C’est effectivement un acte extraordinaire. Les rapports négatifs concernant ce vaccin ne s’arrêtent pas, même si mon évaluation montre qu’il est bien toléré et sûr, mais clairement moins efficace que les deux thérapies ARNm », a déclaré Peter Kremsner, de l’hôpital universitaire de Tuebingen, en Allemagne.
Les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna qui utilisent la technologie de l’ARN messager (ARNm) pour produire une réponse immunitaire ont tous deux affiché des taux d’efficacité d’environ 95 % dans leurs essais cliniques, bien au-dessus de la norme de 50 % établie par les organismes de réglementation mondiaux.
Le vaccin d’AstraZeneca fait l’objet d’interrogations depuis la fin de l’année dernière, lorsque le laboratoire et l’Université d’Oxford ont publié des résultats différents d’un même essai par l’effet d’une erreur de dosage.
La confiance dans le vaccin a pris un nouveau coup dans l’aile ce mois-ci, lorsque plus d’une douzaine de pays, principalement en Europe, ont temporairement suspendu son administration après que des rapports ont établi un lien avec un trouble rare de la coagulation sanguine chez un très petit nombre de personnes.
L’organisme de réglementation des médicaments de l’Union européenne a déclaré la semaine dernière que le vaccin était clairement sûr, mais un sondage réalisé lundi a montré que les Européens demeuraient sceptiques quant à son innocuité.
Le vaccin AstraZeneca est considéré comme crucial pour lutter contre la propagation du Covid-19 à travers le monde, car il est plus facile et moins cher à transporter que les vaccins rivaux.
Cette thérapie a obtenu une autorisation de mise en marché conditionnelle ou d’utilisation d’urgence dans plus de 70 pays.
De nombreux pays comptent beaucoup sur ce vaccin pour mettre fin à la pandémie, et plusieurs chefs d’État se l’ont fait injecter publiquement pour renforcer la confiance du public lors de séances médiatisées.
– Source : AstraZeneca to publish full U.S. trial results after rare rebuke over ‘outdated’ data (23 mars 2021)
– Traduit par Tanguy pour Le Média en 4-4-2