C’est en 2023, qu’une journaliste de Vakita interpelle le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau sur la disparition des oiseaux. Elle accuse l’agriculture intensive. Marc Fesneau lui réplique (l’air de s’en contrefoutre) : « C’est quoi l’agriculture intensive ? » La journaliste précise sans s’énerver : « C’est l’agriculture qui a recours massivement aux pesticides, aux engrais. » Une réponse qui lui attire une réponse pleine de morgue : « On va avoir du mal à avancer dans la caricature. » Avec la même désinvolture, Marc Fesneau clôt un peu plus tard l’échange, en passant, en lançant : « Tu as vu, j’ai dit du bien des pesticides. »
Les ministres de l’Agriculture : Les meilleurs ennemis des agriculteurs pic.twitter.com/vmWxpUd4kG
— Palestine Vivra (@sans_masques) November 4, 2024
Le ministre de l’Agriculture défend herbicides et pesticides
À l’Assemblée, le 7 juin 2026, une députée écolo très modérée évoquait un malentendu à propos de cette phrase qui avait soulevé l’indignation. Un simple malentendu, vraiment ? À entendre les déclarations de Marc Fesneau le même jour, on pouvait en douter. Les voici : « Nous avons besoin d’une agriculture plus résiliente face au dérèglement climatique, plus économe en eau, plus responsable, notamment dans sa trajectoire de réduction desproduits phytosanitaires, mais cela ne doit pas se faire au mépris de la réalité. Nous ne
pouvons pas leur demander d’en revenir à des pratiques dont leurs parents et grands-parents sont sortis. »
Pouvait-on s’attendre à autre chose de la part d’un ministre entouré de collaborateurs pantouflant chez les industriels de la chimie ?
Sa conseillère en communication, Sophie Ionascu, a été débauchée auprès de l’Ania, association de défense des intérêts des industriels de l’agroalimentaire. À propos de l’interdiction du glyphosate, le président de l’Ania, Jean-François Loiseau, est formel : « Une mauvaise décision tant qu’il n’y a pas d’alternative. »
Sa cheffe de communication, Eléonore Leprette, est partie tout naturellement chez Phyteis, lobby des entreprises agro-chimiques qui regroupe 19 fabricants phytosanitaires, notamment Bayer.
L’Union européenne protège Monsanto
Pour protéger la santé de la population des produits phytosanitaires, l’Union européenne a pris des mesures… sur le papier. En réalité 15 % de ces mesures ont été vraiment appliquées.
L’autorisation du RoundUp de Monsanto (propriété de Bayer), aux effets cancérogènes connus, est prolongée — en toute conscience de ses effets — jusqu’en 2033 en Europe. La France s’était abstenue de voter la prolongation de son autorisation, mais il y a des cas où l’unanimité n’est pas nécessaire. Cela dit, chaque pays peut l’interdire sur son territoire. Pas la France. Son ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré (dans les mêmes termes que le président de l’Ania) que « l’interdiction totale, ce n’est pas possible. On a constaté qu’il n’y avait pas d’alternative aujourd’hui ».
Au programme du G20 : la fin de l’agriculture en Europe
Le Mercosur pourrait ouvrir pleinement les frontières européennes à des produits aspergés de produits phytosanitaires dangereux. L’empoisonneur Monsanto a été condamné 125 fois aux États-Unis depuis 2000, pour un total de près de 16 milliards de dollars d’amendes.
Après son rejet par la France en 2019, l’accord du Mercosur et de l’Union européenne n’est toujours pas appliqué. L’Union européenne veut le Mercosur et affiche deux objectifs : la « durabilité » (traduction balancer des pesticides de façon « raisonnée ») et la protection de « nos sensibilités » (traduction : nous faire passer de la chimie pour du bio). Les importations sans droits de douane, notamment de sucre, bœuf et volaille, dont le Brésil est un grand producteur, concurrenceraient les agriculteurs français. Autoriser ou interdire en Europe des herbicides dangereux ne les sauvera pas, face à des pays où productions et vies humaines ne valent pas cher.
Les ministres de l’Agriculture changent, mais rien ne change
Annie Genevard a succédé à Marc Fesneau le 21 septembre 2024. À peine des pesticides cancérogènes ont-ils été trouvés chez 70 enfants le 12 octobre 2024, qu’elle part sur les chapeaux de roues à la défense de l’industrie chimique. Interrogée par Sonia Mabrouk sur Europe1 le 16 octobre 2024, elle déclarait : « On veut plus de normes en matière de produits phytosanitaires, mais ça risque d’éteindre des filières entières. […] Il faut que nos agriculteurs puissent nourrir la population, mais pour cela, il faut qu’on les laisse faire. […] Vous savez, un autre exemple, on a interdit en France de traiter les cerisiers. On a interdit, on s’est fait plaisir, on a dit » on interdit « . Ben maintenant, on ne mange quasiment plus de cerises françaises. »
A une double question, elle évite adroitement de répondre au sujet qui fâche.
Sonia Mabrouk : « En 2015, par exemple, vous étiez contre l’interdiction de la chasse à la glu. Vous avez par ailleurs cosigné un texte sur un moratoire sur la suppression d’outils phytosanitaires, donc des pesticides. Certains disent que vous êtes une alliée, d’ailleurs, ce n’est pas un reproche, de la FNSEA. Est-ce que vos positions d’hier seront vos positions d’aujourd’hui et de demain surtout ? »
Annie Genevard répond : « Alors bon, vous évoquiez la chasse à la glu… » Et de repartir sur ce sujet. La chasse aux petits oiseaux lui a fait oublier pesticides et herbicides. Elle n’y reviendra qu’avec ce gros mensonge : « Il faut aussi accepter le principe de soigner les plantes. »
Plus c’est gros…
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