Un Nôtre Monde : entretien avec Linda Rigaudeau et Marie Misura, candidates aux élections régionales dans les Pays de la Loire.

mise à jour le 01/04/22

Interview Un Nôtre Monde

Pour le premier tour des élections régionales du dimanche 20 juin prochain, les électeurs de trois régions (Bretagne, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur) trouveront des bulletins « Un Nôtre Monde » dans leurs bureaux de vote. Qui se cachent derrière ce nouveau mouvement ? Quelles sont leurs idées ? Rencontre avec Linda Rigaudeau, la tête de liste pour les Pays de la Loire, et une de ses co-listières, Marie Misura. 

« Notre mobilisation prend sa source dans le constat lucide que nous vivons dans une démocratie défaillante »

Le Média en 4-4-2 : Merci d’avoir accepté de répondre aux questions du Média en 4-4-2 ! Linda, vous êtes donc la tête de liste « Un Notre Monde » pour les prochaines élections régionales dans les Pays de la Loire. Marie, vous êtes en 13eme place en Loire-Atlantique. Pouvez-vous nous expliquer l’origine de ce mouvement ? Pourquoi et comment avez-vous décidé de vous lancer dans l’aventure ?

Linda R. Et Marie M. : A l’origine, notre mobilisation prend sa source dans le constat lucide que nous vivons dans une démocratie défaillante. Qui aujourd’hui (et encore plus après plus d’un an d’état d’urgence sanitaire) ne se sent pas totalement impuissant face aux mesures qui régissent notre société, face aux injustices, aux absurdités, aux dysfonctionnements institutionnels ? Ce sentiment de ne plus avoir aucune prise sur les décisions qui sont édictées à tous les niveaux a conduit de nombreux électeurs à déserter les bureaux de votes et à se désintéresser de toute élan d’action dans la gestion de leur espace public. Et pourtant… à la suite d’un pari un peu fou -celui de réunir suffisamment de personnes autour d’une charte engageant à respecter 6 valeurs fondamentales (Co-construction, démocratie, écologie, éthique, transparence et paix) pour déposer une liste de 103 candidats aux élections régionales en un temps très court- nous avons été les témoins privilégiés d’un tel élan de solidarité que non seulement nous pu déposer notre liste à temps, mais surtout, nous avons fait le constat enthousiasmant que nous sommes nombreux à pouvoir nous mobiliser autour d’un projet commun si tant est qu’il fasse sens. Quel serait-il, ce projet commun capable de mettre action jusqu’à certaines personnes qui s’étaient toujours senties impuissantes ? Pour nous, c’est celui de refaire société ensemble dans un contexte particulièrement éreintant qui nous conduit plutôt à nous dresser les uns contre les autres. Avec la conviction qu’il est encore possible, et même nécessaire de co-construire des solutions qui ne soient pas des recettes toutes faites à plaquer sur les situations, mais plutôt le résultat d’un travail commun faisant naître des idées qui n’auraient pu émerger autrement. Avec le soutien d’outils d’intelligence collective et de démocratie participative, qui permettront que contribuent tous ceux qui le souhaitent, afin de sonder les besoins et de faire fructifier les échanges. Avec la diversité de nos profils bien ordinaires, que nous revendiquons comme une caution pour être d’authentiques représentants dépourvus de conflits d’intérêts. Nous faisons donc le choix de remplacer l’habituel programme autour de mesures qui finalement ne représenteraient que nos 103 co-listiers par un triple engagement :

– veiller au respect des valeurs établies par la charte au sein de notre fonctionnement

– nous évertuer à mettre en place des outils concrets pour permettre le processus de démocratie participative opérationnelle

– porter avec objectivité et loyauté au Conseil Régional les propositions et demandes qui auront émergé de ce processus.


Le Média en 4-4-2 : Votre constat de base est donc que notre démocratie ne fonctionne pas, ou plus. Pensez-vous que ce constat soit partagé par une majorité de Français ? Et quelle est selon vous LA mesure à appliquer urgemment pour remettre le citoyen au centre du processus démocratique ?

Linda R. Et Marie M. : Ce constat désabusé ressort de façon massive des échanges avec les personnes que nous rencontrons. Les problématiques, les visions du monde varient, mais à la fin émerge systématiquement le sentiment d’impuissance face à des institutions qui semblent devenues sourdes à la voix des citoyens. Cette impression que le bulletin mis dans l’urne n’aura aucun impact nous est couramment partagée, et c’est sans doute la cause principale de l’augmentation constante et inquiétante des taux d’abstention. La toute première mesure à appliquer pour entamer la sortie de cet état d’impuissance qui conduit à la passivité serait peut-être de proposer des permanences à des échelles très locales (communes ou quartiers) pour permettre aux citoyens d’expérimenter certains outils d’intelligence collective, sur des sujets très concrets liés à la mission du Conseil Régional, permettant de mettre en application à cette échelle locale les solutions qui émergeraient de ces processus. Ainsi, tout en se familiarisant avec des outils pour le moment peu connus de la majorité des gens, les habitants pourraient contribuer à améliorer certains aspects concrets de leur environnement.

« Aller sonder les besoins de la population qui, d’un bout à l’autre de la Région est confrontée à des réalités très variées, est primordial »

Le Média en 4-4-2 : L’écologie fait partie de vos valeurs. Est-ce une écologie « Made in UE » à la Yannick Jadot ou voyez-vous le problème différemment ?

Linda R. Et Marie M. : L’écologie est typiquement un sujet qui nous a fait à tous prendre conscience que, chacun à notre niveau, nous avons la responsabilité et la possibilité d’agir. C’est un domaine ouvrant aisément à de nombreuses solutions locales, dans le champ des compétences de la Région. Que ce soit via la fiscalité, les transports, les lycées… Quand vous parlez de l’écologie « Made in UE », cela nous évoque à tous cette image d’une institution lointaine, qui mouline de manière un peu obscure les problématiques pour envoyer vers la population des dispositifs à l’emporte-pièce parfois complètement déconnectées des besoins réels. Les 103 co-listiers sont loin d’être avares d’idées dans ce domaine, mais ce qui leur semble primordial, c’est d’aller sonder les besoins de la population qui, d’un bout à l’autre de la Région est confrontée à des réalités très variées. Par exemple, pour ce qui est des transports, il nous semble totalement contre-productif d’élaborer un ensemble de propositions sans aller au préalable vérifier leur pertinence. Et plus encore, nous souhaitons proposer à tous ceux qui le souhaitent de co-construire des propositions d’amélioration dans le domaine écologique adaptées à leur réalité, en nous mettant également en lien avec les collectivités qui font déjà un travail de terrain remarquable.

 

Le Média en 4-4-2 : Trois régions accueillent donc des liste Un Nôtre Monde. Vous êtes-vous fixé des objectifs de résultats ou est-ce une occasion de mettre en avant vos thèmes et valeurs, peu importe le nombre de bulletins UNM glissés dans les urnes ?

Linda R. Et Marie M. : Nous sommes lucides sur le fait que nous sommes bien moins préparés que les autres listes sur notre région ; se faire connaître est un élément clef dans une campagne, et là-dessus nous aurons été bridés par les délais très courts. Il faut reconnaître cependant que c’est un temps privilégié où nous avons vu des portes de média qui nous étaient hermétiquement closes depuis des mois s‘ouvrir via ce contexte électoral et nous donner la parole, même brièvement. En réalité, nous avons déjà acquis une victoire : celle de constituer cette liste en un temps record, de créer une dynamique de groupe et de commencer à expérimenter les outils d’intelligence collective et de gouvernance partagée.

« Notre liste résulte clairement de cet élan citoyen souhaitant sortir d’une politique subie, pour entrer dans une dynamique de participation à l’organisation de la vie de la cité »

Le Média en 4-4-2 : Pensez-vous que le mouvement « Un Nôtre Monde » aurait vu le jour sans cette « crise sanitaire » ?

Linda R. et Marie M. : Cette crise sanitaire semble avoir agi comme un catalyseur de tensions déjà sous-jacentes car pour la gérer, notre gouvernement a fait le choix d’un état d’urgence qui court-circuite de nombreux garde-fous parlementaires et démocratiques. La déconnexion entre la gouvernance du pays et les citoyens est alors devenue flagrante. Cela a conduit des personnes jusque là silencieuses à se mobiliser concrètement, parfois pour la première fois de leur vie ! Notre liste résulte clairement de cet élan citoyen souhaitant sortir d’une politique subie, pour entrer dans une dynamique de participation à l’organisation de la vie de la cité.

 

Le Média en 4-4-2 : Peut-être parce que vos idées dérangent, les médias (souvent locaux) tirent à boulets rouges sur vos listes. On note d’ailleurs que ces journalistes réalisent un travail de recherche puisqu’ils vont même jusqu’à fouiller les comptes des réseaux sociaux des membres de vos listes. Il en ressort que « les candidats sont adeptes des thèses complotistes ». On image que vous vous y attendiez… Que leur répondez-vous ?

Linda R. Et Marie M. : Eh bien nous avions en effet peur des amalgames et de l’accueil qu’allaient réserver les médias à notre liste atypique. Mais, quand on y pense, ça laisse quand même songeur : n’est-il pas du devoir des journalistes de rechercher l’objectivité de l’information diffusée ? N’est-il pas de notre de droit qu’elle nous soit appliquée dans l’impartialité ? C’est vraiment intéressant ce que vous relevez : en effet, les journalistes en question ont fait un vrai travail de recherche. Alors comment est-il possible qu’ils aient fait l’impasse sur une partie de leurs résultats ? Pour ne citer qu’un exemple : les professions des co-listiers ont été scrutées, mais seules certaines plus sujettes à caution (de l’avis plus que subjectif de ces mêmes journalistes) ont été restituées, sans un mot sur les médecins, fonctionnaires, entrepreneurs, retraités, enseignants présents sur la liste. Pourquoi ne donner à voir qu’une réalité partielle, si ce n’est pour se montrer partial ? Vous dites « j’imagine que vous vous y attendiez »… cela ne devrait-il pas nous indigner ? Quelle est cette société où nous ne sommes mêmes plus étonnés que les media les plus reconnus fassent de grossiers raccourcis, et émettent les jugements les plus discutables, qui plus est sur des aspects anecdotiques ? Nous sommes fiers de la diversité des profils de nos co-listiers car c’est là que s’enracine notre caution de « liste citoyenne ». Cela étant, est-ce trop demander aux journalistes, plutôt que d’aller fouiller les réseaux sociaux à la recherche de détails croustillants (dont la valeur ajoutée reste à démontrer), que de s’attacher avant tout à nous questionner sur notre charte, les valeurs qui nous animent, les propositions que nous défendons, et de restituer avec neutralité nos réponses ?

« Chaque bulletin Un Nôtre Monde comptabilisé sera pour nous un soutien précieux et une validation de la pertinence de notre démarche »

Le Média en 4-4-2 : Louis Fouché est à l’origine de ce projet. S’en est-il justement retiré pour éviter que les médias classent ce mouvement dans les « antivax » ?

Linda R. Et Marie M. : Louis Fouché a apporté sa contribution à une réflexion préalable sur la pertinence de se constituer en liste régionale dans le contexte actuel, et à l’élaboration de la charte d’Un Nôtre Monde. Je ne sais pas si on peut dire que ces apports initiaux le placent à l’origine de ce projet. En tout cas, je ne me permettrait de pas parler pour lui ni faire de supposition sur ses motivations. Ceci étant dit, comme nous venons de l’évoquer, les média classiques n’ont que peu d’intérêt pour la nuance. Dans ce cas précis, étiqueter Louis Fouché d’antivax en raison de sa posture prudente sur le sujet dénote déjà d’un grand manque d’objectivité. Quant à en faire de même avec notre liste atteint là les limites de la mauvaise foi, au vu de notre charte et de notre axe principal : mettre en oeuvre la démocratie participative au coeur de la mission du Conseil Régional.

 

Le Média en 4-4-2 : Quel avenir pour votre mouvement passée cette élections régionales ?

Linda R. et Marie M. : C’est une excellente question, nous y réflechissons bien sûr. Le contexte qui a permis l’émergence de notre mouvement ne va pas changer une fois les élections finies. Actuellement nous concentrons l’essentiel de notre énergie sur les échéances électorales, mais nous pensons également à ce qui va suivre. Nous tenons à appliquer à notre propre groupe les régles et les outils de gouvernance partagée, donc les futures orientations seront prises avec la participation de tous ceux qui souhaitent s’impliquer. Ce temps de co-construction est déjà prévu, mais n’a pas encore eu lieu ; je ne peux donc pas vous en dire plus, car personne ne sait à l’avance les idées qui émergeront d’un processus d’intelligence collective :  « Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous ensemble. »


Le Média en 4-4-2 :
Comment concrètement les personnes souhaitant soutenir votre action peuvent vous rejoindre ou contribuer à votre mobilisation ?

Linda R. Et Marie M. : Un Nôtre Monde Pays de la Loire possède sa propre page Facebook et son site internet (voir liens ci dessous), avec un formulaire de contact pour ceux qui souhaitent se faire connaître. Nous organisons également des événements ouverts à ceux qui désirent faire connaissance avec nous et tester les outils d’intelligence collective. Nous avons bien sûr besoin de contribution financière pour couvrir les frais incompressibles (même si nous sommes très loin des sommes habituellement engagées par les partis ordinaires). Et bien entendu, la démarche ultime de soutien serait de prendre le temps d’imprimer notre bulletin (notre budget limité ne nous a permis d’en fournir qu’une petite quantité à chaque bureau de vote) et de le mettre dans l’urne le 20 juin (ou d’en donner procuration à un proche).


Le Média en 4-4-2 :
Pour conclure, si vous aviez un argument à donner pour inciter des électeurs (abstentionnistes ou non) à voter pour votre liste, quel serait celui-ci ?

Linda R. Et Marie M. : Même si nous n’atteignons pas les minimums fatidiques nous permettant d’accéder au Conseil Régional, chaque bulletin Un Nôtre Monde comptabilisé sera pour nous un soutien précieux et une validation de la pertinence de notre démarche.


Le Média en 4-4-2 :
Merci Marie et Linda d’avoir pris le temps de nous présenter votre mouvement, vos idées et vos valeurs. Nous vous souhaitons bonne chance pour dimanche prochain !

 

Pour aller plus loin :
– la page Facebook d’Un Nôtre Monde Pays de la Loire
– le site internet du mouvement

Propos recueillis par Yoann pour Le Média en 4-4-2

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