Campagne présidentielle : Jean-Marc Borello, le Bernard Tapie de Macron

mise à jour le 31/01/22

Éminence grise de Macron, Jean-Marc Borello dirige le Groupe SOS depuis 1997. L’association, une « entreprise sociale », est verrouillée : pas de bénévoles, pas d’adhérents hormis une centaine de membres triés sur le volet, magistrats, hauts fonctionnaires, professeurs de médecine qui doivent être parrainés par les trente membres du conseil d’administration… qu’ils ont élus. La Fondation Schwab a primé le Groupe SOS au Forum économique mondial de Davos de 2017, mais Borello ne participera pas au Forum en 2020.

L’énorme Groupe SOS est financé à 80 % par l’État

Les trois cents établissements du Groupe SOS (11 000 salariés, 600 millions d’euros de chiffre d’affaires) — des sociétés d’insertion autofinancées et des associations — vivent grâce à 80 % de contrats publics. Un Groupement d’intérêt économique (120 personnes, des jeunes diplômés de Sciences-Po et d’HEC et 80 comptables) centralise la recherche de fonds, la communication et la comptabilité. Le groupe est propriétaire des immeubles qui l’hébergent. Grâce à ses statuts d’ESS (économie sociale et solidaire), il n’a pas à redistribuer de dividendes à des actionnaires mais réinvestit les bénéfices chaque année : il y a toujours un hôpital à redresser, un monument historique à restaurer, des islamistes radicalisés à remettre dans le droit chemin, des élus à former, des réfugiés à héberger… Une croissance de 10 % à 15 %, une valeur liquidative de un milliard d’euros, SOS n’en finit pas de grossir. Jamais une entreprise de l’économie sociale et solidaire n’avait atteint pareille taille en France. Jean-Marc Borello ne touche que 10 000 euros par mois, « même pas le plus gros salaire du groupe », précise-t-il.

Un supplément d’âme pour le Parti socialiste

Opportunément mitterrandiste en 1981, Jean-Marc Borello devient conseiller technique au cabinet de Gaston Defferre maire de Marseille et ministre de l’Intérieur. Entre 1984 et 1986, on le retrouve chef de cabinet de Gilles Trigano, délégué aux nouvelles formations auprès du Premier ministre Laurent Fabius. Comme SOS s’occupe de publics défavorisés, « Un patron comme lui fait toujours du bien aux politiques, c’est bien de l’avoir dans le paysage », avoue un ancien adjoint de la mairie de Paris. Directeur du Journal du Sida et de Respect Mag, Borello pilote, en 2013, la loi sur l’économie sociale et solidaire portée par Benoît Hamon. Il fait la connaissance de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo et, en 2017, le PS, via la mairie de Paris, lui confie la gestion du Pavillon de l’Elysée, « Laboratoire gastronomique de prestige » selon SOS.

De la lutte contre la toxicomanie au trafic d’ecstasy

En 1982, Mauroy fait entrer Jean-Marc Borello à la Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies (Mildeca). En 1984, il dirige, avec Régine, SOS Drogue International, une association de lutte contre la toxicomanie. En 1986, elle lui propose de diriger ses hôtels et restaurants (le Pavillon Ledoyen, le Regine’s, le Palace, etc.) La tentation est trop forte : en 1999, il est condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir « facilité l’usage illicite de stupéfiants, en laissant se dérouler et prospérer dans les établissements dont ils avaient la responsabilité un trafic de stupéfiants constitué par une revente et une consommation visibles et notoires d’ecstasy ». Il est condamné à payer 900 000 francs (137 000 euros) à l’administration des douanes.

Une philanthropie rentable pour les banques

Depuis 2010 Borello gère la Fondation du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves), une association de « patrons solidaires », avec de jeunes cadres formés par l’ENA, HEC, Sciences Po ou l’ESSEC. Auprès des banques l’investissement est présenté avec un rendement moyen de 5 %. Le dispositif économique est, bien sûr, au service de l’intérêt général. Un exemple : le réseau Cocagne de maraîchage biologique, censé œuvrer pour l’écologie (sous la forme de chantiers d’insertion), occupe des terrains mis à disposition par le philanthrope Vinci Autoroute. La même hypocrisie a prévalu chez Emmaüs de 1995 à 2002 avec l’énarque Martin Hirsch. L’époque est à la philanthropie qui rapporte.

Macron ouvre les portes d’En Marche à Borello

Borello enseigne à Sciences-Po de 1998 à 2003. Il y aurait rencontré Emmanuel Macron qui le propulse au poste de délégué national du mouvement En marche en 2017. Si le microcosme de Davos ne goûte pas le style de Borello, Macron l’apprécie. Chargé d’un rapport sur les contrats aidés après leur suppression en 2017, Borello multiplie les photos au côté de Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Il devient président de la commission nationale d’investiture de LREM en vue des élections européennes en 2018, puis, en 2020,  délégué général adjoint de LREM, « en charge de l’engagement citoyen ».

Macron finance le Groupe SOS

En 2018, le Groupe SOS décroche de gros contrats pour la mise en place des programmes de « déradicalisation ». Ce projet a été jugé peu sérieux par Mark Hecker (Institut français des relations internationales) dans « Djihadiste un jour, djihadiste toujours » (page 66) et — après qu’il a dirigé un de ces centres de déradicalisation — par Gérald Bronner dans « Déchéance de rationalité ». Le même Bronner récidive avec la commission « Les Lumières à l’ère numérique ».

Borello est accusé d’agressions sexuelles dans l’entreprise

Accusé de harcèlement et d’agressions sexuelles dans son entreprise, Borello — qui ne cache pas son homosexualité — se défend en invoquant la « culture du groupe ». « Libération » a recueilli en 2018 les nombreux témoignages d’anciens employés décrivant les comportements déplacés de leur patron, au vu et au su de tous. Ils évoquent un mélange de contrainte morale, hiérarchique et physique. Quand la rumeur de l’enquête de Libération  remonte jusqu’aux oreilles du directoire, SOS s’organise. Des dizaines d’anciens collaborateurs et stagiaires sont appelés. On leur demande de témoigner, via des formulaires administratifs, du « bon comportement » de leur patron. Il y a prescription pour tous ces faits avérés.

Spéculation immobilière à tout-va pour les copains

Parmi toutes les structures mal en point, le Groupe SOS ne reprend que celles qui bénéficient de subventions sûres ou, surtout, disposent d’un patrimoine immobilier. Il évite l’expulsion ou le dépôt de bilan des structures qu’il absorbe, mais remplace une partie du personnel, précarise ceux qui restent et met en place une gouvernance clanique. Si le petit cinéma La Clef rue Mouffetard à Paris continue à se battre contre SOS pour ne pas être exproprié, il reste une exception. Le Groupe SOS s’est constitué un empire immobilier : 455 logements sociaux à Paris, 26 commerces, 2 garages, des châteaux, des bureaux à Metz, Marseille et Casablanca, et 48 structures du type résidences sociales, crèches, maisons-relais, foyers de jeunes travailleurs… Tout est logé dans Alterna, filiale à statut coopératif de SOS, dirigée par Frédéric Bailly (Ecole Supérieure du Commerce Extérieur, Master de Management Global des Entreprises de l’Université Paris Dauphine). D’où vient le patrimoine d’Alterna ? Il a grandi au fil des acquisitions financées par d’abondantes subventions, mais aussi par l’intégration d’associations qui lui transfèrent leurs actifs, terrains, bâtiments, etc.

L’Agence nationale de contrôle du logement social relève : « En décidant de vendre à des personnes travaillant au sein du Groupe SOS, Alliance Immobilière [ancien nom d’Alterna] a écarté des acheteurs offrant un meilleur prix. » C’est ainsi qu’un bel immeuble en pierre de taille, au cœur de Paris, destiné initialement à du logement social, s’est  retrouvé pour moitié la propriété d’Eric Teboul, alors gérant d’Alterna. En juin 2004 et juin 2006, il y a acquis cinq appartements bien en dessous des prix du marché. Guy Sebbah, directeur de SOS Solidarités, Frédéric Bailly, l’actuel gérant d’Alterna, Nicolas Froissard, directeur de la communication de SOS, ont également largement profité des bonnes affaires immobilières du Groupe SOS.

Fidèle soutien d’un pédophile

Jean-Marc Borello a été un des administrateurs de l’Institut des Tournelles au château de Hautefeuille (Seine-et-Marne). Cette association de protection de l’enfance pratiquait la « thérapie par le luxe » inspirée par Françoise Dolto (nuits dans des châteaux et des palaces parisiens, piscine, jacuzzi, salle de projection, et même kangourous dans le parc), le tout financé par la Sécurité sociale, le ministère de la Justice, mais aussi Danielle Mitterrand, Raïssa Gorbatchev, etc. Borello, en voiture avec chauffeur, va y passer des week-ends. Un enfant s’évade en 1997, porte plainte pour abus sexuels et l‘institut est fermé. Son directeur, Robert Mégel, fonctionnaire de la Protection judiciaire de la jeunesse, finit par être condamné à douze ans de prison pour pédophilie en 2006. Jean-Marc Borello, représentant de l’association lors de l’ouverture de l’enquête en 1997, a toujours plaidé en faveur de Mégel lors des procès successifs.

Marché des transports à Marseille : c’est cadeau !

Le 2 septembre 2021, Macron, en pleine campagne électorale non déclarée, met sur la table un milliard pour développer les transports à Marseille. Et hop ! le 15 septembre 2021, Wimoov (Groupe SOS) inaugure sa plateforme marseillaise pour « répondre aux besoins de mobilité des publics les plus fragiles », comme l’indique son directeur régional. Une manière, selon lui, d’accompagner une insertion professionnelle et sociale. Parmi les philanthropes partenaires de Wimoov, figurent AGR2 La Mondiale, BNP, Total, divers ministères, GMF, Norauto…

Borello mijote l’astuce du second tour

Le 3 octobre 2021, Jean-Marc Borello — délégué général adjoint de LREM, entre autres choses — alerte de « l’arrivée de la peste brune » [Éric Zemmour] tout en dissertant sur ce « virus nouveau » qui représenterait « 15 % du corps électoral » et qui « se traduit par des désordres mentaux, un peu de machisme, un peu d’homophobie ». Il n’a quand même pas osé l’antisémitisme… Avec la mise en scène du nouveau candidat surprise, LREM assure la relève de Marine Le Pen. Le soutien de Jean-Marie Le Pen à Zemmour serait-il un grain de sable ? Enfin, tout cela ne concerne que les happy few qui continuent à s’intéresser aux élections.

Jacqueline pour Le média en 4-4-2.

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